Catégories
À la une Biodiversité – Climat – Animal dans la ville Conseil métropolitain Morvan Le Gentil

Un plan climat local qui se heurte aux insuffisances de l’État…

Conseil métropolitain du 30 janvier 2025 – Intervention portée par Morvan Le Gentil au nom des élu·e·s écologistes et citoyen·ne·s sur la délibération n°1 : Développement durable du territoire – Environnement – Énergie – Plan Climat Air Énergie Territorial – Arrêt du projet

Madame la Présidente, cher.e.s collègues, 

De nombreuses communes de notre Métropole ont aujourd’hui les pieds dans l’eau. Plus de 1000 personnes ont été évacuées suite aux inondations d’ampleur qui frappent notre département et qui rappellent une fois de plus qu’aucun territoire ne sera épargné par le dérèglement climatique. Les évènements de ce type deviennent de plus en plus fréquents, et la communauté scientifique nous alerte sur les accélérations à venir. 

Face aux inondations, de nombreux habitants subissent des pertes matérielles considérables et doivent faire face à l’angoisse et au choc de perdre temporairement leur lieu de vie. Nous leur adressons tout notre soutien. Nous pensons également à nos collègues Maires et élus, aux services communaux et métropolitains ainsi qu’aux services de secours qui se sont mobilisés. Nous avons pu aussi compter sur les habitants dont les nombreux actes de solidarité vis-à-vis des sinistrés rappellent à quel point la mobilisation collective est déterminante face aux catastrophes. 

Des habitants qui ont su aussi être au rendez-vous de la concertation sur le renouvellement de notre Plan Climat Air Énergie Territorial : celui-ci, dans le contexte éprouvant de ces derniers jours, revêt ce soir une importance particulière. A travers les focus groupes et la mobilisation d’un panel citoyen, nous avons pu constater une prise de conscience massive des habitants sur la réalité des dérèglements climatiques. Ainsi 95% des participant·e·s se disent inquiets. Cela vient confirmer l’enquête TMO d’il y a deux ans dans laquelle 82% des métropolitains se disaient aussi inquiets face à l’enjeu climatique et où plus de 7 habitants sur 10 appelaient à plus d’engagement de la Métropole. 

Lors de la concertation PCAET, les habitants ont demandé plus d’actions ambitieuses et exigeantes, notamment pour développer encore les infrastructures cyclables, être plus prescriptif vis-à-vis des entreprises, promouvoir la seconde main ou encore faire bouger l’industrie agro-alimentaire dans le sens d’une alimentation moins carnée, plus qualitative et plus respectueuse de la ressource en eau. Cette demande citoyenne nous engage, nous devons être à la hauteur et poursuivre avec eux : alors que le PCAET n’évoque même pas une saison 2 de “Nos Lieux Communs”, c’est peut-être le moment de mettre en place une “Assemblée climat”, qui pérenniserait la Fabrique Citoyenne et pourrait aiguillonner dans la durée nos initiatives. Avec comme première mission de réagir à ce projet de PCAET, pour le tirer encore vers le haut, durant l’enquête publique, avant son approbation définitive. 

Ce nouveau document témoigne d’avancées positives par rapport au précédent. L’ajout d’un diagnostic de vulnérabilités ainsi que d’un plan d’actions sur l’adaptation sont ainsi à saluer. Tout comme notre objectif métropolitain de réduction des gaz à effet de serre, qui va plus loin que la stratégie nationale bas carbone : nous visons moins 42% d’ici à 2030 par rapport à 2019, alors que la Stratégie nationale prévoit seulement 37%. Nous nous félicitons de cette ambition.

Mais un certain nombre de points nous ont laissé sur notre faim. D’abord, un paradoxe : ce futur PCAET s’inscrit très clairement dans une continuité de l’existant, mais il ne prend pas le temps d’analyser ce qui n’a pas marché dans l’actuel PCAET. Sans ce bilan critique, sans l’identification des causes ayant empêché l’atteinte de plusieurs objectifs majeurs, on est en droit de se demander comment le même braquet, les mêmes recettes pourraient produire un effet différent.

Et au-delà de ce paradoxe, une confusion : entre “embarquer tout le monde”, qui est un postulat louable ; et “ne fâcher personne”, qui pour le coup n’est plus tenable aujourd’hui. Face à l’emballement climatique et à la demande citoyenne, nous allons avoir besoin de ruptures franches. Pour cela le récit partagé, l’envie sont bien sûr essentiels. Mais nous interrogeons le refus d’adjoindre au document toute norme. Pour nous au contraire, la contrainte doit bien sûr être négociée collectivement, mais elle fait partie des outils du progrès. Heureusement que nous avons su inventer des contraintes intelligentes en matière d’urbanisme, de circulation, de rejets polluants… nous devons l’assumer en intégrant les orientations du PCAET dans nos documents prescriptifs pour conforter un cadrage ambitieux pour le futur, notamment sur les questions de sobriété, d’économies et aussi, il faut le dire, de renoncement : la nécessaire distinction entre le nécessaire et le superflu. 

