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Déchets : il faut une politique volontariste pour faire face à l’urgence climatique

[Conseil métropolitain du 27 juin 2019]

À l’occasion d’une délibération sur le choix du mode de gestion de l’incinérateur des déchets, nous avons redit notre souhait d’une gestion publique et plaidé pour la mise en place d’une redevance incitative.

Président du groupe écologiste et citoyen de Rennes Métropole

Intervention de Morvan LE GENTIL au nom du groupe écologiste et citoyen
La politique « déchets » menée sur notre métropole pendant cette dernière décennie a permis de réduire de manière efficiente la quantité de déchets produite sur notre territoire. La sensibilisation au tri, au compostage, l’extension des consignes de tris et l’accompagnement de structures du réemploi ont permis de passer nos déchets de 507 kilos par habitant et par an à 460 kilos par habitant et par an. Ces résultats sont plutôt bons comparés à ceux des collectivités de même taille. Mais ils atteignent leur plafond.Depuis trois ans déjà, ces chiffres stagnent voir augmentent légèrement. La radiographie des ordures ménagères des métropolitains montre pourtant que plus de 50 % de ces ordures ménagères pourraient encore être valorisés. L’extension des consignes de tri est ici un arbre qui cache la forêt. En effet un bon nombre de ces flux ne sont pas encore valorisés à ce jour car on ne sait pas encore recycler l’ensemble des plastiques. C’est le cas des pots de yaourts par exemple. Les flux recyclés, quant à eux, sont pour la plupart envoyés à l’extérieur de notre région voire un peu partout en Europe. Enfin, les biodéchets collectés sont aujourd’hui valorisés par Suez en Pays de Loire tandis que le gaspillage alimentaire des métropolitains dépasse encore 25 %. 

 

En ce jour de canicule exceptionnelle, l’urgence climatique est plus qu’évidente.

Si on ne change pas de manière significative et rapide nos façons de produire et de consommer, nous allons dans le mur.

On a dépassé le stade de la transition écologique, il nous reste dix ans pour passer à la mutation écologique. En ce sens, l’objectif visé de passer le poids de nos ordures ménagères de 190 kilos par habitant et par an à 150 kilos par habitant et par an d’ici 2030 nous paraît un objectif minimum. La radiographie de nos ordures ménagères, que vous venez de présenter, montre que l’on peut descendre en dessous des 100 kilos par habitant et par an d’ici 10 ans. Nos voisins des Vallons de Vilaine, qui ont été parmi les premiers en France à mettre en place une redevance incitative, y sont parvenus. Et d’ailleurs, la Loi sur la Transition Energétique nous y invite.

 

Ces éléments de contexte nous obligent à mener une politique « déchets » ambitieuse sur notre territoire et au-delà de nos seules compétences de collecte et de valorisation. C’est un domaine sur lequel il nous faudra beaucoup investir et étoffer les équipes.

Il nous faut notamment sensibiliser les consommateurs et les commerçants à troquer tout ce qui est jetable et à usage unique par des objets réutilisables. Emballage, contenant, vaisselles, lingettes, couches… ne doivent plus se retrouver dans la case déchet ! Faire ses courses avec ses propres récipients doit devenir évident. De même, la consigne doit être généralisée à tous les contenants réutilisables sans être dévoyée par l’industrie agroalimentaire. Enfin, réparer plutôt que jeter, choisir des vêtements, meubles, objets de seconde main doit devenir un reflexe naturel. Pour ce faire, il est nécessaire de mettre en place un schéma du réemploi ambitieux en y mettant les moyens. Il s’agira de consolider les entreprises de l’ESS engagées dans ce domaine et de permettre la création et l’innovation dans ces domaines. Il s’agira aussi de mobiliser les filières – je pense à celles de la restauration rapide, ou du bâtiment par exemple – afin d’organiser de manière collective des actions concrètes de réduction des déchets. Par ailleurs au niveau individuel, chaque habitant de notre métropole doit pouvoir déposer ses vêtements, encombrants, et autres objets dans une ressourcerie à moins de cinq minutes de chez lui. Cette économie circulaire est de plus une vraie source d’emplois pérennes et endogènes sur notre territoire.

