Catégories
À la une Conseil métropolitain Eau – Déchets – Économie circulaire Laurent Hamon Valérie Faucheux

Usine d’incinération des déchets : la Métropole confortée dans sa bonne gestion

Conseil métropolitain du 30 janvier 2025 – Intervention portée par Valérie Faucheux au nom des élu·e·s écologistes et citoyen·ne·s
sur la délibération n°5 : Mission d’information, d’évaluation et d’études sur les travaux de restructuration de l’Unité de Valorisation Énergétique des déchets (UVE) – Rapport

Madame la Présidente, cher.e.s collègues, 

Les élu.e.s écologistes et citoyens se félicitent du bon déroulement de cette Mission d’évaluation, gage du fonctionnement démocratique de notre collectivité. A travers 9 réunions et une visite de site, la MIE a permis à ses membres issus des différents groupes politiques de notre assemblée, de rentrer dans la complexité de ce dossier très technique et de mieux comprendre les décisions de l’exécutif.

En préalable, rappelons que l’incinération n’est pas le meilleur mode de gestion des déchets, car il génère de la pollution et des émissions de CO2. Si faute de mieux l’incinération s’avère encore nécessaire pendant quelques décennies, il est de notre responsabilité d’en organiser la diminution progressive. C’est pourquoi en 2017, nous nous étions opposés au maintien de la capacité de l’UVE à 144 000 tonnes. 

Un dimensionnement trop important de la nouvelle usine risquait de contraindre à la poursuite de l’incinération au détriment de la réduction des déchets, alors que nous devons prioriser la prévention, la réparation, la réutilisation et le réemploi. L’histoire nous aura un peu donné raison : depuis 2017, la production d’ordures ménagères résiduelles a diminué sur notre territoire, passant de 84 000 tonnes à 79 000 tonnes en 2023 (-6%) et ce malgré la croissance démographique importante. Avec la collecte des biodéchets et les nombreuses actions de prévention, la diminution devrait se poursuivre. 

Il semble qu’au détour de cette MIE, certains collègues aient découvert l’impact environnemental d’une UVE, notamment à travers la question du plan de détournement de nos déchets pendant les travaux. Contrairement aux idées reçues, la partie transport des déchets ne représente qu’une partie minime de l’impact (1,8% en 2023), cela nous confirme que c’est bien le brûlage des déchets et donc l’incinération qu’il nous faut réduire à terme. 

La problématique est d’ordre régional : avec la baisse des déchets d’une part et le développement d’incinérateurs privés d’autre part, le risque est réel de ne pouvoir saturer les vides de four et de faire face à une surcapacité bretonne en matière d’incinération.

Mais revenons à la MIE. Les difficultés rencontrées dans les travaux de l’UVE ont conforté le choix de la collectivité d’une maîtrise d’ouvrage métropolitaine. C’est bien grâce aux compétences internes de notre collectivité, tant en termes d’ingénierie, techniques et juridiques, que nous avons pu déceler les non-conformités. Un contrat en délégation ou un marché de concession-travaux nous aurait mis au pied du mur et aurait fortement réduit nos marges de manœuvre. Le risque aurait alors été grand que les services de l’Etat ne valident pas la mise en service, comme ils nous l’ont confirmé lors de leur audition, ce qui aurait impliqué une reprise beaucoup plus importante des installations achevées, pour un coût encore plus élevé. Ce mode de gestion est donc bien pertinent en garantissant l’intérêt de la collectivité et des habitants, ainsi que la sécurité, tout en maîtrisant les coûts.

Nous en profitons pour saluer l’excellence de nos services, en particulier la direction générale, la direction des déchets et des réseaux d’énergie, ainsi que ses conseils, la direction des finances et la direction des affaires juridiques, avec des remerciements appuyés à Madame Fleury, Madame Neuschwander et Madame Basquin. Tou·te·s ont su détecter les problèmes et les gérer avec le plus grand professionnalisme.

Lors de cette MIE, nous avons été déconcertés par le manque de sérieux et de professionnalisme de l’entreprise Ruths, chargée de la conception et de la réalisation des chaudières, face aux problèmes identifiés par les services de Rennes Métropole et ses AMO (cabinet Merlin et Enereizh). Ruths n’a fait que minimiser les problèmes détectés, ne les a pas pris en compte, n’a produit que des réponses partielles voire pas de réponse. L’entreprise a fourni trois dossiers de conceptions différents entre Mai et Septembre 2023, avec des erreurs et une évolution des méthodes de calcul. Sur la base des documents fournis par Ruths, les différentes expertises (APAVE, Enereizh, Bureau Véritas et le dernier en date Cétim) ont relevé de manière convergente de nombreux problèmes de conception et de réalisation et n’ont pas pu conclure à la conformité requise des chaudières avec la norme et la directive européenne qui en définit les exigences essentielles de sécurité. 

