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À la une Conseil municipal Gaëlle Rougier

Pas de justice sociale sans prise en compte de l’écologie

[Conseil municipal du 3 décembre 2018]

Le mouvement des gilets jaunes résulte d’une triple crise, sociale, écologique et démocratique. Il est né d’une révolte contre l’injustice, pas d’un refus de l’écologie. Sans prise en compte de la question écologique, il ne peut pas y avoir de justice sociale.

 

 

Conseillère municipale

Co-présidente du groupe écologiste

Vice-président de Rennes Métropole en charge de la Jeunesse

 

Intervention de Gaëlle ROUGIER au nom des élu·e·s écologistes et citoyen·ne·s 

Ce qui se passe aujourd’hui dans notre pays est inédit et primordial. Cela résulte d’une triple crise sociale, écologique et démocratique. Le mouvement des gilets jaunes marque une rupture de confiance aujourd’hui entre des citoyens et le pouvoir politique. Pouvoir qui a consciencieusement scié la branche sur laquelle il est assis depuis des décennies avec des politiques libérales et productivistes avec la croissance présentée comme seul horizon. Monsieur Macron et d’autres avant lui ont surfé sur cette thématique de l’impuissance du politique et celle des corps intermédiaires dont les syndicats et les élu.e.s, toujours trop nombreux, trop bien nourris, thème populiste par excellence. Il n’est alors pas étonnant de voir cette colère s’exprimer dans la rue, en dehors de tout cadre habituel, nous renvoyer au visage cette soi-disant impuissance à améliorer le quotidien des gens et à entendre leurs attentes. Ajouter à cela l’attitude rigide et méprisante de messieurs Macron, Castaner, ou celle d’un François de Rugy, engoncé dans sa droiture toute bourgeoise, et qui nous explique que l’écologie ne peut pas être une réponse aux problèmes sociaux, eh bien tout cela ne peut que brouiller encore un peu plus le message gouvernemental et cristalliser la colère.

 

Les écologistes que nous sommes n’ont eu de cesse de rappeler que les questions environnementales et les questions sociales étaient liées.

Les plus pauvres sont déjà les plus touchés par la pollution et par la question climatique, notamment à cause de l’énergie, en particulier le coût du chauffage. Demain le changement climatique, parce qu’il va bouleverser notre agriculture, notre industrie, notre économie et nos modes de vie, aura des conséquences sociales majeures.

Prendre à bras le corps la question climatique aujourd’hui c’est avant tout une question de survie à court et à long terme.

Mais la transition écologique, si elle sert l’intérêt du plus grand nombre, ne peut se faire contre la majorité des citoyens. Elle doit être un projet de société partagé, elle doit être pour cela cohérente et juste. Le consentement à l’impôt ne peut se faire que si les français et françaises voient concrètement le retour, dans leur vie quotidienne, de cette contribution qui est à la base de notre système de solidarité nationale.

 

Comment comprendre l’intérêt d’une fiscalité écologique qui sert avant tout à compenser le CICE et donc à alimenter la politique de cadeaux aux entreprises ? Les gilets jaunes ne s’y trompent pas lorsqu’ils pointent que seuls 20 % de la fiscalité écologique va aujourd’hui à la transition.

Les gouvernements ces dernières années ont mené des politiques fiscales injustes, dont le symbole le plus emblématique est bien la suppression de l’ISF. Le mandat d’Emmanuel Macron aura marqué une accélération dans l’enchaînement des mesures antisociales, depuis la flat-taxe sur les dividendes des actionnaires, en passant par la baisse des APL, la désindexation des retraites et des prestations sociales ou la suppression des emplois aidés qui a été un vrai coup dur pour le milieu associatif et les petites communes. Sans parler de la loi asile et immigration qui est la plus scélérate que l’on ait connue ces dernières années.

 

Le ras-le-bol de nos concitoyens est légitime. Ce qui est frappant dans ce mouvement c’est aussi la présence, plus importante qu’à l’habitude des femmes. Et ce n’est pas étonnant car ce sont elles qui sont le plus concernées par le travail partiel subi et les salaires les plus faibles. Dans ce mouvement nous retrouvons la colère des travailleurs et travailleuses pauvres. Oui en France on peut travailler et ne pas réussir à boucler les fins de mois et cette situation est inacceptable.

