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Commande publique – Finances Conseil municipal Laurent Hamon Matthieu Theurier

Plaidoyer pour une véritable autonomie des collectivités locales (Débat sur les orientations budgétaire 2024 de la Ville de Rennes)

Présentation par Matthieu Theurier, adjoint aux Finances, des orientations budgétaires de l’année 2024 pour la Ville de Rennes (délibération n°4)
Prise de parole des élu·e·s écologistes et citoyen·ne·s dans le débat d’orientations budgétaires 2024 de la Ville de Rennes
Retranscription du discours de Matthieu Theurier

Un contexte de crises successives

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Depuis les élections municipales de 2020, les collectivités territoriales, au premier rang desquelles les villes, ont fait face à une succession de crises – Covid-19, guerre en Ukraine avec des conséquences fortes au plan économique, sociale, mais aussi sur les coûts de l’énergie et l’inflation…

On le voit sur le graphique avec un impact Covid qui provoque une perte de recettes importantes en 2020 et voient les charges remontées fortement en 2021 et un impact sur épargne de plus de 6 millions d’euros. 

Et en 2022, on voit nettement l’impact inflation sur nos charges avec un surcoût de l’ordre de 15 millions d’euros essentiellement sur les charges d’énergie. 

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Un contexte budgétaire incertain, une autonomie des collectivités mise à mal

Ces crises ont mis en exergue les capacités de réaction et d’adaptation des territoires mais ont aussi contribué à accentuer la pression sur les finances locales, dans un contexte de remise en question croissante de l’autonomie financière des collectivités.

Dans son rapport public annuel 2023 consacré à la décentralisation, la Cour des comptes pointe en effet un mode de financement du secteur public local « de plus en plus inadapté », mettant en avant son « manque de lisibilité et de prévisibilité ». Les magistrats soulignent que les réformes successives – suppression de la taxe professionnelle, de la taxe d’habitation, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises… – ont « distendu » le lien avec les contribuables locaux et affaiblit l’efficacité du levier fiscal, privant les collectivités de marges de manœuvre. 

Les soutiens ponctuels de l’Etat, tel le filet de sécurité sur l’énergie, s’ils sont bienvenus, ne sont pas pérennes et ne sauraient en aucun cas compenser la perte d’autonomie sans précédent que connaissent les territoires aujourd’hui. 

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Une trajectoire financière dégradée…

Cet état de fait se ressent sur la situation financière de notre collectivité. Le dernier exercice budgétaire clos (2022), marqué par le retour à un niveau d’activité « normal » (après deux années de crise sanitaire) et par la forte accélération de l’inflation a vu les charges de fonctionnement courant augmenté de +7,2% par rapport à 2021 quand les produits courants, eux, n’ont progressé que de +2,5%. 

Et de fait, 2024 suit la même tendance. 

Pour cette année, les charges de fonctionnement évolueront de +2,5% par rapport à 2023. Elles atteindront 323 millions d’euros (hors prime agents) avec les principales évolutions liées au budget du CCAS, à la rémunération des personnels ou encore aux coûts de l’énergie. 

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Mais, dans le même temps, les recettes 2024 sont, elles, en baisse de -1,2% par rapport à 2023. Elles atteindront 349 millions d’euros avec certes une évolution des bases fiscales qui reste dynamique mais des incertitudes fortes sur les DMTO, la perte du FPIC et de l’amortisseur électricité dont nous ne devrions pas bénéficier en 2024. 

Nous confirmons évidemment notre choix de ne pas recourir à une hausse de fiscalité afin de préserver le pouvoir d’achat les ménages. 

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Et de fait, en 2024, notre épargne nette devrait être autour d’un million d’euros alors qu’elle était de 5,2 millions en 2022 et de 7 millions en 2023. 

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De manière corrélée, la capacité de désendettement de notre Ville se dégrade. Elle s’établissait à 7,4 ans en 2023 contre 6,3 ans fin 2021. Elle sera à 11,7 en 2024. 

…Mais maîtrisée

Malgré une trajectoire financière complexe, notre niveau d’épargne brut reste structurellement bon – d’ailleurs l’épargne brute repartira à la hausse dès 2025 – notre action et les dépenses afférentes sont maîtrisées et il faut souligner que l’agence Moody’s a maintenu le profil de crédit de la Ville de Rennes (Aa3, perspective stable) en mettant avant « de bons résultats financiers favorisés par des pratiques jugées saines en matière de gestion financière et de gouvernance » et un taux d’épargne brute jugé « solide ».

Le choix de la transition écologique et social plutôt que du maintien de « bons » ratio financiers

Surtout, à l’heure où nous vivons une accélération du dérèglement climatique, l’institut de recherche de l’économie pour le climat, I4CE, considère que les collectivités locales en France devraient a minima doubler le montant de leurs investissements pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) à l’horizon 2030. 

Plus que jamais donc, il nous faut agir et c’est ce choix que nous faisons, quitte à dégrader un peu nos ratios financiers. 

