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École en souffrance : l’adjointe à l’éducation tire la sonnette d’alarme

Conseil municipal du 15 mars 2024 – Prise de parole de Gaëlle Rougier, adjointe à l’Éducation.

Dans quelques minutes je vous présenterai la carte scolaire prévue pour la rentrée prochaine, à savoir le nombre d’affectations et de retraits d’emplois proposés par la Direction Académique afin d’accompagner la dynamique scolaire rennaise.

Une dynamique scolaire positive dans notre ville puisque cette carte annonce un solde d’ouvertures de classes positif, en dépit d’un nombre important de fermetures.

En effet, là où dans l’ensemble du territoire national, de  l’académie ou dans le département, les classes ferment, notre Ville continue à accueillir toujours plus d’écoliers et d’écolières. Cette réalité a un impact significatif sur notre budget dédié à l’éducation, que ce soit en matière de bâti scolaire (3 nouvelles écoles en 3 ans, nombreuses extensions de restaurations et de salles de classes supplémentaires, des sanitaires en plus) mais également en matière de Ressources Humaines. 

Pour rappel, une classe de maternelle qui ouvre, c’est une ATSEM en plus, selon le vœu de la Ville de maintenir, autant que faire se peut, le principe d’autant d’ATSEM que de classe. Près d’une vingtaine de postes d’ATSEM ont été créés depuis le début de ce mandat pour accompagner les dédoublements de classes et la démographie scolaire.

Pour la rentrée prochaine, les services de l’EN nous ont annoncé l’ouverture d’un dispositif d’accueil des moins de 3 ans à l’école Champion de Cicé et, là encore, nous accompagnons cette bonne nouvelle pour le quartier de Cleunay par le recrutement d’une ATSEM. 

Une école qui ouvre, c’est entre quinze et vingt agents permanents en plus. 

Pour la future école Miriam Makeba qui ouvre à la rentrée prochaine, une vingtaine de postes vont être créés d’ici 2025, des postes d’animateurs, ATSEM, Agents d’Entretien et de Restauration, concierge.

Nos écoles accueillent également, et ce désormais avant 3 ans, de plus en plus d’enfants en situation de handicap. Ce sont 200 animateurs et animatrices référents inclusion qui accueille 300 enfants en situation de handicap chaque midi. Là encore c’est un engagement fort de notre Ville que de bien accueillir tous les enfants. Nous ne recrutons pas les élèves sur dossier, nous ne recevons pas les parents en entretien, nous ne refusons pas d’inscription ou si nous le faisons, c’est en concertation avec l’EN pour orienter vers une autre école de proximité. Car l’école publique se doit d’accueillir tous les élèves. Et nous sommes contraints à des taux d’encadrement stricts selon les différents temps de la journée.

Globalement entre ouvertures de classes et ouvertures d’écoles, une fréquentation en augmentation du péri et de l’extrascolaire, l’accueil du handicap, la politique éducative aura généré la création de 50 postes supplémentaires, postes de titulaires uniquement, depuis le début de ce mandat.

Et nous déployons l’accompagnement des élèves et des familles les plus fragiles par le biais de notre Projet Réussite Éducative, qui travaille étroitement avec les services de l’État et les écoles afin de tenter de corriger les inégalités sociales ou de trajectoires des élèves en fonction de leur origine ou de leurs conditions de vie, de leur parcours parfois cabossés.

Si je dis cela c’est parce que notre Ville, comme beaucoup d’autres villes, est pleinement impliquée dans la lutte contre les inégalités sociales et éducatives, pour le droit à l’éducation pour toutes et tous et déploie son Projet Éducatif Local autour des besoins de l’enfant. 

Vous m’entendrez rarement commenter le contexte national, à l’occasion d’une délibération au sein de ce conseil, mais je dois dire qu’en regard de notre mobilisation à Rennes, ces dernières semaines, ces derniers mois, voir ces dernières années, mon incompréhension du projet gouvernemental pour l’éducation n’a fait que croître, tant les orientations nationales semblent parfois à l’inverse de notre intension au local, vis-à-vis des enfants et de leurs familles.

J’évoquerais rapidement ces réunions avec le ministère où l’on nous explique que les AESH ne sont pas encore assez mutualisés et stigmatiseraient les enfants, celles où l’on apprend que des 50 000 solutions pour l’école, aucune ne nous concerne, qu’aucune place supplémentaire en IME ou ITEP ne sera créée dans notre département qui manque de plus de 1200 places. Et dans une ville qui connait une explosion du nombre d’enfants accueillis à l’école et qui présentent des troubles du comportement et des Troubles du Spectre Autistique. Nous allons d’ailleurs nous pencher sur ce phénomène qui interroge aussi l’Éducation Nationale en local et qui semble confirmé par l’ARS qui confirme, je cite, une « prévalence de l’autisme en Bretagne en lien avec le caractère agricole de notre région ».

Les annonces intempestives, les changements de pied, d’interlocuteurs au ministère ont profondément déstabilisé les interactions entre les acteurs. Le point de vue des collectivités semble peu entendu. 

Les enseignants, quant à eux, se sentent abandonnés et incompris et sonnent l’alarme sur l’effondrement de notre système éducatif public. 

