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Biodiversité – Climat – Animal dans la ville Conseil métropolitain Morgane Madiot

L’État doit cesser de tergiverser et soutenir massivement la rénovation thermique des logements

Conseil métropolitain du jeudi 21 mars 2024 · Intervention portée par Morgane Madiot au nom des élu·e·s écologistes et citoyen·ne·s sur la délibération n°6: Développement durable du territoire – Énergie-Habitat / écoTravo – Audit pour les maisons individuelles – Arrêt de l’aide

Le secteur du bâtiment est, derrière les transports, le plus émetteur de gaz à effet de serre en France. Il représente en effet un quart de nos émissions, et presque la moitié de notre consommation d’énergie finale. Pour de nombreux ménages, c’est la double peine : près de 5 millions de logements sont mal isolés (ce sont les fameuses « passoires énergétiques ») et 3,8 millions de ménages ont des difficultés à payer leur facture de chauffage. 

Face à ces problématiques, nous ne manquons pas d’objectifs ambitieux à l’échelle nationale. L’Etat fixait ainsi à horizon 2025 (l’an prochain, donc) la disparition de ces 5 millions de passoires thermiques. Nous sommes très loin du compte, puisque ce chiffre n’a quasiment pas bougé depuis 2019. Il tablait aussi sur la rénovation de 500 000 logements par an, dont 370 000 rénovations globales à partir de 2022. Faute de résultats, les objectifs ont depuis été revus à la baisse : 200 000 l’an dernier, 140 000 cette année seulement… mais là encore, nous n’y sommes toujours pas. Si le nombre de rénovations par monogeste a effectivement augmenté, nous plafonnons à 70 000 rénovations globales par an. Résultat, seules 5 % des rénovations de logements réalisées ont eu un impact important sur la consommation d’énergie. 

Evidemment, les causes de cette impuissance sont multiples : reste à charge pour les ménages encore trop important, filière de la rénovation encore peu structurée sur certains territoires. Mais l’Etat a également sa part de responsabilité, notamment dans le manque criant de lisibilité des dispositifs qu’il propose aux citoyens. Beaucoup d’entre eux renoncent face au millefeuille administratif, à la longueur des délais, aux retards de versement des aides promises, au manque d’accompagnement.  

Dernière illustration en date : l’insupportable stop and go du gouvernement en l’espace de deux mois sur le renouvellement des règles de Maprimerénov. Après avoir annoncé une hausse du budget alloué aux rénovations de 1.6 milliards fin 2023, ce ne sera finalement que quelques centaines de millions d’euros supplémentaires, pour dépasser péniblement les 3 milliards au total. Des annonces contradictoires qui viennent déstabiliser une filière encore émergente, qui a besoin au contraire d’un soutien public affirmé et de perspectives de long terme. Plus encore, le ministre de la transition écologique, Christophe Béchu, a annoncé dans la foulée la révision des critères de classement des logements en fonction de leur performance énergétique (le fameux DPE). Cette mesure fait sortir artificiellement 140 000 logements de la catégorie “passoire énergétique”, mais en pratique elle n’aide pas les millions de personnes précaires qui vivent dans ces logements, et qui auront toujours aussi froid l’hiver et chaud l’été. Pour couronner le tout, le ministre s’est entendu, lors d’une réunion à huis clos avec 2 fédérations du bâtiment, pour restreindre l’accès à un accompagnateur agréé aux subventions les plus élevées, alors même que l’accompagnement des ménages dans leur démarche de rénovation est l’un des leviers les plus efficaces.

Les conséquences de ces revirements successifs sont très concrètes pour notre territoire : nous ne pouvons plus garantir aux usagers du parcours écoTravo maisons individuelles que les diagnostics réalisés par des acteurs de la métropole pourront déboucher sur des travaux ou des accompagnements subventionnés par Maprimerénov. Dès lors, nous n’avons d’autre choix que de suspendre nos propres aides. Une nouvelle fois, la collectivité se retrouve en première ligne pour faire le SAV de dispositifs mal ficelés, bricolés puis détricotés “d’en haut”, et c’est elle qui devra s’en expliquer auprès des usagers. Peut-être pourrons nous malgré tout sortir par le haut de cette situation, en allouant ces fonds à des dispositifs d’aides alternatifs, par exemple sur l’emploi de matériaux bio-sourcés dans la rénovation ?

Cette décision est quoi qu’il en soit regrettable, tant la rénovation énergétique des logements est à la croisée de tous les enjeux. Comme le rappelait dernièrement la Cour des Comptes, c’est une brique essentielle de l’adaptation au changement climatique. C’est aussi un enjeu économique, car bien accompagnée, la filière pourrait créer des centaines d’emplois sur notre métropole, qualifiés, d’avenir, non délocalisables. C’est un enjeu de justice sociale, car se loger avec dignité, c’est aborder plus sereinement les hivers rigoureux et les étés caniculaires, sans crainte d’exploser sa facture énergétique. C’est enfin un enjeu de santé publique, car l’exposition répétée à des températures extrêmes n’est pas sans conséquences pour les organismes humains. Nous ne pouvons donc qu’appeler, à la suite de tous les acteurs du secteur, entreprises comme ONG, le gouvernement à se ressaisir, dessiner un cap et des moyens clairs et surtout, s’y tenir.

Seul le prononcé fait foi