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À la une Alimentation – Agriculture Conseil métropolitain Morvan Le Gentil

Plan d’action alimentation et agriculture durables : une ambition partagée, des actions à conforter

Conseil métropolitain du jeudi 28 septembre 2023 · Intervention portée par Morvan Le Gentil au nom des élu·e·s écologistes et citoyen·ne·s sur la délibération n°6 : Agriculture et alimentation durables – Adoption du plan d’actions agriculture et alimentation durables 2023-2027

Deux chiffres pour commencer : 

  • 82% des produits agricoles fabriqués dans notre territoire sont exportés hors métropole, 82% !
  • 92% de la demande locale est satisfaite par des importations.

Notre métropole n’a que 48h d’autonomie alimentaire et cette situation de forte dépendance nous rend particulièrement vulnérables aux évolutions du commerce international et à la situation géopolitique mondiale.

Ce modèle est profondément incompatible avec les impératifs de décarbonation, de sobriété énergétique, de développement local et surtout d’une résilience accrue de notre territoire.

Depuis avril 2022 où nous avons voté la stratégie métropolitaine “Pour une agriculture et une alimentation durables”, nous avons connu une spirale spéculative mondiale sans fin, entraînant une inflation généralisée. La crise Covid et la guerre en Ukraine ont favorisé une prise de conscience partagée sur la fragilité et le risque de fortes dépendances économiques vis-à-vis de pays aux gouvernements antidémocratiques. Parallèlement, l’accélération des bouleversements climatiques a rappelé l’adaptation impérative de notre agriculture et notre alimentation.

C’est pourquoi la nécessité de relocaliser et de recréer des boucles vertueuses, au sein de filières agricoles et alimentaires locales, diversifiées et adaptées au climat de demain, est plus que jamais d’actualité. Notre modèle agricole doit être réorienté vers le marché local, favoriser les petites et moyennes exploitations et les transformateurs qui approvisionnent le territoire métropolitain en produits sains, respectueux de l’environnement et de la santé des habitants.

C’est un défi immense, et à lire le plan présenté ce soir, nous sentons que le diagnostic est globalement partagé. Mais c’est aussi un défi urgent, et c’est là que le bât blesse. Notre sentiment à la lecture de ce document est celui d’une incomplétude. Il manque une partie, et non des moindres ! Celle où l’on traduit les intentions, le catalogue d’idées et de mesures, en plan d’actions précisément. A savoir des objectifs chiffrés, un calendrier et des moyens, y compris humains, à mettre en face. 

Des diagnostics IDEA pour accompagner les changements de pratiques agricoles et la sortie des pesticides de synthèse : très bien. Mais est-ce qu’on reste à 15/an, la tendance actuelle qui inscrit la transition sur 40 à 50 ans ? Ou bien veut-on vraiment accélérer et se donner réellement les moyens d’atteindre le zéro pesticide d’ici 2030 : alors quelle trajectoire affiche-t-on, quels moyens y consacrons-nous avec nos partenaires pour les promouvoir auprès des agriculteurs ? 

De même pour notre action foncière. On sait qu’elle sera une clé majeure de transformation, notamment par les baux ruraux à clauses environnementales que nous déployons sur nos terres, en lien avec les fermiers qui les valorisent. Mais alors où est la PPI foncière agricole, qui nous permettrait de passer de l’idée à l’action ?

Dernière illustration, la lutte contre la précarité alimentaire : on cite la préfiguration d’une expérimentation concernant la distribution de paniers bio et locaux à destination des femmes enceintes en situation de précarité alimentaire, ou le projet de carte alimentaire durable de la Ville de Rennes. Nous y souscrivons pleinement bien sûr. Mais à l’heure où émerge l’idée d’une sécurité sociale de l’alimentation, ne devrions-nous pas être plus précis sur le soutien de la Métropole et l’horizon que nous nous donnons pour passer à l’acte ?