Vous n’ignorez pas la mobilisation actuelle et qui monte en puissance dans les collèges français contre la réforme dite du Choc des savoirs. Cette réforme se fera à dotation constante (DGH) et au prix de l’abandon d’un grand nombre d’enseignements optionnels ou de projets pédagogiques. Je suis curieuse de voir comment l’on va justifier ici l’arrêt du latin, des petits groupes en SVT ou en physique-chimie, là des quotas d’heure de musique et d’arts plastiques réduits ou la disparition des enseignements renforcés en langues. Sans parler des sorties et autres séjours pédagogiques qui devront être abandonnés.

L’on voudrait détricoter au collège tous les efforts déployés en élémentaire pour combattre l’assignation à résidence des élèves ou la stigmatisation de celles et ceux pour l’école n’est pas une évidence, on ne s’y prendrait pas autrement.

Comment ignorer en effet que, dans notre pays où les inégalités scolaires sont intrinsèquement liées aux inégalités sociales, l’instauration de groupes de niveaux dès la sixième sera une mécanique discriminatoire qui ne fera que produire en vérité des groupes sociaux homogènes ? Les dernières épreuves de milieu d’année de CP montrent une hétérogénéité des résultats en fonction du secteur de scolarisation des enfants. Alors que 86% des élèves maîtrisent les attendus de CP en français, ils sont seulement 69% en REP. En mathématiques, ce sont 48% des enfants seulement qui les maîtrisent en REP pour 61% hors REP. Les écarts de niveau dans la maîtrise de la lecture sont encore plus parlants.

Et comment ignorer la pression scolaire et la compétition entre élèves que ces groupes de niveaux vont générer, avec les conséquences que l’on connait sur l’estime de soi des plus fragiles et la mise à mal de la santé mentale d’une population scolaire déjà de plus en plus exposée aux troubles de l’anxiété, entre évaluation permanente dès la maternelle jusqu’à la tension palpable des lycéens autour de Parcoursup ?

PISA le dit, nous sommes déjà le pays de l’OCDE où les élèves se dévalorisent le plus, se sentent le plus incompétents. C’est un échec majeur de notre modèle français. Au lieu d’investir dans la réduction des inégalités scolaires et dans les compétences psychosociales qui permettent les apprentissages, ce gouvernement développe un projet pour l’école axé sur des matières dites fondamentales, modèle élitiste et in fine, peu performant, lorsqu’on se compare à d’autres pays qui investissent justement à l’inverse dans ce qui permet aux enfants et aux adolescents de se sentir élèves, avant même de « performer ».

Si l’on veut rétablir l’autorité, ou plutôt devrais-je dire la crédibilité de l’enseignement public, il faut un investissement massif dans l’éducation et une reconnaissance des métiers qui l’animent. Et des moyens aussi pour nos collectivités pour notre bâti, pour nos agents, pour accompagner les dynamiques territoriales. 

L’école a besoin d’un sursaut républicain, au sens d’une stratégie de défense de cet immense service public laïque qui a, justement, façonné notre République et qui est aujourd’hui très en souffrance, ne permettant plus de travailler correctement ni le vivre ensemble, ni l’émancipation des classes populaires.

Et si au local, sur le terrain, le travail de partenariat au quotidien se fait en intelligence, demeure tout de même cette impression épuisante parfois de tirer la couverture dans un sens quand la politique du gouvernement semble tirer dans l’autre, sous le coup d’annonces qui ne sont que la reprise de solutions qui ont déjà démontré, sciences de l’éducation à l’appui, leur inefficacité. 

Voilà chers collègues, une fois n’est pas coutume, le cri d’alarme que je relaie ici, tellement la situation sur le terrain devient difficile, sinon intenable.

Et puisque nous parlions de cette dynamique territoriale exceptionnelle à Rennes au regard des autres territoires, voici rapidement le projet de carte scolaire pour septembre 2024 : 

À la rentrée prochaine, si toutes les mesures de carte scolaire annoncées sont suivies d’effet, nous compterons 25 ouvertures pour 17 fermetures prévues, soit un solde positif de 8 classes. Vous avez le détail des ouvertures et fermetures définitives et conditionnelles.

Nous avons formulé aux services du Directeur académique deux inquiétudes autour de la fermeture conditionnelle d’une classe à Clémenceau élémentaire, ainsi que la fermeture conditionnelle d’une classe à l’école Pasteur. La première par les difficultés que rencontre déjà cette école qui accueille une population fragile mais aussi au regard des prévisions de l’Audiar pour les années à venir en matière de démographie scolaire dans le quartier. La seconde, au regard du rôle de « réservoir » de l’école pour accueillir les enfants en proximité lorsque les écoles Jean Zay ou Duchesse Anne sont saturées.

A noter également l’ouverture d’une ULIS à Miriam Makeba, l’arrivée d’un dispositif UPE2A à Volga et Torigné et l’ouverture d’une classe TPS (moins de 3 ans) à Champion de Cicé. C’est une bonne nouvelle pour le quartier et pour cette école hors REP qui a été retenue dans le cadre d’un appel à projets national pour l’ouverture de ce dispositif très attendu.

Je vous soumets donc, chers collègues, pour avis, ce projet de carte scolaire 2024-2025.