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Faire la ville bas carbone

CONSEIL MUNICIPAL DU LUNDI 17 OCTOBRE 2022Intervention portée par Matthieu Theurier sur la délibération n°1 : « Aménagement et services urbains, environnement – Approche intégrée de l’énergie et du bas-carbone – Application du référentiel Énergie Bas Carbone – Validation »

Dans cette assemblée certains ont pour livre de chevet ‘Ma France” de Fabien Roussel, d’autres “le Détail et l’horizon” d’Edmond Hervé ou même, peut-être, mais ils sont moins nombreux, “Révolution” d’Emmanuel Macron. Pour ma part c’est le rapport du GIEC. Et figurez-vous que les pages 1507 et 1508 traitent de la question de la construction et de la réhabilitation de logement, sujet essentiel et qui nous occupe donc ce soir dans le cadre de l’adoption du référentiel bas carbone pour nos projets d’aménagement. 

L’enjeu nous le connaissons toutes et tous : éviter le chaos climatique qui nous menace et avec lui ses conséquences environnementales, sociales et économiques. Pour y parvenir, l’ensemble de nos actions doit être guidé par la volonté de lutter contre le dérèglement climatique. 

À l’échelle de notre métropole, 40% des émissions de gaz à effet de serre sont issus du logement et des bureaux. Pour atteindre la neutralité carbone, il nous faudra donc diviser par dix les émissions du parc immobilier. Étant donné la durée de vie des bâtiments, c’est bien aujourd’hui que tout se joue. Chaque nouvelle construction doit dès à présent devenir un outil de lutte contre le changement climatique. 

Pour y parvenir, il nous faut adopter une démarche  globale. Il s’agit notamment d’avoir des objectifs communs, réalistes et mesurables, élaborés avec les acteurs économiques et partenaires de la collectivité ; et un ensemble d’actions concrètes pour les atteindre. C’est là tout l’objectif du référentiel bas carbone que nous adoptons ce soir et qui a vocation à prendre en compte, sur l’ensemble du cycle de vie des bâtiments et à l’échelle de tout projet d’aménagement, les enjeux liés aux matériaux, à l’énergie, aux mobilités et à la préservation des sols. 

Je n’ai évidemment pas l’intention de revenir sur tous ces volets. Je me contenterai de trois exemples.

Sur la question des matériaux nous consommons, sur Rennes Métropole, deux fois plus de matériaux du BTP qu’il n’en sort des chantiers. Le béton représente 80% des tonnages entrants, la terre excavée deux tiers des tonnages sortants. Certains gisements ont explosé : le verre (+238%), les plastiques (+150%) et le plâtre (+60%), qui coûtent très cher aujourd’hui à recycler ou revaloriser. Avec le référentiel bas carbone, nous prescrivons des mesures concrètes pour faire des économies de coût et de matériaux dans les opérations d’aménagement : augmenter la part de réemploi dans les matériaux utilisés, s’appuyer pour cela sur les filières locales que nous aidons à structurer, réemployer les déblais et terres excavées sur l’espace public, etc. Cela signifiera aussi à l’échelle d’un bâtiment de monter d’un cran les exigences sur les matériaux biosourcés – bois, terre, paille – , et de pousser les acteurs à innover pour créer des structures réversibles, mutables, voire démontables. Sur ces éléments le référentiel va évidemment dans le bon sens. À ce stade il n’a pourtant à ne s’appliquer qu’aux constructions nouvelles. Il nous semble opportun qu’il puisse aussi se mettre en œuvre sur les opérations de réhabilitation.  

Sur la question de l’énergie ensuite. Le triptyque sobriété – efficacité – production d’ENR est désormais de mise. Grâce au référentiel, nous haussons nos exigences pour des bâtiments bioclimatiques, qui tirent profit au maximum de l’énergie solaire notamment par leur orientation tout en s’en protégeant efficacement l’été pour éviter les surchauffes. La systématisation des toitures compatibles avec l’installation de panneaux solaires va aussi dans le sens d’une plus grande autonomie énergétique tout comme le développement important de nos réseaux de chaleur. Puisque nous savons produire des bâtiments qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment, alors nous devons faire des 1 700 logements qui sortent de terre chaque année sur la Ville de Rennes autant d’opportunités pour augmenter notre production d’énergie renouvelable.  

Enfin, la question de l’utilisation des sols est incontournable. Pour atteindre la Zéro Artificialisation Nette à horizon 2050, nous devons repenser nos modes constructifs, privilégier autant que possible le renouvellement à l’étalement urbain. Autrement dit, densifier intelligemment. Ce qui ne veut pas dire tout bétonner ni entasser les habitants les uns sur les autres. La ville dense doit permettre la proximité et des espaces publics agréables et apaisés qui se parcourent à pied ou en vélo. Elle permet aussi de retrouver de l’espace dédié à la nature en ville. Elle doit aussi redonner toute sa place à la présence de l’eau : fini le béton et le goudron. Les enrobés drainants, la réalisation de noues pour accueillir et acheminer les eaux de ruissellement,  les plantations en pleine terre permettent autant de favoriser la biodiversité que d’améliorer l’infiltration des eaux. 

Sur ce sujet d’ailleurs, il nous semble que les questions d’assainissement mériteraient d’être plus largement traitées dans ce référentiel. L’assainissement est fortement consommateur d’eau et d’énergie. Le développement des systèmes d’assainissement sec est pourtant un enjeu déterminant pour demain.  

Au-delà de ces aspects qui peuvent paraître assez techniques, il s’agit bien pour nous de bâtir une ville, des quartiers, des logements et bureaux où il fait bon vivre ou travailler, aujourd’hui et demain. Où l’on se sent bien l’hiver sans faire exploser sa facture de gaz ou d’électricité. Où l’on se sent bien l’été sans avoir à investir dans un climatiseur ou des ventilateurs. Où l’on peut se promener sans craindre les îlots de chaleur urbains. Où l’on peut toujours trouver des espaces verts à proximité, et se déplacer en mobilités actives (à pied, à vélo) pour les trajets du quotidien. C’est l’horizon sobre mais désirable vers lequel nous voulons tendre.

En conclusion, avec ce référentiel bas carbone, nous actionnons un puissant levier, celui de l’aménagement durable de notre territoire. Il méritera d’être complété et évalué à l’avenir pour continuer à se renforcer. Mais à ce stade il est déjà un outil indispensable pour réussir les profondes transformations écologiques et sociales dont nous avons besoin.   

– Seul le prononcé fait foi –