Je ne multiplie pas les exemples, mais tout au long de notre lecture on sent notre enthousiasme initial se transformer en incertitude. Le cap est là, rien à dire. Mais le chemin n’est pas clair et les conditions de sa mise en œuvre passées par pertes et profits.  

A cette lacune s’ajoute une seconde frustration, liée à la démarche d’élaboration de ce plan, insuffisamment collective à nos yeux. Nous avions pourtant redit lors de la présentation de la stratégie, il y a un an et demi, notre disponibilité et notre souhait d’être associés aux travaux, forces de proposition pour sa déclinaison opérationnelle.

Cela aurait peut-être évité la formulation malheureuse qui ouvre ce document, invitant “à ne pas segmenter les modèles agricoles en faisant de certains un modèle exclusif”. Car nous avons trop vu ce type de discours, sous couvert de ne pas opposer les modèles, légitimer en fait la poursuite du développement de l’agriculture conventionnelle, en totale contradiction avec le projet pour notre métropole. 

Une approche plus collaborative nous aurait surtout permis de pousser les curseurs sur plusieurs points importants : 

La diversification de notre agriculture. L’élevage représente ⅔ des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole, deuxième secteur le plus émetteur après les transports. L’élevage est également responsable de 70% des émissions de méthane, un gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le CO2. Aujourd’hui 80% de la surface agricole de notre métropole est dédiée à l’alimentation animale, seulement 2% pour les légumes et les fruits. 

Les enjeux climatiques et d’autonomie alimentaire nous invitent à amplifier notre soutien au développement et à la structuration des filières maraîchères, fruitières, légumineuses et céréales à destination de l’alimentation humaine. Au détriment de l’élevage intensif dont nous devons accompagner la réduction du cheptel et la transition vers un modèle extensif, à l’herbe et bio. Inclure systématiquement aux côtés des volets locaux et bio, un volet sur l’alimentation végétale dans toutes nos actions alimentaires, serait également cohérent avec les objectifs de notre PCAET.

L’amplification des aides à l’installation en bio. Dans un contexte tendu pour la filière, 3000 € de prêt d’honneur pour une dizaine d’exploitations par an ne nous semble pas être à l’échelle si on veut passer à 50 % de la surface agricole en bio d’ici 2030.

La sanctuarisation des terres bio : c’est-à-dire refuser tout projet d’aménagement conduisant à leur artificialisation et étudier la possibilité de les rendre non urbanisables via les documents d’urbanisme. Cela représente près de 5000 hectares soit près de 13% de notre surface agricole. Il s’agit d’une mesure de bon sens, permettant de sécuriser les agriculteurs bio, en cohérence avec la trajectoire zéro artificialisation nette.

Je pourrais citer encore la réduction des engrais de synthèse, en articulation avec la stratégie bio-déchets ou encore l’encouragement des entreprises du territoire à relocaliser leurs achats alimentaires.

Par ailleurs, travailler ce document ensemble aurait pu aussi rebattre les cartes de l’accompagnement à la transition des industries agro-alimentaires. Le soutien sans réelle éco-conditionnalité à Valorial et au Centre Culinaire Conseil nous pose question, et notre groupe s’est abstenu à plusieurs reprises sur ce sujet. Avant d’aller plus loin, il nous semble essentiel de disposer d’un bilan financier des aides à ces structures sur les 5 dernières années, ainsi que les résultats concrets produits en termes d’action publique et d’innovation réellement durable.

En conclusion, nous partageons toujours les orientations de ce plan, mais si nous voulons éviter d’en rester aux intentions, il nous semble impératif d’aller désormais beaucoup plus loin et plus concrètement dans la déclinaison opérationnelle de la stratégie validée l’an dernier. Pour cela nous aurions souhaité être davantage associés au travail mené. Nous restons disponibles, Monsieur le Conseiller délégué, pour échanger et compléter ce plan afin de tenir les objectifs partagés et ambitieux de cette stratégie métropolitaine qui nous engage collectivement.

Dans cette attente, le groupe des élu.e.s écologistes et citoyens s’abstiendra sur cette délibération.