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À la une Conseil métropolitain Valérie Faucheux

Déchets : réduire plutôt qu’incinérer

[Conseil métropolitain du 30 mars 2017]

Le projet de restructuration de l’usine d’incinération des déchets nous a été présenté. Basé sur une capacité identique en terme de volume, il nous engage pour 25 ans et 85 millions d’euros. Sans tenir compte de la nécessaire réduction des déchets et de la loi de transition énergétique. Au risque même d’être contraints d’aller chercher des déchets sur d’autres territoires pour assurer le bon fonctionnement de l’incinérateur ! Nous avons voté contre ce projet.

Conseillère métropolitaine Intervention de Valérie FAUCHEUX au nom du groupe écologiste

citationCe soir, nous avons débattu en début de conseil d’un pacte métropolitain pour l’emploi, mais nous aurions pu également débattre de notre politique « déchets » tant les délibérations sur ce point sont importantes et nous engagent sur une génération.

Nous avons de fortes interrogations quant au pré-programme des travaux de restructuration de l’usine d’incinération. Nous sommes conscients que cette usine est ancienne, près de 50 ans, et que des travaux sont nécessaires pour améliorer ses performances. Cependant avant de nous engager pour 84 millions d’euros et sur 25 ans, nous souhaitons mettre nos interrogations en débat ce soir.

La première interrogation porte sur le maintien du volume actuel de déchets qui sera brûlé par l’incinérateur à savoir 144 000 tonnes par an. Nos actions ont pour objectif de faire passer le volume de déchets de 210 kg/habitant/an aujourd’hui à 190 kg en 2020 et avec un objectif de baisse continue au-delà de 2020. Même en intégrant la croissance de la population métropolitaine, il est probable que le volume de déchets à incinérer en provenance de la métropole soit plutôt autour de 100 000 tonnes. De la même façon le volume de déchets en provenance d’autres collectivités, 40 000 tonnes aujourd’hui, est lui aussi amené à décroître. Bref, le maintien des capacités de l’incinérateur à 144 000 tonnes de déchets par an nous semble une hypothèse bien haute au regard des objectifs de réduction des déchets à 2020 et au-delà.

La seconde interrogation porte sur les impacts de la loi
de transition énergétique sur notre politique de déchets.

La loi impose par exemple de « développer le réemploi et augmenter la quantité de déchets faisant l’objet de préparation à la réutilisation » ou encore « d’étendre progressivement les consignes de tri à l’ensemble des emballages plastiques sur l’ensemble du territoire avant 2022 ». On peut également y lire : « Les collectivités territoriales progressent vers la généralisation d’une tarification incitative en matière de déchets, avec pour objectif que quinze millions d’habitants soient couverts par cette dernière en 2020 et vingt-cinq millions en 2025 ». Autant de mesures qui pourront avoir un impact significatif sur la baisse du volume de déchets.

Il nous semble indispensable que
toutes ces nouvelles mesures et leur impact
sur Rennes Métropole soient étudiées
avant de nous engager sur un investissement
aussi lourd sur l’incinérateur.

La troisième interrogation porte sur la valorisation énergétique. L’incinérateur produit de l’électricité et de la chaleur qui est redistribuée via le réseau de chaleur nord qui couvre Villejean et Beauregard. Ainsi, nos déchets chauffent les habitants de ces quartiers. Les investissements prévus visent à améliorer le rendement énergétique de l’incinérateur. C’est louable mais là aussi, nous risquons de mettre la charrue avant les bœufs. Beaucoup d’incertitudes sont encore à lever concernant les réseaux de chaleur de la Ville de Rennes. Par exemple, nous ne savons pas aujourd’hui quel sera l’impact du déménagement de l’hôpital sud sur l’équilibre économique du réseau de chaleur sud. Quelle sera la réalité des extensions futures des trois réseaux de chaleur, et notamment celui alimenté par la chaufferie bois de Baud Chardonnet qui n’a pas encore atteint sa capacité maximale ? Comment peut se faire l’interconnexion des trois réseaux de chaleur rennais ? Autant de questions qui devront être traitées dans le cadre du futur schéma directeur des réseaux de chaleur. Ce schéma reste à construire, et pourtant il est essentiel pour déterminer concrètement les besoins de production énergétique liés à l’incinérateur.

Les solutions de stockage qui permettraient de garder une partie de la chaleur produite l’été afin d’être utilisée pour chauffer les bâtiments l’hiver et ainsi optimiser encore l’efficacité énergétique de l’incinérateur doivent aussi pouvoir être étudiées. Elles permettraient certainement encore de réduire le volume de déchets nécessaire pour produire la même quantité d’énergie.

La décision que nous prenons ce soir nous embarque pour 25 ans. En effet, pour des raisons de rentabilité économique de l’incinérateur et de retour sur investissement, il sera très difficile de réduire le volume de déchets pour lequel l’incinérateur est dimensionné. Nous pourrions donc nous retrouver dans une situation où, le volume de déchets par habitant continuant de baisser, nous serions alors contraints d’aller chercher des déchets sur d’autres territoires pour assurer le bon fonctionnement de l’incinérateur. Ce serait contraire à la logique du développement durable.

L’investissement envisagé ici nous engage sur un temps long, alors même que plusieurs orientations sur notre politique de réduction des déchets doivent encore être débattues, et leurs impacts affinés.

Nous souhaiterions donc qu’elle soit reportée
de quelques mois afin de nous permettre de préciser
notre trajectoire à long terme en matière de réduction
des déchets incinérables, et de finaliser
un schéma directeur des réseaux de chaleur.

Cette connaissance ainsi qu’une hypothèse de stockage de chaleur, comme à Brest par exemple, sont pour nous des données d’entrées indispensables à la prise de décision concernant un tel programme. Sans cela, nous ne pourrons pas ce soir voter cette délibération.