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Rapport de la chambre régionale des comptes concernant l’entreprise Kéolis Rennes

Matthieu Theurier, Vice-Président à la mobilité et aux transports, a présenté une délibération à propos du rapport de la chambre régionale des comptes concernant l’entreprise Kéolis Rennes.

La dernière délibération est une information au Conseil de Rennes Métropole à propos du rapport de la chambre régionale des comptes concernant l’entreprise Kéolis Rennes qui assure la gestion et l’exploitation de nos services de mobilité bus-métro et aussi handistar-covoiturage et vélo. 

Avant de vous présenter les éléments de ce rapport je voudrais simplement rappeler que l’action de la chambre régionale des comptes a vocation à vérifier le bon usage de l’argent public et d’en informer les citoyens. Cette action se situe dans le cadre de l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et repris en préambule de la constitution française de 1958 qui stipule que : « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration ».

Nous sommes une collectivité publique et nous mettons en œuvre des services publics et la mesure de la performance répond à un impératif démocratique. 

La chambre régionale des comptes Bretagne inscrit ses travaux dans une démarche visant à faire progresser la qualité de la gestion publique locale. Et c’est bien de cette façon que nous recevons les différents rapports de la CRC. Ces rapports nous questionnent, nous confortent aussi dans nos choix ou nous amènent à les faire évoluer, c’est leur rôle et c’est aussi pourquoi nous les abordons toujours avec attention.  

Je voudrais aussi rappeler que c’est la société Keolis Rennes qui fait l’objet du rapport de la Chambre. Kéolis Rennes étant l’entreprise qui assure l’exploitation de nos services de mobilité, ce rapport nous concerne aussi. Pour votre information, Kéolis Rennes est une filiale du groupe Keolis, lui-même filiale de la SNCF. Cette entreprise a une activité entièrement dédiée à l’exécution de la Délégation de Service Public sur les mobilités que nous lui avons confiée. La société Keolis Rennes comptait 1 055 salariés fin 2018. 

Il me faut enfin rappeler que le rapport audite la période 2012-2018 qui s’est donc écoulée sur les deux précédents mandats. 

Une fois cela dit, j’en viens désormais au rapport de la Chambre régionale des comptes lui-même. Il aborde différents points que je vais m’efforcer de vous présenter. 

Ville Archipel 

Il aborde tout d’abord la performance de notre réseau de transports. Et pour se faire, il rappelle en premier lieu que notre territoire s’est développé selon le concept de ville-archipel c’est-à-dire dans le cadre d’un développement urbain qui a refusé les grandes continuités urbaines entre Rennes et les communes les plus proches pour préserver une ceinture verte et le tissu de bourgs et communes existants. 

La configuration de la ville archipel se traduit par le déploiement de lignes de bus plus longues, mais moins denses en fréquences et en nombre de places offertes par kilomètre. 

À l’inverse, la vitesse commerciale est très bonne (20,99 Km/h en moyenne globale), puisque la configuration de la ville archipel se caractérise par des traversées de zones peu denses, exigeant moins d’arrêts. Il faut aussi ajouter à cela les investissements faits par Rennes Métropole en faveur des voies dédiées au bus qui permettent là aussi des vitesses commerciales parmi les plus fortes de France pour notre réseau de transports. 

La conséquence à cela en matière d’exploitation c’est que le coût du kilomètre produit est parmi les moins chers de France (4,81 €/km pour une moyenne de 6,33 €), mais que le coût par voyage produit est légèrement supérieur à la moyenne des agglomérations comparables. 

La Chambre régionale des comptes considère que la performance globale de notre réseau de transports est en deçà de celui des autres agglomérations. Elle s’appuie pour cela sur l’indicateur dit PKO qui est le produit du nombre de kilomètres parcourus par le nombre de places disponibles dans le véhicule. (D’après elle, nous serions à un PKO de 1,8 milliard lorsque les autres métropoles sont en moyenne à 2,6 milliards.) 

Le problème c’est que du point de vue de Rennes Métropole, la Chambre n’a pris le bon chiffre puisque le PKO considéré par la Chambre n’a pris en compte que le réseau bus en oubliant le métro alors qu’elle s’est référé pour les autres métropoles à un PKO qui prend en compte l’ensemble du réseau de transports. Si l’on intègre la ligne A du métro, le PKO pour Rennes Métropole est de 2,3 milliards et s’approche donc des 2,6 milliards constatés en moyenne pour les métropoles. 

