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Plan de déplacements urbains : et le train?!

[Conseil métropolitain du 31 janvier 2019]

Le plan de déplacements urbain a été voté en conseil métropolitain. Si l’on peut saluer de réelles avancées, nous déplorons une concertation franchement insatisfaisante, et surtout une opportunité manquée : celle de faire du train du quotidien une réelle alternative à la voiture.

 

Conseiller métropolitain
Président du groupe écologiste et citoyen de Rennes Métropole
Intervention de Morvan LE GENTIL au nom du groupe écologiste  et citoyen

Depuis le début de ce mandat nous avons arrêté de nombreux plans structurants, SCOT, PLH, PCAET, PLUI – tous d’une importance capitale pour l’avenir de notre agglomération. Nous y ajoutons ce soir une dernière pierre, presque une clé de voûte au regard des budgets concernés et des enjeux climatiques et sanitaires.

Ce Plan de Déplacements Urbains est l’aboutissement d’un travail de longue haleine, fruit d’une mobilisation importante des élus et des services – que nous saluons ici.

Malgré les nécessaires compromis il marque des avancées notables et nous pouvons relever un certain nombre d’axes sur lesquels des jalons essentiels sont posés.

Nous soutenons ainsi l’esprit d’expérimentation qui vise à tester tous les leviers pour diminuer la part de la voiture solo au profit du privilégier tout déplacement collectif à la voiture solo : multiplication des sites propres bus, ouverture de ces voies aux véhicules transportant plusieurs passagers, fléchage de parkings réservés prioritairement aux covoitureurs, montée en puissance de covoit’star, expérimentation de véhicules autonomes… cela ne suffira sans doute pas, et d’autres pistes émergeront à coup sûr dans les années à venir, mais cette ouverture, prête à bousculer les cadres, est un préalable indispensable face aux enjeux qui sont les nôtres.

Nous sommes également en phase avec le plan vélo et ce réseau express que nous appelions de nos vœux depuis longtemps. Nous pourrions sans doute encore en accélérer la mise en œuvre, et être davantage moteurs quant aux articulations avec les axes de rabattement dans les communes, ou les axes de communes à communes en lien avec l’échelle secteur. Mais la trajectoire est la bonne. De façon générale la métropole a aussi un rôle à jouer en ingénierie support auprès des communes et en catalyseur de bonnes pratiques, afin que tous les territoires se tirent vers le haut en matière de sensibilisation, de services aux cyclistes, de fléchages, de cartographies, d’aménagements routiers et de mobiliers urbains adaptés… pour qu’enfin nous ayons plus de vélos que de voitures devant les salles de sport, les boulangeries, les écoles : ces archétypes des déplacements de moins de 3 km qui représentent, de façon déraisonnable, la majorité des trajets en voiture.

D’autres points de convergence pourraient être relevés, parfois avec quelques bémols : sur l’intermodalité, malgré un traitement trop faible, de notre point de vue, des interconnexions vélos-TC ; sur l’abaissement général des vitesses, y compris dans les communes et les campagnes ; sur la logistique urbaine, sous réserve que les relais-colis ne soient pas des drive-bis, dimensionnés avant tout pour la voiture. À noter d’ailleurs que cette logistique urbaine plus simple, rationnalisée, écologique, peut être aussi un levier économique pour la VPC des produits issus des commerces et artisans rennais.

Bref, encore une fois nous ne renions pas ce PDU ni ce qu’il contient, qui va globalement dans le bon sens et témoigne d’une certaine ambition pour changer de braquet. Cela dit nous avons encore deux cailloux dans notre chaussure.

 

Une concertation insatisfaisante

Le premier ne concerne pas tant le fond que la méthodologie : mais fondamentalement nous ne partageons pas votre satisfaction quant à la concertation menée.

Je ne mets pas en cause ici le travail préparatoire avec les élus qui, comme je l’ai dit en introduction, a été conduit de façon consciencieuse, collective et approfondie.

Mais la concertation citoyenne est, de son côté, loin d’être exemplaire.

