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Pour une refonte de notre projet industriel à la Janais

Conseil métropolitain du jeudi 21 mars 2024 · Intervention portée par Morvan Le Gentil au nom des élu·e·s écologistes et citoyen·ne·s sur la délibération n°3 : Développement économique – Délégation de service public relative à la gestion et à l’exploitation du patrimoine immobilier économique – Avis de principe et caractéristiques

Nous profitons de cette délibération pour aborder un sujet connexe, lié au foncier économique de notre métropole. L’actualité des dernières semaines, avec en point d’orgue l’annonce surprise de l’implantation de Safran à La Janais – mais également le déménagement des Routiers Bretons ou les questionnements autour de Microsoft et des Data Centers, amène en effet une triple interrogation :

  • sur la stratégie industrielle de notre territoire et sa compatibilité avec nos engagements pour une décarbonation conforme aux accords de Paris
  • sur le projet de réindustrialisation porté collectivement pour le foncier d’exception que constitue La Janais
  • sur les processus de décision dans nos instances, pour des orientations qui impacteront durablement notre territoire

Sur ce dernier point il nous faut redire notre incompréhension face à l’absence de concertation, pour un dossier aussi stratégique que Safran, avec les autres groupes d’élu·e·s composant la majorité. Il n’y a pas eu non plus de temps d’information, en amont de sa sortie dans la presse, auprès de notre assemblée métropolitaine. Et puisque la décision de vente des 7 hectares de terrain relève d’un acte de cession dans le cadre du mandat confié à notre opérateur Territoire, il n’est pas prévu qu’elle soit l’objet d’un vote ou même d’un débat au sein de nos instances.

Pourtant, ce type de décisions s’avère structurant tant pour l’avenir industriel de la Janais que pour le futur de notre territoire métropolitain. Cela renvoie une série d’interrogations profondes sur la transition écologique de notre économie, en particulier sur la décarbonation de notre industrie, dans le respect de la COP 21 et d’une trajectoire de réchauffement climatique limitée au plus près des 1,5 degré. Comment respecter les objectifs climatiques à travers la réindustrialisation de notre territoire ? Que signifie la décarbonation de notre industrie ? Quelles activités sont désirables et prioritaires pour l’avenir de notre territoire et la préservation de l’habitabilité de notre planète ? Ces enjeux nous semblent au cœur du débat actuel.

Le temps est révolu, où notre stratégie économique pouvait afficher l’emploi comme seul objectif. L’industrie et le développement économique ne sont pas des mondes étanches, hors-sol, déconnectés du reste de nos priorités. Il en va de notre cohérence avec différentes stratégies votées par notre assemblée métropolitaine, que nous ne pouvons écarter d’un revers de la main : ·      

  • Nous pensons au PCAET qui nous oblige en matière de transition climatique et dont nous disions déjà en 2019, je cite “le développement économique, qui peut servir le PCAET en privilégiant un écosystème favorable, peut aussi annihiler ces efforts s’il intervient sans discernement ni critères environnementaux.” 
  • Nous pensons également à la stratégie d’économie circulaire ou encore la politique menée en faveur de la décarbonation de nos transports.
  • Nous pensons encore au Plan Local d’Aménagement Économique, pour lequel la vente du terrain à un grand groupe vient contredire les nouvelles orientations métropolitaines que nous travaillons actuellement en matière de gestion de nos fonciers économiques. Les travaux autour du futur PLAE affichent en effet l’ambition que 100% du foncier économique métropolitain reste désormais propriété de la métropole : nous avions le moyen d’affirmer notre cap, de l’appliquer dès aujourd’hui via des baux emphytéotiques. Au lieu de quoi nous n’avons fait que nourrir, dans les milieux économiques, l’impression d’un double discours et d’un traitement de faveur des puissants.
  • Nous pensons enfin, bien sûr, surtout, à la Stratégie du Pôle d’Excellence Industrielle La Janais, dont nous avons collectivement martelé, à plusieurs occasions depuis 2020, qu’elle serait orientée vers deux secteurs, les mobilités décarbonées et l’habitat durable. L’actualité récente est venue troubler ce consensus apparent. En découvrant qu’une charte interne, discutée uniquement dans le comité restreint gérant le PEI, mais dont nous ne nous souvenons pas qu’elle ait été présentée à notre Conseil, a opportunément ajouté que des critères comme « la création significative d’emploi » et « la relocalisation d’entreprises emblématiques et stratégiques » pouvaient suffire pour déroger au cap vertueux validé collectivement. Avec cet éclairage nouveau, à quoi devons-nous nous attendre demain ?

En tant qu’écologistes, nous savons qu’une partie de la réponse à la transition écologique passe par l’industrie. Nous soutenons et continuerons à soutenir la vocation industrielle de la Janais. Nous sommes pour la réindustrialisation, car nous savons qu’elle peut être un levier important de nos objectifs climatiques. Nous sommes pour la création d’emplois industriels, mais non délocalisables et dans des secteurs véritablement d’avenir, comme les mobilités durables et décarbonées, les énergies renouvelables, l’habitat durable, la transition agricole et alimentaire ou encore l’économie circulaire. Les territoires en pointe pour cette réindustrialisation, en France sur la métropole lyonnaise, ou en Europe comme au Danemark, ont su faire des choix forts et cohérents.

La rareté de nos fonciers, la tension de nos finances, l’exigence de résilience à travers des écosystèmes agiles et complémentaires, exigent de tels choix. Est-il réellement stratégique et opportun que nos moyens publics misent aujourd’hui sur l’aérien, quand on sait que les émissions de ce secteur sont en plein boom ? Que les gains d’efficacité énergétique des moteurs ne servent qu’à soutenir la hausse du trafic, et ce depuis déjà un demi-siècle ? Que l’avion cristallise de fortes inégalités sociales (pour rappel, 80% des habitants de cette planète ne l’ont jamais pris de leur vie) ? Bref, qu’un monde zéro carbone, le monde qui va s’imposer à nous, est un monde où le secteur aérien aura fortement décru ? 

Pour toutes ces raisons, les élu.e.s écologistes considèrent que le Pôle d’Excellence Industriel de la Janais, et plus largement la stratégie industrielle de notre territoire méritent un vrai débat de fond au sein de notre instance métropolitaine.

A cette fin nous demandons à ce qu’un vrai travail collectif soit engagé, en partageant une analyse approfondie des dernières décisions d’implantations / non-implantations économiques et industrielles autour de La Janais (Safran, Routiers Bretons, Amazone, Microsoft, Ressource T…) et de leurs modalités négociées. Un travail collectif pour réexaminer le cadre de ce PEI et les objectifs du développement industriel que notre territoire entend accompagner : 

  • en précisant notre vision de la décarbonation et des transitions dans ce domaine ; 
  • en ajustant aussi nos modes de décision et d’anticipation. 

Comme nous savons le faire pour d’autres politiques publiques, il nous faut pour cela nous appuyer plus fortement sur les experts ayant travaillé sur ces questions ; et sur les expériences inspirantes dans les territoires les plus en pointe sur une réindustrialisation qui soit cohérente avec nos objectifs climatiques et écologiques.

Nous demandons enfin que ce travail de remise à plat débouche sur un débat, dans cette instance métropolitaine, afin de pouvoir garantir la qualité démocratique des orientations qui impacteront notre territoire pour des décennies.Seul le prononcé fait foi