 

Ce travail conséquent d’information et d’accompagnement aux changements de pratiques des consommateurs et des commerçants doit aussi être renforcé par une politique tarifaire socialement juste et incitant les métropolitain·e·s à réduire la quantité de déchets, autant celle des ordures ménagères que celle de la collecte sélective. Comme précisé dans votre présentation, le coût des déchets sur notre métropole est le plus bas de France. Pour avoir une idée de l’efficience du service il serait opportun d’associer ce coût à la quantité de déchets produits par habitant ainsi qu’au type de tarification. On peut constater en tout cas, qu’à Besançon, agglomération de 200 000 habitants et territoire pionnier dans la mise en place d’une redevance incitative, le coût des déchets par habitant est de 84 € contre 62 € chez nous et la quantité de déchets de 274 kilos par habitant et par an contre 468 chez nous. Il faut donc investir pour être plus efficaces sur la réduction des déchets.

Ce sont les raisons pour lesquelles nous penchons en faveur de la mise en place sur notre territoire d’une redevance incitative.

La part fixe de cette redevance pourrait être établie en fonction du quotient familial des foyers. Avec une telle redevance, la réduction des ordures ménagère et de la collecte sélective serait d’au moins 10 %. L’option d’une TEOMI est d’une part moins efficace (au mieux 5 % de baisse de la quantité des déchets produits) mais aussi moins sociale. En effet, les taxes sont basées sur les bases foncières des logements, dont on sait qu’elles sont aujourd’hui obsolètes, sans rapport avec les capacités financières des habitants ni avec leur production de déchets, et de surcroît défavorables aux logements situés dans les quartiers politique de la ville. Nous savons que la redevance est l’option la plus coûteuse mais l’efficacité maximale doit nous guider, c’est une priorité qui fait partie intégrante de nos engagements PCAET. En effet, ce que l’on n’investira pas dans une politique tarifaire ambitieuse se paiera plus tard en termes de pollution, de chaleur, de santé…

 

Évidemment, il restera toujours des déchets résiduels à traiter. Pour les biodéchets, un projet de méthaniseur territorial, capable de digérer à la fois les biodéchets des communes mais aussi des agriculteurs, serait le bienvenu.

Pour les ordures ménagères, le choix a été fait de l’incinération. Cependant, le tonnage de référence de la future usine d’incinération est de 144 000 tonnes par an nous interpelle toujours. Même avec un scénario tendanciel, on ne dépassera pas 100 000 tonnes par an pour la seule métropole en 2030. Le maintien à 144000 tonnes donne d’emblée une dimension régionale à cet équipement et il faut l’assumer comme tel. Cette nouvelle UVE est manifestement vue comme une réponse aux enjeux de la région pour mettre fin à l’enfouissement des déchets – dont acte. Mais dans ce cas, un certains nombre de questions se pose :

  • Quid de l’investissement de la région dans ce projet ?
  • Comment garantir que notre incinération soit bien de l’enfouissement ultime en moins, et pas une solution de facilité pour des territoires qui n’auraient pas fait des choix ambitieux en matière de réduction et de tri des déchets en amont ? Quelles exigences envisageons-nous de poser vis-à-vis de nos « clients » ?
  • Enfin, sur quelles distances, à quelle fréquence  et comment les déchets seront-ils acheminés jusqu’à Rennes Métropole ?

 

Pour finir, je voudrais revenir sur le mode de gestion de l’UVE, puisque c’est l’objet d’une des délibérations de ce soir. Nous prenons bonne note des arguments qui vous conduisent à privilégier le choix d’une concession déléguée pour la gestion des travaux de rénovation de l’UVE et son exploitation pendant les dix ans qui suivent. Pour faire vite, il s’agit d’externaliser le risque industriel qui découle de cette opération, soit. Mais à ce jeu nous risquons fort de nous retrouver avec une technologie « captive » qui rendra compliqué le transfert à la collectivité dans un second temps.

Pour autant, nous voulons redire ici que nous avons aujourd’hui, dans le domaine de l’eau, un modèle de ce que peut apporter un mode de gestion publique pour ces biens communs essentiels – en matière de souplesse, de gouvernance, d’impact sur les coûts et de qualité de service. Ce n’est pas une question dogmatique : la CEBR et la SPL Eau du Bassin Rennais nous démontrent tous les jours que ce sont les outils pragmatiques d’une gestion efficiente et solidaire, dans une approche de long terme de l’intérêt général.

L’argument du manque de compétences internes est difficilement entendable puisque ces compétences se recrutent, se forment – et même se récupèrent souvent auprès des anciens concessionnaires.

Au-delà de la période de travaux qui s’ouvre pour l’UVE, il est temps de poser le principe politique d’une gestion publique directe, soit en régie soit via une SPL, pour ce genre d’outil comme pour les réseaux de chaleur qui en dépendent. La délibération de ce soir nous fait perdre dix ans, c’est la raison pour laquelle nous nous y opposerons.