La garante, si elle prend acte des efforts en ce sens (nous les avions d’ailleurs demandés ardemment il y a exactement deux ans), l’écrit à mots feutrés dans son rapport :

Cette concertation aurait cependant pu être organisée plus tôt dans le processus de révision du PDU. La révision du PDU est en cours depuis 2013. Au début de la concertation le projet de projet existe déjà. Son objectif était de «recueillir les besoins et les attentes des habitants en termes de déplacements et de mobilité aujourd’hui et demain ». Cela semble être une préoccupation tardive pour un projet de PDU qui doit être arrêté dans un court délai.

Un peu plus loin :

A minima, le document du dossier sur les principes du projet de PDU aurait pu être largement distribué et mis à disposition lors des réunions publiques et à l’inverse des retours sur ces réunions publiques auraient pu être mis en ligne. Développer de façon ergonomique la partie électronique de la consultation aurait pu permettre de faire vivre la concertation et de l’ouvrir à plus de ceux qui n’ont pas été sollicités via les invitations (dont les rennais ?). Des outils existent pour le faire avec d’éventuels relais vers les réseaux sociaux. La désignation d’un garant plusieurs mois avant le début de la concertation aurait sans doute permis d’en construire une plus équilibrée et plus ouverte à tous.

La consultation fut donc trop tardive, hors sol car déconnectée du projet de PDU qui suivait une voie parallèle, avec de surcroit une impasse sur la ville centre pour les ateliers… n’en jetez plus ! Et encore n’a-t-elle pas pointé la curiosité méthodologique de réunions à 19h, qui commencent par un long film de 25 mn, et proposent naturellement aux participants d’enchainer, après une grosse heure d’échanges sans véritable dîner, sur des ateliers à presque 21h… dans ces conditions on ne s’étonne que la participation soit divisée par 4 entre débats et ateliers, alors que ces derniers sont sans doute la plus-value la plus notable de la démarche.

La conclusion de la garante est presque cruelle :

L’exercice était nouveau pour les élus et les services techniques de la collectivité.

Cet effet d’entonnoir entre le débat citoyen, puis les propositions concrètes en ateliers, puis leur traduction synthétique lors de la restitution finale, a été ressenti par les participants eux-mêmes. Dans ma commune plusieurs personnes impliquées dans les ateliers sont venues me voir spontanément pour témoigner de leurs doutes, après l’enthousiasme lié à la libération de la parole ; et de leur frustration au vu de la production finale : 3 diapositives plutôt tièdes, sans réelle prise en compte du foisonnement de leurs propositions – pas moins de 265 !

Honnêtement nous devons regarder la réalité en face : combien de fiches, dans le PDU qui nous est présenté, ont été véritablement infléchies suite à cette concertation citoyenne ? Y en a-t-il seulement eu ? Ou n’avons-nous utilisé cette concertation que pour légitimer des choix, des priorités déjà définies – en écartant au besoin les voix discordantes sous un argument d’expertise technique ?

C’est un vrai sujet d’actualité : un grand débat ne fera jamais une concertation si nous ne travaillons pas les mécanismes par lesquels l’autre expertise, celle des usagers au quotidien, influe réellement sur nos orientations.

 

Et le train  ?

Le deuxième caillou est plus un pavé, presque un ballast si j’ose dire.

Pour être bien clair il me faut revenir aux objectifs de parts modales affichés dans le PDU. Ils sont présentés comme ambitieux et ils le sont assurément pour le vélo, mais pour le reste ? Passer de 13% à 16% en global pour les TC, alors qu’on va doubler sur Rennes l’offre métro (43% du trafic du STAR pour la seule ligne A !), est-ce si révolutionnaire ? Grosso modo cela nous amènerait presque à conclure qu’aucun progrès significatif n’est attendu pour la part modale des TC hors Rennes.

Au passage on se demande comment ont été fixés ces objectifs : nous avons un peu l’impression qu’ils ont été construits comme des prévisionnels d’atterrissage… on liste ce qu’on prévoit de faire, on regarde ce que ça donnera comme résultat, on transforme ces prévisionnels en objectifs, et le tour est joué ! En plus on peut se prévaloir d’afficher des objectifs réalistes, forcément… Pour autant la logique politique voudrait plutôt qu’on commence par définir ces objectifs, par ex. en rapport avec notre PCAET, notre PPA, et qu’ensuite on y accorde les moyens nécessaires. Ici on fonctionne un peu à l’envers, avec en plus des différences d’approches qui permettent mal de juger de la cohérence de nos objectifs : pour mémoire le PCAET raisonnait en km parcourus par les véhicules à moteur, avec un objectif de baisse de 10% dont on ne sait pas à quoi il correspond dans le PDU.

