Madame la Maire, chers collègues,
C’est avec beaucoup de plaisir que je vous présente ce soir le « Plan local d’éducation nature » de Rennes, le PLEN’R, l’un des derniers documents stratégiques de la politique éducative pour ce mandat. Celui-ci s’inscrit totalement dans les objectifs du projet éducatif local, dans plusieurs de ses dimensions, tant dans son ambition de mobiliser pour l’écologie et de construire une ville renaturée à hauteur d’enfant, que d’offrir une offre périscolaire diversifiée, de lutter contre les inégalités d’accès à la nature et aux vacances, que de celle de co-éducation avec l’ambition d’animer sur le territoire un réseau d’acteurs de l’éducation nature.
Alors tout d’abord, pourquoi éduquer à la nature ? Les pédagogies de plein air ne sont pas nouvelles, pas révolutionnaires, mais force est de constater que nos modes de vie ces dernières décennies ont fait de nous, adultes et enfants, des êtres du dedans plus que du dehors. L’imaginaire de l’enfance, façon Guerre des boutons, ces chemins de traverse qu’évoque Thierry Paquot dans son ouvrage Pays de l’enfance, paraît bien loin des réalités de beaucoup d’enfants et d’adolescents aujourd’hui, dont la majeure partie du temps est passé en intérieur, entre l’école et la maison. Même dans la pratique sportive, la plupart du temps, ils sont en intérieur.
Pourtant, de nombreuses recherches scientifiques attestent des bienfaits des activités au contact de la nature : développement des sens, motricité, capacité à gérer son corps dans l’espace — ce qu’on appelle la proprioception —, système immunitaire ou même pour la vue, être dehors, le corps libéré des entraves du dedans et porter son regard sur une ligne d’horizon plus lointaine est bénéfique à tout point de vue. Les pédiatres s’accordent même à dire qu’un temps régulier passé dehors dès le plus jeune âge permettrait de lutter contre un nombre incalculable de pathologies, depuis le diabète et l’obésité en passant par la myopie ou la dépression. C’est donc avant tout un véritable enjeu de santé publique.
Et à l’heure où la santé mentale des enfants et des jeunes questionne toute la société, et notamment la communauté éducative, il est temps de se pencher sur ce que le journaliste américain Richard Love nommait dès 2005 comme le syndrome de manque de nature. Ce syndrome décrit les conséquences dans les pays occidentaux et industrialisés d’une virtualisation du monde, d’une déconnexion des enfants vivants à force d’être des enfants du dedans, voire d’une peur du dehors et de la nature qui devient une figure hostile.
C’est cette distanciation à la nature, ce que la philosophe Cynthia Fleury appelle l’extinction de l’expérience de nature, qui permet cette amnésie écologique ou environnementale qui s’empare des sociétés et laisse notre environnement se dégrader inexorablement génération après génération. Rétablir le lien sensible et affectif des enfants aux vivants, leur créer des souvenirs de nature, c’est donc les aider à rétablir un sentiment de communauté de destin entre l’humanité et le reste du vivant.
C’est bien pour cela que les voies des naturalistes se joignent à celles des médecins et des éducateurs. Pour protéger la nature et prendre les bonnes décisions pour l’avenir, il faut la connaître et la pratiquer au quotidien. Car au-delà de contribuer au bien-être des enfants, l’éducation à la nature cultive l’envie de la préserver. La nature est un don qui fait de nous ses obligés individuellement et collectivement. Il est donc de notre responsabilité de donner aux enfants comme aux adultes qui les accompagnent des clés pour engager la transition.
