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Pour une meilleure qualité de l’eau sur le bassin Loire-Bretagne

Gestion de l’eau – Projet de SDAGE (Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux)

Intervention de Morvan Le Gentil, au nom du groupe écologiste et citoyen, lors du conseil métropolitain du 17 juin 2021.

« Avec ce nouvel avis à donner sur le SDAGE, il nous faut regarder en arrière pour mieux aller de l’avant.

Il y a 6 ans, quasi jour pour jour, nous donnions dans cette assemblée notre avis sur ce schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux et déjà nous regardions en arrière pour évaluer la marche à franchir pour une meilleure qualité de l’eau sur le bassin Loire-Bretagne.

Nous disions que la réalité des chiffres était bien loin du compte des objectifs fixés 6 ans plus tôt, malheureusement on en est toujours au même point.

Nous pouvons même dire que la réalité est encore moins glorieuse, puisque si l’on en croit la délibération une analyse technique a été menée, permettant d’identifier les masses d’eau pour lesquelles l’atteinte du bon état en 2027 n’est pas envisageable sur la totalité des éléments de qualité et que, pour ces masses d’eau, le SDAGE fixe des objectifs moins stricts que le bon état, en tenant compte de la faisabilité technique et financière des mesures correctives.

Ça pose question, pourtant comme je le disais en 2015, Le SDAGE reste un outil majeur de planification de la politique de l’eau sur le bassin Loire Bretagne et constitue un véritable programme de reconquête de la qualité de l’eau.

Ça pose question, quand l’État vient de se faire condamner au début de ce mois, à prendre des mesures rapides (4 mois) afin de restaurer durablement la qualité de l’eau en Bretagne et prévenir au maximum le phénomène des marées vertes.

Ça pose question, quand nous devons aujourd’hui donner notre avis sur le prochain SDAGE alors que nous n’avons pas atteint les objectifs du précédent.

Pourtant cet outil de planification comporte bel et bien une série de mesures qui représente un effort collectif de 3,6 milliards d’euros sur 6 ans, en progression par rapport à la précédente programmation.

Mais il nous semble qu’on pourrait mettre 1 milliard de plus sur la table que nous n’arriverions pas à retrouver une eau de qualité.

Et j’ajouterai pour reprendre les propos du Président de l’association Eau et rivières de Bretagne à la sortie du Tribunal administratif : « Mais que de temps perdu ! Que de millions d’euros des plans algues vertes investis en pure perte faute d’une réglementation suffisante ! »

On peut s’interroger sur ce qui cloche ou plus exactement où ça cloche ! 

Sur le territoire du bassin de Vilaine, nous avons un outil formidable Terres de sources qui permet à des agriculteurs de s’engager dans une agriculture de qualité tout en réduisant l’impact sur la qualité de l’eau tout en leur donnant accès à un marché public qui valorise leurs produits dans nos restaurations scolaires dans une quinzaine de communes de la métropole. 

Cette expérience fonctionne et nous devons encore l’intensifier afin que l’ensemble des professionnels y participent. La multiplier aussi sur l’ensemble de nos bassins versants à travers des dispositifs comme les Territoires d’innovation grandes ambitions (TIGA), mais aussi plus localement, avec les dispositifs Paiements pour services environnementaux (PSE), nous avons la possibilité de territorialiser notre action au plus près des agriculteurs et des consommateurs.

Et c’est peut-être là que ça cloche !

Est-ce que les aides à l’agriculture telles qu’elles sont instrumentées aujourd’hui correspondent réellement à la réalité locale, régionale (en Bretagne c’est 700 millions d’€ d’aides PAC) ?

Il semble que non au vu des résultats obtenus sur la Bretagne en général et sur notre territoire en particulier.

Alors que les agriculteurs biologiques se mettent à poil pour dénoncer la politique européenne et nationale sur les aides PAC qui vont baisser de 60 % pour les redistribuer à une agriculture labellisée HVE (Haute Valeur environnementale). Alors que l’État se fait condamner pour son inaction en matière de protection de l’eau, c’est bien un modèle global qu’il faut revoir.

Nous voulons un modèle agricole qui conduise les agriculteurs qui n’ont pas encore franchi le pas, à ne plus polluer notre eau, à ne plus polluer nos sols et notre air avec les rejets d’ammoniac, à produire des aliments sains et élever des animaux respectés, et enfin retrouver leur fierté. Un modèle qui soutient les professionnels vertueux dans le cadre du principe pollueur-payeur. 

Rappelons aussi ce paradoxe : ce sont les contribuables, donc les consommateurs, qui financent à peu près 60% du budget de l’agence de l’eau, contre 11% seulement pour les auteurs même des pollutions. 

Un modèle qui puisse libérer les paysans des puissants lobbys dont ils sont les otages, que ce soit au Parlement européen, où ici dans nos Conseils régionaux. Lobbys puissants, mais aussi agressifs vis-à-vis des militants et militantes qui luttent pour un autre modèle agricole et environnemental en Bretagne et contre les journalistes qui tentent de comprendre et d’informer. 

Un modèle qui cesse de gaspiller des millions en finançant l’agence de l’eau et en donnant 20 euros pour tenter de réparer les dégâts, tout en continuant de donner 100 euros d’argent public aux exploitants agricoles pour les aider à poursuivre, quoi qu’il en coûte écologiquement, la course productiviste qui exige des importations de soja, des tonnes de glyphosate, des camions, des bateaux et des avions qui parcourent le monde, alors que le Conseil régional de Bretagne est incapable de fournir les cantines des lycées avec des produits locaux. 

