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Apaiser le climat : un enjeu d’environnement, de santé publique et de solidarité

[Conseil métropolitain du 19 novembre 2015]

Alors qu’est lancé le Plan climat air énergie territorial, les écologistes ont redit l’impérieuse nécessité de nous donner les moyens de nos ambitions pour une société solidaire et équitable.

morvan_nPrésident du groupe écologiste de Rennes Métropole  

citationCette première délibération sur le plan climat, air, énergie territorial arrive bien en amont, dans la mise en place de cette démarche. Celle-ci reste donc assez généraliste mais nous saluons l’occasion qui nous est donnée ce soir, collectivement, de partager nos visions sur ce sujet essentiel.

Avant de me pencher plus en détail sur cette perspective de PCAET métropolitain, je voudrais réaffirmer ici des convictions fortes qui animent le groupe des élus écologistes à l’heure où va s’ouvrir à Paris la COP 21, la conférence des Nations Unies sur le climat.

Premièrement les enjeux de climat, de qualité de l’air et de transition énergétique sont évidemment des enjeux d’environnement et de santé publique ; mais ils sont aussi, au moins autant, des enjeux de solidarité.

Il y a sans doute une raison qui explique la lenteur des progrès : comme individus et comme société, nous ne nous sentons pas encore assez touchés. Inconsciemment, la fin des énergies fossiles, le dérèglement de nos climats fertiles, l’amplification des pathologies respiratoires, et j’en passe, tous ces phénomènes graves, précisément documentés et liés à notre modèle de développement… ne nous affectent pas. Je veux dire pas assez. Pas au point encore de nous faire ressentir physiquement, dans nos quotidiens privilégiés, le mur vers lequel nous fonçons.

Et pourtant : 2014 et 2015, années les plus chaudes depuis qu’existent les relevés météorologiques, années de tous les records climatiques, avec des pics sans précédents de la concentration de CO2, des élévations de température mesurables à l’échelle d’une génération, un permafrost et des glaciers qui fondent et perdent leur rôle stabilisateur… une machine qui s’emballe au point de déborder les modèles prévisibles, de devenir exponentielle et incontrôlable : Comment expliquer que ces alertes apocalyptiques n’amènent que des réponses timides et des aménagements mineurs ?

Beaucoup gardent probablement l’idée que la science et l’économie apporteront des solutions. Dans une certaine mesure c’est possible, oui… peut-être. Mais ce qui est sûr, c’est que plus les défis s’amplifieront, et plus les réponses, quelles qu’elles soient, seront coûteuses. Et plus elles seront teintées par l’individualisme, dans la logique assurantielle qui prévaut aujourd’hui. Et plus nos concitoyens précaires seront fragilisés. Ils comptent déjà les euros, n’ont pas de mutuelle avantageuse, refusent des boulots pour des problèmes de mobilité, paient des factures énergétiques disproportionnées… demain ils sont en ligne de front, et ils sauront nous le reprocher. Par tous moyens.

Au sein de notre majorité progressiste, le PCAET ne doit pas être vu comme une obligation formelle ou une concession faite aux poils à gratter écologistes. Il est dans l’ADN de tous ceux qui défendent une société solidaire et équitable. Car les plus vulnérables seront toujours les premières victimes de l’inaction ou des demi-mesures.

Cette prise de conscience entraîne une autre conviction : s’engager vigoureusement pour l’environnement et le climat est un facteur de paix.

À plus forte raison dans le tourbillon de ces derniers jours, nous ne pouvons nous exonérer d’une réflexion plus profonde sur les causes du déséquilibre social et géopolitique mondial.

La cartographie des conflits majeurs de ces dernières années parle d’elle-même : le pétrole et l’eau en sont des déterminants prépondérants, et le dérèglement climatique ne fait que les renforcer en accentuant la pression sur les ressources liées à la terre. Ce n’est pas un hasard. Même si les causes énergétiques et climatiques ne sont pas la seule grille de lecture, leur impact ne doit pas être sous-estimé dans la situation actuelle.

C’est pourquoi il nous faut être vigilants à l’occasion de la COP 21 : il y a un risque de voir les attentats, de toute leur puissance émotionnelle, éclipser durablement toute autre actualité. Ne tombons pas dans le piège médiatique d’une concurrence entre les évènements, gardons la force d’une mise en perspective. La COP 21 démontre notre capacité à réunir différents Etats, avec autant de cultures différentes, pour définir les conditions d’un futur possible pour les habitants de notre planète, et définir les concessions que chacun est prêt à faire pour le bien commun. La COP 21 c’est l’exact contraire de l’idéologie barbare qui s’est abattue vendredi : c’est un monde pacifié, ouvert, constructif, intelligent, tourné vers l’avenir, soucieux de chacun et responsable de tous. C’est l’une des meilleures réponses que nous puissions apporter.