Cette comparaison nous pose une autre difficulté c’est que la Chambre compare Rennes Métropole aux autres métropoles disposant d’au moins une ligne de transports dits lourd type métro ou tramway. Nous sommes donc comparés à Lyon, Bordeaux, Nice, Toulouse ou Lille qui ont des tailles de population bien supérieure à la nôtre et des densités de population aussi plus de deux fois supérieures à la nôtre (645 hab-km2 pour RM contre 1150 hab-km2 en moyenne).  

C’est pourquoi pour ce qui concerne Rennes Métropole nous estimons plus pertinent de comparer la performance de notre réseau avec des agglomérations de 300 000 à 650 000 habitants. 

En plus du PKO, il faut rappeler qu’il y a d’autres indicateurs qui permettent de considérer la performance d’un réseau de transports comme la part modale, c’est-à-dire la place que nos transports en commun occupent dans l’ensemble des déplacements. Pour Rennes Métropole, la part modale TC est de 13,7 % ce qui place notre métropole parmi les meilleures de France, d’autant qu’avec la ligne b du métro cette part devrait monter au-delà des 16 %.

Il faut aussi rappeler, et cela la Chambre le confirme aussi, que nous avons fait le choix d’une desserte large de la population dans un souci d’égalité. Ainsi 90 % de la population de l’agglomération rennaise a accès aux transports publics et 92 % des emplois sont accessibles. De fait, nous desservons l’ensemble du territoire y compris les zones peu denses. 

De par son analyse, la CRC en vient à nous inviter à renoncer au modèle de Ville-Archipel pour privilégier la densification urbaine. On peut entendre ce point de vue si l’on regarde de façon isolée les seules nécessités de performance d’un réseau de transports. Mais pour nous, la construction de la Ville-Archipel est un choix politique qui dépasse la seule question des déplacements, qui permet un cadre de vie de qualité et une nature préservée. Nous n’avons donc aucunement l’intention de revenir dessus. 

Ensuite, j’en viens aux éléments liés à l’exploitation du réseau en lui-même. 

La Chambre reproche à Kéolis Rennes un mauvais taux de recouvrement des recettes de billetiques. En effet, les recettes tarifaires de la DSP s’élevaient à 47,3 M€ en 2017, très en deçà des prévisions contractuelles de 53,2 M€.

Sur ce point, la Chambre a parfaitement raison. Elle pointe notamment des ventes d’abonnement en deçà des prévisions et des achats de ticket unitaire qui se font au détriment des abonnements.

C’est vrai que nous avons fait le choix d’un ticket unitaire avec un tarif bas, considérant qu’il était très utilisé notamment par les plus modestes, et des abonnements qui restent à des coûts élevés si l’on se compare aux autres métropoles. Si sur le ticket unité nos n’avons pas changé de doctrine, sur les abonnements nous avons des marges de progrès. Et d’ailleurs des progrès importants ont été réalisés avec la mise en œuvre de la tarification solidaire qui permet aujourd’hui à 75 000 personnes de bénéficier de la gratuité totale ou d’une réduction de 85 ou 50 % en fonction des revenus et rendant ainsi d’autant plus attractif l’achat d’un abonnement au réseau Star. 

Cet effort d’accessibilité aux abonnements nous le continuons avec notre décision en septembre de gratuité -12 ans et baisse -33 % pour -26 ans. 

Et nous allons encore le prolonger en simplifiant prochainement notre gamme tarifaire pour une meilleure lisibilité de celle-ci. 

Je pense aussi que nous avons encore de vraies marges de manœuvre pour mieux faire connaître la tarification solidaire à celles et ceux qui en ont le droit et ainsi augmenter encore le nombre d’abonnés.  

Mais lorsque l’on met en place une tarification solidaire, on augmente certainement le nombre d’abonnements, c’est l’un des objectifs, mais on fait forcément baisser dans un premier temps les recettes tarifaires. 