Nous sommes parfaitement conscients que ce passage à l’échelle des solutions climatiques, que ce soit sur le logement, l’énergie, l’agriculture, l’alimentation ou encore l’adaptation, nécessitent des moyens conséquents. Et nous sommes aussi très lucides sur le fait que cela ne dépend pas que de nous, j’ai envie de dire, malheureusement. Dans la mise en œuvre des politiques climatiques, comme dans les autres domaines, les collectivités devraient pouvoir compter sur un partenariat constructif avec l’État, qui se révèle trop souvent absent. En attestent la prévision de coupe d’1,3 milliards d’euros pour les politiques environnementales dans le budget du gouvernement Bayrou. Ce n’est pas sérieux. 

D’autres partenaires publics font également défaut dans la traduction de l’ambition climatique sur notre territoire. Nous sommes particulièrement déçus par la stratégie régionale aéroportuaire qui prévoit que l’aéroport Rennes-Saint Jacques passe de 600 000 passagers à 1 million à horizon 2030. Là non plus, ce n’est pas sérieux et en dissonance avec l’ambition affichée pour “moins de carbone”. Mais on ne peut pas dire non plus que notre projet de PCAET porte une vision particulièrement tranchante sur ce point, alors que l’aérien représente 1/6 de l’empreinte carbone de nos déplacements.

Nous voterons ce soir ce projet de PCAET, espérant que les six prochains mois permettront d’intégrer un certain nombre de réponses aux limites que nous tenons à soulever ce soir.

Si nous saluons l’objectif annuel de rénover 5000 logements, nous interrogeons sérieusement notre capacité à l’atteindre. Dès 2022 nous alertions sur ce sujet, en demandant notamment un renforcement de nos moyens sur le dispositif EcoTravo. Là encore, l’Etat fait défaut, mais face à une non consommation de tous nos crédits, il s’agirait aussi peut être de renforcer notre service dédié qui semble sous-staffé et peut être d’envisager un assouplissement de la mise en œuvre du programme pour le rendre plus accessible.  

Sur l’approvisionnement local et bio les actions proposées  sont cohérentes, et nous soutenons l’objectif d’avoir 100 % de repas végétariens lors des événements organisés par la Métropole. Mais en miroir nos objectifs en matière de restauration collective devraient être rehaussés, et gagner en homogénéité sur l’ensemble de notre territoire.

De même pour les activités agricoles, industrielles et tertiaires : nous reconnaissons la bonne volonté d’afficher l’accompagnement des filières en transition, mais nous restons demandeurs de vraies mesures de réduction de certaines activités extrêmement consommatrices de ressources, à l’instar des serres à tomates, ou de nos équipements sportifs les plus énergivores.

Sur le volet énergétique, en particulier sur le solaire, il y a un écart trop important entre les études présentées dans le diagnostic d’atténuation, et le plan d’action. En effet, le diagnostic nous donne un potentiel de solarisation de nos parkings de 2900 GWh/an, mais le plan d’action donne, à 2030, un objectif situé entre 84 et 100 GWh… A titre de comparaison, la métropole de Lille produisait en 2021 221 GWh par an d’énergie solaire. Il nous faut aller plus vite dans le domaine des ENR, en restant vigilants sur la bonne application de nos chartes méthanisation et agrivoltaïsme.

Sur la ressource en eau, nous nous étonnons que le plan d’action “adaptation” n’entérine pas l’objectif zéro pesticides d’ici 2030, pourtant mentionné dans le pacte. Il indique en effet un objectif de baisse de 60% des pesticides à 2035, alors que cet objectif ne concerne pas le territoire de Rennes Métropole mais celui de la CEBR. Dans un contexte de mise en cause par les syndicats agricoles majoritaires des mesures de préservation de la ressource en eau, notamment sur la protection des captages d’eau potable, cette confusion des objectifs interroge. Nous devons afficher clairement nos intentions. De plus, il n’y a aucune action nouvelle proposée. Quid de l’amplification des aides à la conversion et à l’installation en bio ? De la sanctuarisation des terres agricoles bio ? 

Enfin sur l’adaptation de nos activités économiques, nous sommes relativement déçus au regard de l’insuffisance des actions proposées. Au moment où les indicateurs économiques tressaillent sous les impacts post crise sanitaire et la concurrence internationale, nous avons plus que jamais besoin d’une vraie stratégie économique et industrielle, qui soit davantage dans l’anticipation et la planification, en cohérence avec les besoins de notre territoire et nos priorités climatiques, sociales et démocratiques. 

Nous souhaitons donc que certains objectifs soient précisés pour pouvoir obtenir véritablement des résultats. Mais nous voulons également alerter sur la difficulté à se projeter dans la concrétisation des objectifs affichés alors qu’aucun cadrage n’y est joint. C’est pourquoi d’ici le prochain vote nous demandons un chiffrage précis et global des l’ensemble des enveloppes financières nécessaires à l’atteinte de nos objectifs respectant l’Accord de Paris. Objectif par objectif, une évaluation pluriannuelle des budgets nécessaires, et une ventilation entre nos budgets métropolitains et ceux de nos autres partenaires, au premier rang desquels l’Etat bien sûr.

Nous demandons également un tableau de suivi de la mise en œuvre avec des indicateurs plus lisibles pour les habitant.te.s mais aussi pour nous, les élu.e.s. 

Pour terminer, nous tenons à remercier l’ensemble des services et des élu.e.s, mais aussi l’Audiar qui ont travaillé pendant deux ans sur ce document qui, nous l’espérons, donnera corps à notre ambition toujours plus vivace et toujours plus urgente pour le climat. 

– Seul le prononcé fait foi –