Et Rennes Métropole dans tout ça, me direz-vous ?

Bien sûr, nous ne sauverons pas le monde à nous tous seuls. Mais nous avons le devoir d’y contribuer, et plus encore : de faire notre maximum. La présente délibération est un bon point de départ : elle devrait nous permettre d’avoir enfin un état des lieux fiable et partagé, et de nous projeter dans un plan d’action ambitieux, le tout en impliquant toutes les communes ainsi que les acteurs de la société civile.

Cela étant posé, quelques propositions concrètes pour aller plus loin :

La première ne sera une surprise pour personne ici : pour être crédibles en affichant un objectif de 23 % d’ENR dans notre mix énergétique à horizon 2020, il va falloir que notre consensus se traduise par une petite révolution ! En effet le dernier chiffre publié par l’AUDIAR faisait état d’une part à 3,5 % en 2010… avec les projets récents cela a peut-être doublé aujourd’hui, mais l’objectif annoncé est hors d’atteinte si nous ne le transcrivons pas très vite en budgets et en équipes dédiées.

En parallèle nous ne pourrons pas nous reposer sur les lauriers de nos économies d’énergie : elles devront encore s’amplifier.

Sans renier l’existant ni les engagements du futur PLH en la matière, nous le redisons : le fameux « facteur 4 », engagement clé du Grenelle de l’Environnement, visant à diviser par 4 les émissions de GES entre 1990 et 2050, exige un saut quantitatif que nous sommes encore loin d’avoir franchi : il faudrait par exemple isoler plus de 4 000 logements anciens par an, bien au-delà de nos standards actuels. Toute la difficulté est dans le regard à porter sur nos efforts récents : nous sommes indéniablement bons, innovants, reconnus au plan national… mais selon un référentiel ancien, rendu caduc par la radicalité du changement nécessaire.

Cette question du « facteur 4 » ne doit plus être une expression de communicant, une bonne résolution que l’on s’empresse d’oublier au 2 janvier de nos rendez-vous climatiques. Cela doit devenir un fil rouge qui traverse l’ensemble de nos documents de programmation. Non seulement un élément de cadrage, mais une obligation stricte que notre responsabilité nous dicte. Brest l’a fait pour son PLU, à nous de l’incorporer également dans nos différentes politiques, à commencer par le PDU et le PLUI : pour ne pas prendre de retard sur le tableau de marche « facteur 4 », à quel niveau devrons nous nous situer à la fin de notre mandat en matière de performance du bâti, de déplacements décarbonés, etc ?

C’est toute la nécessité des « objectifs opérationnels sectoriels » évoqués par A. Crocq. Et cela nous ramène aux indicateurs de suivi, dont la définition sera essentielle pour garantir une spirale vertueuse.

D’autres pistes pourraient être évoquées encore : la mobilisation de la French Tech, filière d’excellence qui renforcerait son utilité sociale si une partie de son potentiel était stimulée et orientée vers la transition énergétique ; la création d’outils financiers dédiés, mêlant levier public et épargne citoyenne ; ou l’instauration de règles pour conditionner nos aides aux efforts tangibles des acteurs économiques en faveur du climat.

Mais plus que d’un inventaire détaillé, c’est surtout de transversalité et de cohérence dont nous avons besoin au moment d’initier un chantier comme celui-ci. Puisque l’énergie est partout, chaque ligne de nos actions doit porter la marque de nos préoccupations nouvelles.

À ce titre, il nous faudra effectivement revenir sur un symbole fort des tentations schizophrènes dont nous peinons à nous débarrasser – Je veux parler de Notre Dame des Landes. Mais pour être franc nous ne comprenons pas trop pourquoi cette question, précisément maintenant : les positions des uns et des autres sont anciennes et connues, les voies de recours ne sont pas toutes épuisées… Le timing de cette initiative, en cette semaine déjà chargée, nous interpelle.

Certes, la COP 21 donne une bonne occasion de remettre en cause cet éléphant blanc, un mammouth presque, incompréhensible pour nos partenaires internationaux, une épine dans les négociations difficiles que le gouvernement conduit avec eux. Et localement il faudra bien que nous résolvions la contradiction évidente de ce projet avec le PCAET que nous ambitionnons. Mais cela mérite mieux qu’une interpellation à la sauvette : nous sommes confiants, ce débat aura lieu, ici-même, en temps et en heure, dans un cadre approprié.

Car in fine c’est bien à l’épreuve des faits et des résultats, dans notre capacité à arbitrer courageusement des choix difficiles, que nous pourrons juger de l’engagement réel de notre métropole au service du climat et des générations futures. Les rendez-vous budgétaires à venir seront notamment les juges de paix de cet engagement. Nous y serons présents.

Je vous remercie.