La Chambre pointe aussi une augmentation des tarifs plus forte que l’inflation sur la période 2012-2018 (Sur 2013-2017 : +12,8 % pour les tarifs, contre +2,7 % d’inflation). Cette augmentation était liée à la façon dont était construit le précédent contrat de DSP qui s’est éteint en 2018. Ce principe d’augmentation a d’ailleurs fait l’objet de débats réguliers dans cette enceinte lors du précédent mandat et elle a été revue en 2018 avec le nouveau contrat et est maintenant beaucoup plus encadrée (nouvelle DSP 2018 – 2024 : +0,6 % en moyenne). Je pense qu’à l’avenir il nous faudra encore imaginer, dans une logique sociale et d’accessibilité, un autre système de variation des prix de nos tarifs en nous appuyant plutôt sur la réalité d’augmentation des revenus que de la variation des prix. 

Enfin sur les comptes de l’entreprise Kéolis et sa gestion

La Chambre considère que les charges d’exploitation de la STAR sont de 129 M€ en 2018, en croissance moyenne annuelle de 4,2 % depuis 2015 amenant la Chambre a considéré qu’elles sont maîtrisées par Kéolis Rennes. 

Pour autant, ces charges ont augmenté plus vite que les recettes. Et donc la Chambre rappelle que pour cette raison Kéolis a enregistré d’importantes pertes entre 2015 et 2017, celles-ci augmentant même sur la période et rappelle ainsi qu’entre 2015 et 2017, Keolis Rennes a ainsi perdu 3,6 M€.

Kéolis reconstitue sa marge en 2018 avec un résultat excédentaire de 1,9 M€.

Et sur cette année 2018, la Chambre considère qu’avec un résultat de 1,9 M€ pour un capital social engagé de 6,2 M€, la rentabilité des capitaux investis par Keolis, qui est de 30 %, serait très supérieure à la rentabilité financière moyenne des entreprises du secteur.

Sur ce point, je veux simplement rappeler qu’une rentabilité s’apprécie sur tout le temps d’une délégation de service public qui est d’une durée de 7 ans nous concernant. Qu’il y a des années ou Kéolis a perdu de l’argent comme le rappelle la Chambre, car dans un cadre de DSP l’exploitation du réseau se fait bien au risque et péril de l’entreprise délégataire. Et enfin, la comparaison entre un résultat d’exploitation et un montant de capitaux propres est assez étonnante. 

En effet, dans le cadre de notre DSP (régie intéressée) c’est bien Rennes Métropole qui porte les investissements, nous sommes propriétaires de nos bus que nous confions à Kéolis. Cela nous permet une maîtrise des investissements publics. Par conséquent, Kéolis n’a pas d’investissement à porter et son capital n’a vocation qu’à couvrir son risque d’exploitation. Son résultat est donc plutôt à comparer au chiffre d’affaires de l’entreprise qui correspond aux prestations de mobilités qu’elle met en place pour le compte de la métropole. Et si l’on rapporte le résultat au chiffre d’affaires alors la rentabilité de l’entreprise Kéolis est de 1,5 % ce qui correspond à ce qui se pratique sur les autres réseaux de transports. 

Il faut aussi redire que dans le cadre de notre actuelle DSP, la rémunération, via le forfait de charges, est arrêtée a priori et vise à couvrir les dépenses annuelles prévisionnelles, marge comprise. La rentabilité n’est donc pas garantie.

Une fois que j’ai dit cela, je veux rappeler qu’il est évident que Rennes Métropole se doit d’être particulièrement vigilante sur le bon usage de l’argent public et celui-ci n’a évidemment pas vocation à participer à l’enrichissement d’entreprises, mais bien à fournir des services d’intérêt général à nos concitoyens. Cette vigilance nous la portons dans le cadre du contrôle que nous exerçons sur la DSP. 

Enfin et pour conclure, je ne doute pas que la question de la marge réalisée par les entreprises délégataires fera débat ce soir et tout au long du mandat, car c’est un débat nécessaire dans le cadre de toute délégation de services publics qu’elle concerne les déplacements, les déchets, ou les réseaux de chaleur pour ne citer que ces exemples. Et ce débat renvoie à celui de savoir quel est le bon mode de gestion pour la mise en œuvre d’un service public. Ce débat nous aurons à l’ouvrir dans le mandat, par volonté politique bien sûr, mais aussi simplement parce que la loi nous fait obligation de l’avoir.