Face à l’accélération des désordres climatiques, aux difficultés rencontrées par une partie de nos concitoyens, nous considérons nécessaire d’amplifier l’action en faveur des transitions et de garantir la cohésion sociale, condition incontournable pour pouvoir réussir les changements à mener.

Nous ne pouvons que souhaiter en parallèle une réforme institutionnelle forte qui donne une véritable autonomie fiscale et d’actions aux collectivités locales. Et de reconsidérer aussi la composition et le calcul des dettes aux regards des enjeux climatiques.  Sans cela, les territoires que nous sommes sont condamnés soit à renoncer aux objectifs climatiques, soit à dégrader leurs trajectoires financières.

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Nous choisissons donc de maintenir le cap sur les sujets cruciaux de la transition écologique et des solidarités, et prolongerons en 2024 un niveau élevé d’investissement (303,4 M€ sur la période 2024-2027).  Entre 2017 et 2022, la Ville de Rennes a investi, par habitant et par an, sensiblement plus que les autres villes-centres de métropoles : 337 € pour la Ville de Rennes contre 249 € en moyenne pour les autres villes-centres soit +35% au-dessus de la moyenne nationale ; notamment pour améliorer la performance énergétique du patrimoine de la Ville avec le déploiement d’un plan d’actions qui nous place aujourd’hui dans la trajectoire des accords de Paris concernant les consommations de notre patrimoine public. 

Afin de mieux mesurer l’impact des actions menées, la Ville de Rennes a par ailleurs engagé en 2022 un travail important visant à doter, à l’horizon de la fin du mandat, l’ensemble des politiques publiques d’indicateurs de suivi en matière de transition écologique d’une part et d’égalité entre les femmes et les hommes d’autre part. Ce chantier se poursuit, avec comme ambition que l’intégralité des 420 millions d’euros de budget de la Ville de Rennes prévus en 2024 soient tournés vers l’écologie et la justice sociale.  

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Œuvrer pour une ville solidaire et lutter contre les discriminations

L’engagement de notre Ville en matière de transition écologique va de pair avec un engagement tout aussi fort en matière de solidarités. L’un n’allant pas sans l’autre. Cela se traduira en 2024 par une progression des crédits attribués au CCAS, le soutien renouvelé au dispositif Territoire Zéro chômeur de longue durée, celui à venir au dispositif Zero Non Recours, le fonctionnement pour la première fois en année pleine de de la Maison des femmes ou encore le soutien fort aux quartiers populaires à travers la politique de la Ville.

Fabriquer la ville à hauteur d’enfant

La Ville est également fortement impliquée en faveur de la réussite des enfants à travers le projet de réussite éducative, déployé depuis 2006 au sein des quartiers prioritaires de la ville, et plus récemment le soutien aux dispositifs de cités éducatives déployés avec l’Etat dans les quartiers de Villejean, du Blosne et bientôt de Bréquigny (extension du dispositif mis en place sur le quartier du Blosne).

Dans un contexte de fort dynamisme démographique et d’accélération du changement climatique, l’effort se poursuit également en matière de construction, de rénovation et de végétalisation des cours d’écoles.  

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Soutien à la Vie associative et culturelle

Les orientations budgétaires pour 2024 viennent conforter notre engagement auprès du monde associatif, avec un budget en hausse de +2,5%. On pourra dans ce cadre citer le soutien renouvelé aux associations et clubs sportifs fortement impactés par l’augmentation de l’inflation, lequel s’accompagne d’un suivi partagé et rigoureux des enjeux financiers et budgétaires. 

La Ville accompagne également ces partenaires dans le déploiement d’une politique en matière de responsabilité environnementale et sociale. 

Cette année sera par ailleurs aussi marquée par l’ouverture de l’antenne du Musée des Beaux-arts à Maurepas. 

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De nouvelles mesures pour les agent.e.s du service public municipal

Enfin, les efforts budgétaires en 2024 porteront sur le soutien aux agent.e.s. Celles et ceux qui font le service public au quotidien. 

L’attribution au 1er janvier 2024 de 5 points d’indice majoré à l’ensemble des agents publics est budgétée à hauteur de 1 400 K€. À cela vient s’ajouter en 2024 l’augmentation de la prise en charge par l’employeur des abonnements de transport de 50 à 75% pour un impact budgétaire de 94 K€.

L’attribution d’une prime de 300 euros au bénéfice de 5 200 agent.e.s aura aussi un impact de l’ordre de 850 ke. 

Et enfin, pour l’année 2024, il est prévu 50 créations de postes au budget principal ce qui amènera à 200 le nombre de créations de postes depuis le début du mandat. 

Vous l’avez compris, dans un contexte d’incertitude, notre conviction est qu’il faut tenir le cap de nos actions pour la solidarité et la transformation écologique de notre territoire. Car elles sont nécessaires aux Rennaises et aux Rennais pour aujourd’hui comme pour leur avenir.