Lors de l’audition, les représentants de l’entreprise Ruths, particulièrement nerveux, ont fait preuve d’approximations et utilisé des comparaisons peu crédibles, par exemple sur l’accostage des modules de la chaudière : “on a forcé comme lorsqu’on monte un meuble Ikea”. Ils se sont entêtés à défendre le principe des soudures à pénétration partielle, qu’ils n’avaient pas présentés en transparence lors de leur réponse à l’appel d’offre et qui fragilisent l’installation. Nous avons aussi été très étonnés d’apprendre qu’ils étaient en contact direct avec certains élus de la minorité, leur transmettant des documents qui auraient pu être mis à disposition par la MIE.

Nous n’avons pas non plus été convaincus par l’audition de l’expert judiciaire, dont l’avis s’est avéré en décalage et plutôt “solitaire” face aux auditions des autres experts. Il a aussi minimisé les problèmes (“il n’y a rien de dramatique”, “petite erreur”), tout en reconnaissant ne pas avoir examiné les cahiers de soudage. Il a également déclaré ne pas disposer du logiciel permettant de vérifier la méthode de calcul par éléments finis. Ces éléments étaient pourtant déterminants pour évaluer la conformité à la directive européenne. L’expert judiciaire a également fait preuve d’attitude de défiance en menaçant à plusieurs reprises de quitter la salle et a présenté la Métropole comme « quelqu’un qui a acheté une Fiat et qui veut une Mercedes”, faisant fi du principe de précaution qu’il a jugé être “invoqué à tort” et qui ne “l’empêche pas de dormir”. 

Le grand absent a été l’INAIL, organisme certificateur italien qui a refusé de s’exprimer devant les élus, mais qui porte une grande responsabilité dans ce dossier, qui devra être éclaircie par des voies juridiques. 

Sur l’impact financier, nous estimons que ce n’est pas aux métropolitains de payer la facture salée des défaillances de l’entreprise Ruths, à travers l’augmentation contrainte du taux de TEOM. Nous soutiendrons l’exécutif dans ses démarches pour activer tous les leviers possibles – juridiques, financiers ou assurantiels – afin d’appliquer des pénalités et engager des recours contre l’entreprise italienne et ainsi couvrir le préjudice financier subi par la Métropole et ses habitants.

Par ailleurs, une évolution législative serait nécessaire pour créer un fonds de travaux permettant d’anticiper sur plusieurs années le financement d’investissements importants. Ce nouvel outil permettrait de préserver le taux de TEOM de ce type d’aléas.

En définitive, la MIE a permis de mieux expliciter les décisions d’arrêt des travaux et de mise en place d’un marché de substitution pour corriger les défauts constatés et remettre aux normes l’installation. Les échantillons prouvant la fragilité des soudures, la visite du chantier et l’ensemble des auditions nous ont clairement convaincus que l’exécutif a fait le bon choix pour assurer la pérennité sur le long terme de cette installation classée et garantir la sécurité pour celles et ceux en charge de son exploitation. Conseillés et guidés par les avis et expertises convergentes, la Présidente et notre collègue Laurent Hamon, Vice-Président aux déchets ont su être dans l’anticipation permanente face aux difficultés. Nous tenons à les en remercier. 

Si jusque-là, le discours de l’opposition, relayé par les médias, avait plutôt mis en cause la Métropole et appelait à une reprise immédiate du chantier, le revirement en fin de mission du groupe « Ensemble pour Rennes » est particulièrement surprenant. Après avoir soupçonné la métropole d’avoir pris des décisions d’arrêt des travaux trop tôt sans égard pour Ruths qui aurait été mis en difficulté, désormais ils prétendent au nom d’un prétendu défaut de suivi que les travaux auraient dû s’arrêter plus tôt. Preuve d’une volonté d’utiliser de ce dossier dans une stratégie bassement électoraliste. Par ailleurs, notons qu’ils reconnaissent maintenant les problèmes et le risque pour la sécurité de l’équipement et pour la Métropole et ses habitants. Au fur et à mesure des auditions, les interrogations des uns et des autres ont trouvé des réponses, conduisant à une adoption à l’unanimité du rapport, assez accablant pour Ruths. La MIE a ainsi rendu caduque la tentative de certains de faire de ce sujet éminemment technique un enjeu politique. 

En définitive, les élu.e.s écologistes et citoyens soutiennent l’exécutif dans sa bonne gestion de ce dossier, y compris sur la résiliation récente du contrat avec l’entreprise Ruths refusant de réaliser les travaux qui lui incombent et la recontractualisation avec Est Industrie qui nous permettra, nous l’espérons, d’atterrir sur un redémarrage de l’UVE début 2026.

– Seul le prononcé fait foi –