 

Et c’est bien là qu’il ne faut pas se tromper d’ennemi : l’ennemi ce sont les bas salaires et des minimas sociaux indignes, des retraites trop modestes. Voilà les propositions que nous faisons : hausse du SMIC de 10%, hausse des minimas sociaux, rétablissement immédiat de l’ISF, un grand plan de rénovation énergétique des logements.

Et que dire en France des jeunes de moins de 25 ans qui n’ont droit à rien : pas de RSA, pas de ressources garanties ! Un bénéficiaire sur 2 des Restos du cœur a moins de 25 ans. À quand l’ouverture des minimas sociaux pour eux ?

 

Mais ce que pose aussi ce mouvement, c’est bien la question de l’aménagement du territoire.

À droite comme à gauche, les choix d’aménagements qui ont été faits ont concouru à rendre les Françaises et les Français dépendants de leurs voitures. Regardez la carte du réseau ferré dans les années 70 et comparez la avec celle en 2018. On a perdu les deux tiers du réseau. Les lignes secondaires ont été laissées à l’abandon puis fermées comme la ligne Morlaix-Roscoff dont la suspension a été annoncée.

La métropolisation qui concentre les richesses et une politique de casse des services publics ont contribué à reléguer des territoires ruraux mais aussi des quartiers populaires au cœur même des aires urbaines, en périphérie de nos politiques publiques de droit commun. Le sentiment d’abandon est fort dans ces territoires.

 

Le mouvement des gilets jaunes est né d’une révolte contre l’injustice, notamment fiscale, pas d’un refus de l’écologie.

Et pourtant les vieux réflexes sont toujours en embuscade. Les pressions sur le gouvernement sont grandes pour l’abandon de la taxe poids-lourds. Certains dans le mouvement des gilets jaunes souhaitent l’abandon de toute taxe sur le carburant.

Certaines personnalités politiques à droite mais aussi à gauche embrayent, qui pour une suppression de cette taxe pure et simple, qui pour un moratoire. Ségolène Royale explique qu’on ne peut pas faire d’impôt sur le dos de l’écologie. Évidemment, dit comme ça… mais cette déclaration est catastrophique car justement s’il est un enjeu aujourd’hui, c’est bien celui d’organiser la fiscalité, comme toutes les politiques publiques désormais, autour de la question de l’écologie et de la transition énergétique, au service de la population.

Il faut un plan ambitieux de taxation des énergies fossiles. Concernant le rattrapage de la fiscalité du diesel sur celui de l’essence, celui-ci doit être assorti de mesures d’accompagnements sur des critères sociaux et géographiques. Il faut taxer le carburant des riches, le kérosène, et le carburant de la mondialisation, le fioul lourd. La taxe d’aéroport doit être doublée et les recettes fléchées vers les infrastructures de transport collectif dont prioritairement le train.

Au moment où la prise de conscience sur la crise climatique n’a jamais été aussi forte partout dans le monde, il ne faut pas que le mouvement social d’aujourd’hui se traduise en France par un recul qui sonnerait la victoire des grands lobbys pétroliers.

Attention à ne pas retomber dans l’ornière qui est de dire que le social passe avant l’environnement. Ce n’est pas seulement la répartition des richesses qui compte mais aussi où, comment, dans quelle conditions et à quel prix sont produites ces richesses, (au prix de l’autonomie alimentaire, énergétique) et quelle utilité sociale de ces richesses, concourent-elles au bien-être de toutes et tous et toutes ? Si nous ne nous posons pas ces questions, nous faisons une concession décisive au capitalisme. Sans prise en compte de la question écologique, il ne peut pas y avoir de justice sociale, ni ici, ni ailleurs.

La politique de transition énergétique ne doit pas être laissée aux mains d’amateurs qui risquent de décrédibiliser le principe d’une fiscalité écologique qui est d’ores et déjà indispensable à financer ce changement de modèle.

La fiscalité écologique ne doit pas être un problème là où elle est une solution.

Entendre hier sur France Inter la secrétaire d’État à l’écologie expliquer que nous n’avons pas encore les solutions pour une transition écologique était plus que pénible. Si les solutions existent, il s’agit de les mettre en œuvre.

Nous voulons rappeler à nos concitoyen.e.s que l’écologie au pouvoir, la vraie, n’a jamais été expérimentée encore.

Et c’est pourtant là qu’est la solution pour demain.