Retranscription du discours des élu·e·s écologistes et citoyen·ne·s

Cela a été dit lors de la présentation du ROB par Matthieu Theurier, les conclusions du rapport de la Cour des Comptes de 2023 sur la décentralisation sont claires ; le mode de financement du secteur public local, avec sa part grandissante d’incertitudes et de remise en cause de l’autonomie fiscale, n’est pas adapté aux enjeux que doivent affronter les collectivités locales, en particulier les communes. Elles sont en première ligne auprès des habitant.es quand les crises systémiques sociales, sanitaires, climatiques, énergétiques se succèdent, comme c’est le cas depuis le début de ce mandat.

Dans ce contexte, les orientations de notre budget 2024 nous semblent cohérentes avec notre choix d’amplifier les investissements en faveur de la transition écologique et de la justice sociale, en continuant à déployer les services à la population, en assumant de s’endetter un peu plus et par voie de conséquence de dégrader un peu plus les ratios budgétaires. C’est un choix assumé pour maintenir nos engagements pour la transition écologique du territoire et la solidarité, celle de maintenir un haut niveau d’investissement et de déploiement des services publics locaux. Les écologistes assument pleinement ce choix, car il est le seul qui nous permette de continuer à investir pour l’avenir et maintenir un filet de sécurité pour toutes et tous.

C’est également le choix de la responsabilité pour les Rennaises et les Rennais car l’État n’est toujours pas au rendez-vous pour mener une réforme fiscale d’ampleur, indispensable pour affronter les défis des transformations écologiques et sociales. Dans un pays où des collectivités comme la nôtre auraient une véritable autonomie d’action, nous aurions pu imaginer taxer les plus hauts revenus, nous aurions pu imaginer taxer les profits de certaines grandes entreprises qui profitent aujourd’hui de la crise, nous aurions pu imaginer une surtaxe sur les logements vacants, nous aurions pu imaginer taxer les activités les plus polluantes… Mais voilà,  nous sommes dans un pays centralisé où l’État décide de tout, tout le temps et où les collectivités ne peuvent décider d’elles-mêmes de la façon dont elles peuvent constituer leurs propres ressources. L’autonomie fiscale des collectivités locales est entamée à coup de suppression d’impôts locaux depuis plusieurs années. Plus encore, l’objectif de baisse des dépenses de fonctionnement des collectivités est martelé par l’État dans la Loi de programmation des finances publiques jusqu’en 2027, déconnecté des besoins des habitantes et des habitants en services publics de proximité. Non, les collectivités locales ne sont pas assises sur un tas d’or comme l’affirme Bercy; au contraire, elles ont besoin de nouveaux leviers budgétaires et fiscaux pour mener la transformation écologique et sociale des territoires. Dans un contexte inflationniste, la stabilité de la Dotation Globale de Fonctionnement est aussi un des symptômes de cette inadéquation des moyens par rapport aux besoins.  

Comme le martelait Bruno Le Maire en 2020 lors de la crise sanitaire, « La dette, c’est de l’investissement » … Cette formule n’est plus d’actualité pour le gouvernement qui minimise les crises écologiques et sociales majeures que nous traversons et qui nécessitent, elles, aussi des investissements massifs et structurels. Logements, éducation, santé, solidarité, insertion, transition agricole et alimentaire, mobilités, énergie : les secteurs qui ont des besoins urgents pour assurer un service public de qualité et répondre aux besoins de la population sont pléthores. En matière de transition, tou·te·s les expert·e·s s’accordent à dire que plus les investissements massifs nécessaires seront réalisés tôt, plus il sera possible d’en maîtriser le coût global et d’en optimiser l’efficacité.  

Dans un contexte où les inégalités se creusent, nous tenons nos engagements et faisons le choix de préserver les politiques municipales essentielles comme l’éducation avec l’ouverture de l’école Miriam Makeba à Baud-Chardonnet, les rénovations de Guyenne et Volga. 

Nous faisons le choix de consolider encore nos services publics avec l’embauche de 50 nouveaux agentes et agents en 2024 et la mise en œuvre des mesures nationales de revalorisation salariale et de la prime inflation qui vont dans le sens du renforcement de la qualité du service municipal. Rappelons à cette occasion que sans l’engagement des agentes et des agents de notre collectivité, les projets ne peuvent être menés.  C’est une plus-value pour les Rennaises et les Rennais et nous tenons une nouvelle fois à remercier très chaleureusement l’ensemble des personnels qui mettent en œuvre nos politiques publiques. 

Nous profitons de ce débat pour souhaiter la poursuite de la mise en place d’indicateurs permettant de mettre en avant les lignes budgétaires favorables à l’égalité femmes/hommes et au climat. Ces indicateurs nous permettent de mesurer l’engagement de notre collectivité sur ces sujets. Nous souhaitons que cette démarche puisse irriguer l’ensemble de nos lignes budgétaires, à travers l’élaboration d’une méthode d’évaluation de nos projets d’investissement.

Ainsi, pour les écologistes, le rapport d’orientations budgétaires 2024 présenté ce soir reflète la poursuite de la politique volontariste de notre ville pour faire de Rennes une ville verte et solidaire malgré l’incertitude et l’insuffisance des mesures nationales.

Seul le prononcé fait foi