C’est pour embrasser l’ensemble de ces enjeux que notre politique municipale soutient l’éducation à la nature au sens des sciences naturelles, autant que l’éducation dans, par et pour la nature, selon les pédagogies qui font appel au sens, mettent les corps en mouvement et renforcent l’éco-citoyenneté des jeunes. Cette question des pédagogies du dehors fait pleinement écho aux questionnements actuels sur les rythmes des enfants et la nécessité de repenser l’école par 40 degrés. Tout le monde prend actuellement la mesure des défis d’adaptation qui nous attendent. L’école demain ne sera peut-être plus la même que celle d’aujourd’hui et devra se déployer autrement et dans d’autres espaces que les écoles confinées, notamment dehors, dans des îlots de fraîcheur.
En écho au travail du réseau éduqué à l’environnement en Bretagne, le REB et de sa pédagogue Dominique Cottereau, ou encore au pionnier de l’école dehors comme l’enseignante Crystèle Ferjou, Rennes souhaite contribuer à ce grand mouvement d’éducation populaire qui touche à des enjeux vitaux. Ce plan soutiendra le déploiement de projets d’éducation nature en partenariat avec les acteurs associatifs et institutionnels dans leur grande diversité, enseignants, animateurs de structures de quartier, péristes scolaires, naturalistes, les familles. Nous souhaitons qu’ils contribuent à faciliter un égal accès à la nature et à multiplier les expériences du dehors pour tous les enfants, notamment ceux qui en sont le plus éloignés au quotidien.
Et la Ville de Rennes ne part pas de rien, loin de là en matière d’éducation nature, avec un éco-centre qui accueille près de 5 800 enfants par an pour des activités d’éducation aux vivants, en lien avec les associations comme les Petits Débrouillards, la LPO, Bretagne Vivante, la ferme des Basses-Gayeullesqui en accueille plus de 9 000 et l’éco-musée qui accueille 14 400 enfants de la métropole chaque année.
Sur ce mandat, l’offre municipale post-Covid aura été renforcée, presque doublée en matière de mini-camp nature et de séjour campé, ou d’accès à la nature au site de la crèche. La première crèche municipale de plein air verra le jour à Bois-Périn bientôt. Au sortir du Covid, alors que seules 5 classes pratiquaient l’école dehors, c’est maintenant 177 classes qui se sont inscrites dans cette démarche. Et ce sont de nouvelles associations qui portent ces pratiques du dehors avec force, comme l’association LAO ou l’Allumette, sans oublier les acteurs du maraîchage ou de l’agriculture urbaine, comme le Jardin des Mille Pas à la Basse Cour, ou encore les Cols Verts au Blosne, qui contribuent à cette dynamique.
Citons encore la charte de la classe dehors que nous avons signée avec l’Éducation nationale, et qui permet à des enseignants désormais d’organiser sur le site de la Prévalaye des classes transplantées avec nuitée. Ce plan est l’aboutissement de la réflexion du travail de la direction éducation, notamment de l’équipe de l’éco-centre de la Taupinais, qui a animé la concertation avec les partenaires autour de ce plan et qui fait vivre au quotidien l’éducation nature en accueillant les élèves rennais et leurs enseignants.
C’est aussi l’éco-centre qui anime le partenariat avec les acteurs de la Prévalaye, notamment pour l’organisation de la journée sur l’herbe, qui est toujours un temps fort, convivial et familial autour de la découverte du vivant et de la préservation de la biodiversité sur ce site. Je tiens à les remercier chaleureusement, à remercier Yves Marais, notamment les animateurs de l’éco-centre qui ont mené ce travail avec engagement, avec une mention spéciale à Héloïse Barbe qui a mené la concertation, qui s’est beaucoup investie dans l’élaboration de ce plan à côté de ses fonctions d’animatrice nature.
Merci à Jean-Paul Arpi pour la finalisation et l’appui du service communication, Lucie notamment, ainsi que le service imprimerie. Nous sommes maintenant la deuxième collectivité seulement à nous doter d’un plan d’éducation à la nature et ce n’est pas un hasard. C’est à l’image de notre politique éducative, ambitieuse depuis toujours, innovante et résolument engagée pour la planète et pour l’avenir de nos enfants.
Je vous remercie,