Un modèle où l’État reprend ses responsabilités pour faire appliquer les directives européennes et la législation française, notamment sur les autorisations d’élevage, sur les zones d’épandage, les dérogations de prélèvements en période de sécheresse. 

Un modèle de lucidité, ou pour reprendre les propos du Tribunal administratif : il nous faut une définition précise d’un mécanisme de mise en œuvre de mesures réglementaires contraignantes. 

Nous souscrivons évidemment globalement aux réserves qui sont exprimées par la Métropole ce soir. Nous souscrivons, par exemple, à la proposition de notre collectivité que le programme de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne permette un meilleur accompagnement des mesures de sortie des pesticides, notamment sur le volet éducation à l’environnement. 

Attention toutefois à ne pas se tromper de public : les enfants des écoles bien sûr, mais aussi les élèves des lycées agricoles et les étudiants en agronomie qui doivent être particulièrement concernés par cet accompagnement.

Il y a urgence à actualiser les formations continues des professions utilisatrices de l’eau et des responsables en charge de l’aménagement territorial, car s’il est pédagogiquement souhaitable d’apprendre aux enfants à fermer le robinet en se lavant les dents, les engagements majeurs sont ailleurs.


Au-delà de ces réserves, nous voudrions éventuellement en proposer quelques autres, qui nous sembleraient intéressantes à ajouter à l’avis de la Métropole.

À propos des actions volontaires des territoires et des agriculteurs, comme Terre de source, il  va falloir passer à des mesures plus contraignantes, avec des échéances pour donner de la crédibilité aux objectifs et puis aller plus loin que des simples recommandations ou préconisations. 

Il va falloir qu’on utilise sur nos bassins de captage d’eau potable des mesures réglementaires, comme les zones soumises à contraintes environnementales, par exemple, afin de sanctuariser et protéger notre ressource en eau. C’est pourquoi nous aurions volontiers intégré une réserve insistant davantage dans le SDAGE sur les besoins de ces mesures contraignantes, dans tous les domaines où l’incitatif n’a pas permis de progrès décisif depuis plus de dix ans. 

Un autre point, au regard de notre nécessaire adaptation au changement climatique, serait de regarder nos objectifs en matière de prélèvement et de consommation d’eau sur notre territoire. Alors que le remembrement perdure, avec une protection de l’air encore insuffisante, il faut noter la multiplication des plans d’eau qui ont un impact non négligeable sur la biodiversité, mais également un impact biologique en favorisant l’eutrophisation. Ces étangs et ces plans d’eau favorisent également l’évaporation, phénomène qui gaspille notre ressource en eau. 

Nous devons avoir une attention particulière aussi aux grands consommateurs d’eau que ce soit pour les usages agricoles ou agro-industriels, on pense l’usine Bridor à Liffré, mais aussi pour des usages des particuliers, avec l’augmentation du nombre de piscines particulières, et appliquer un principe d’utilisateur-payeur, à l’inverse des pratiques actuelles de dégressivité en fonction du volume consommé. Sur ce sujet, on rejoint donc les préconisations de la Métropole. 

On se dit qu’il y aurait alors peut-être une réserve une préconisation, qui serait liée à la notion de conditionnalité liée à l’eau, autour des quantités d’eau disponibles, de l’existence de l’assainissement performante, de l’intangibilité des zones humides, qui pourraient être davantage être portées dans les décisions d’aménagement, que ce soit pour le développement économique ou pour l’habitat. 

Une dernière réserve qu’on proposerait d’ajouter serait de demander au SDAGE de pointer l’urgence d’une meilleure lisibilité, d’une meilleure cohérence des flux financiers, au service de l’objectif commun.

En redisant que la PAC qui va aujourd’hui à contresens et qu’une régionalisation, voire peut-être une cogestion avec nos territoires, devrait chercher en priorité à réorienter ces flux de manière massive et convergente vers la reconquête de la qualité de l’eau.

En jouant d’une logique de bonus-malus pour récompenser ou décourager les actions favorables ou néfastes et de ce fait vraiment replacer les agriculteurs comme des solutions potentielles dans le cadre d’un système d’incitation qui serait beaucoup plus clair et beaucoup plus cohérent. 

Pour conclure, dire aussi que le SDAGE n’est pas l’alpha et l’oméga pour la Métropole. On a la possibilité d’aller plus loin, d’être pilote.

Il nous faudrait réfléchir à ce que veut dire cet objectif qu’on s’est donné de zéro pesticide en 2030, réfléchir à ce que veut dire cette étape de moins 50 % en 2025. Ne pas se contenter de fixer des objectifs, mais essayer de vraiment construire la feuille de route comme on a su le faire avec le PCAET. Aujourd’hui quels moyens humains, quels moyens financiers met-on ?

L’EPTB et la CBR sont évidemment des acteurs majeurs et l’on travaillera à l’évidence avec ces partenaires.

Il faut aujourd’hui écrire cette feuille de route, qu’on la matérialise, parce que l’objectif de 50 % on ne peut pas se permettre de le rater, c’est le minimum qui nous permettra demain d’avoir un début de résultat.  

Nous avons donc un avis réservé et rejoignons la réflexion qui est portée ce soir. 

Merci »

Intervention sur la délibération n°17 : Gestion de l’eau – Projets de SDAGE et de PGRI du bassin Loire Bretagne 2022-2027 – Avis de Rennes Métropole