Au demeurant cette approche par les kilomètres parcourus est sans doute plus riche que les seules parts modales, dans lesquelles on additionne des choux et des carottes, entre le trajet de 300 m à pied pour acheter son journal et celui de 20 km en voiture dont une demi-heure dans les bouchons. En nivelant ainsi les déplacements, on oublie où sont les vraies priorités de report.

Or pour nous, la priorité des priorités est claire à horizon 2030 : déclencher une vraie rupture modale pour les déplacements domicile – travail de 1ère et 2ème  couronne : en gros, de 10 à 30 km autour de Rennes, entre 7h et 9h puis retour entre 17h et 19h. Ces déplacements qui occasionnent la majeure partie de la congestion, sur la rocade et aux entrées de l’agglomération.

Pour ce faire, la réponse doit correspondre a minima à quelques critères simple : une fréquence tous les 15 mn max / de la place garantie / une rapidité supérieure ou égale à la voiture solo. Le BHNS pourra répondre à ces critères en deça des 10 km, mais au-delà il ne sera pas approprié car trop lent. Le covoiturage, même s’il entretient le paradigme discutable du tout-voiture, a également du potentiel ; mais c’est une illusion de faire croire qu’à lui seul il fera des miracles. Avec cette petite musique, en plus, qui en reporte la responsabilité sur l’usager : à lui de se prendre en main puisqu’avec nos applis et parkings prioritaires nous avons fait notre possible… notre conviction est clairement que ce ne sera pas suffisant, et qu’il faudra d’autres leviers pour atteindre nos objectifs.

Cela nous ramène à la question du train, qui est clairement le parent pauvre de ce PDU alors qu’il ressort fortement, encore et toujours, de la concertation. A ce jour, aucune grande agglomération occidentale n’a réussi à gérer ses problématiques de transport sans la brique ferroviaire. Et Rennes, avec la spécificité de la ville-archipel qui étend les distances, serait l’exception ?

 

Je reprends les données de l’étude TREM : jusqu’à 12% de part modale au ferroviaire sur les axes desservis, avec une croissance de +7,5% par an : aujourd’hui c’est clairement la pauvreté de la desserte qui est le facteur limitant, avec pas plus de 2 trains par heure en heure de pointe par ex. sur les axes Bruz ou Betton – et des trains bondés tous les matins, au point d’en être décourageants. Ce  n’est qu’en doublant le cadencement, en favorisant l’interconnexion des branches, en s’appuyant davantage sur les haltes (Pontchaillou, Atalante Champeaux, Poterie…) que nous pourrons continuer sur cette tendance de +7 ou 8% / an, qui correspond mathématiquement à un doublement sur 10 ans : soit une perspective crédible de 20% de part modale le long de cette étoile, où se trouvent plusieurs foyers de population importants hors cœur de Métropole. Là serait vraiment la rupture, et une réponse décisive au problème central des années 2020.

C’est d’autant plus frustrant que les fondations sont bonnes. Sur une architecture qui maille déjà le territoire de façon cohérente, les opportunités d’avancer sont nombreuses : bouclage du financement pour la remise à niveau de Rennes – Retiers, libération du fuseau Rennes-Vitré, potentiel dégagement sur Rennes-Messac avec la restructuration de la ligne Rennes-Nantes dans le cadre du pacte d’accessibilité… les planètes s’alignent, mais le PDU n’en tire pas parti. Tout juste maintenons-nous l’existant, quand la situation exigerait un acte fort, symbolique, structurant pour l’ensemble du territoire et capable d’entrainer à sa suite les partenaires SNCF et Région.

Nous le crions depuis 30 ans et cela reste, encore cette fois, un point d’achoppement ce soir. Nous déplorons fortement cette occasion manquée, qui vient ternir la qualité d’ensemble de ce PDU.