Catégories
Conseil municipal Laurent Hamon Numérique – Innovation – Recherche

Le projet éducatif local devra rester vivant, évolutif et novateur

[Conseil municipal du 5 décembre 2016]

Le projet éducatif local a été présenté au conseil municipal. Ce document cadre, s’il acte d’ores et déjà le raccordement de toutes les écoles au réseau de fibre optique pour une meilleure appropriation du numérique, n’intègre pas suffisamment les questions de santé, de droits culturels et d’écocitoyenneté. Il devra rester évolutif.

Conseiller municipal

Délégué aux Usages du numérique

Intervention de Laurent HAMON au nom du groupe écologiste 

citationLe plan qui nous est présenté ce soir fait suite à une série de rencontres publiques passionnantes où de grands témoins de qualité ont nourri la réflexion et posé un regard souvent extérieur sur notre Projet Éducatif Local. Mais ce PEL est avant tout le résultat d’un long compagnonnage à Rennes autour des questions d’éducation, notamment avec les associations d’éducation populaire et également à l’ancrage ancien du dispositif de réussite éducative lié à la politique de la ville dans nos quartiers.

 

C’est cette ossature que l’on retrouve dans ce PEL qui aura permis à notre ville d’être très investie dans le réseau des villes éducatrices mais également de porter une ambition crédible et légitime en matière de lutte contre les inégalités scolaires, de soutien à la parentalité mais aussi de coéducation.

 

Mais la coéducation se compose et se recompose. L’introduction de ce PEL note bien que s’il nous donne le cap, il doit être remis sur le métier en permanence et rester « vivant, évolutif et novateur », car en matière d’éducation les pratiques doivent évoluer.

C’est pourquoi nous pouvons regretter qu’il n’y ait pas eu de phase diagnostic plus poussée sur l’ancien PEL, en tout cas, rien de transmis. L’évaluation doit être au cœur de notre démarche car l’innovation est aussi et surtout cette capacité à s’adapter à des réalités sociétales qui évoluent très vite.

Il nous faudra intégrer cette donnée dans nos pratiques éducatives dans le cadre du PEL. Une évaluation qui prenne aussi en compte l’expertise des usagers, parents et enfants.

Le crédo de notre politique jeunesse de ne pas faire seulement pour les jeunes mais bien avec eux et par eux doit également s’appliquer à notre politique éducative, afin de faire « communauté éducative ».

 

Mais la vie d’une communauté éducative n’est pas non plus un long fleuve tranquille, comme l’a démontré la réforme des rythmes éducatifs, dont le résultat reste contrasté. Le rapport du Sénat du printemps dernier a bien montré que la réforme ne créait pas d’inégalité tant que la mise en œuvre laissait de la souplesse aux écoles dans le choix des rythmes et horaires, afin de coller au mieux à la réalité des quartiers. Là encore, la position de la Ville de ne pas différencier les horaires, ou à la marge, d’une école à l’autre pose question et devra peut-être au fil de l’eau être réévaluée.

Quelle que soit l’analyse sur la mise en œuvre de cette réforme, il est sûr qu’elle nous a pourtant fait passer encore un palier dans notre rôle de ville éducatrice et elle aura représenté un investissement considérable tant d’un point de vue budgétaire, avec le recrutement de nombreux ASEM et l’élargissement de l’offre périscolaire, qu’en matière d’ingénierie et de coordination. Car derrière l’idée de continuité éducative, c’est une mécanique complexe qui est mise en œuvre et si l’articulation des temps scolaires et périscolaires sont parfois un casse-tête pour les parents, elle est une gageure aussi pour notre ville.

La continuité éducative est vraiment l’enjeu transversal qui doit nous animer.

 

Sur les axes plus thématiques, nous les partageons tous. Mais nous regrettons un peu que la santé, le croisement avec la politique d’accessibilité et les pédagogies adaptées au handicap, que l’accès à une pratique sportive également ne soient pas mieux valorisés.

Nous avons à Rennes des éducateurs sportifs municipaux, ce qui est une rareté française qu’il nous faut cultiver. L’offre sportive de nos CIS (Centres d’Initiation Sportive) et des associations, notamment le Cercle Paul Bert, et les valeurs qui y sont travaillées sont aussi un levier essentiel d’une politique de lutte contre les inégalités et de vivre ensemble, d’égalité filles-garçons, loin de la culture de compétition, viriliste et parfois nauséabonde que le sport spectacle véhicule.

Nous partageons les objectifs affichés d’éducation artistique et culturelle co-portés par la politique culturelle et dont nous avons déjà adopté un plan local.

 

Mais nous nous étonnons dans le PEL de l’absence d’objectifs clairs de sensibilisation des enfants à la diversité culturelle.

Parler de métissage culturel ne permet pas d’affirmer l’égale dignité des cultures et la reconnaissance des droits culturels des personnes.

L’enjeu pour lutter contre la relégation et l’exclusion d’enfants de culture minoritaire n’est pas qu’il puisse mélanger leur culture avec d’autres cultures, mais que leur culture soit reconnu et accepté par les autres comme participant à construire un vivre en intelligence

L’interculturalité est un second objectif tout aussi essentiel, mais il invite à la tolérance et à l’interconnaissance des personnes au travers de leur culture, et si elles le souhaitent, sans que cela soit une injonction, à créer des formes culturelles nouvelles en mêlant les cultures.

Quant à la lutte contre les inégalités éducatives et contre le décrochage scolaire, elle est une évidence. Nous saluons l’effort de notre Ville pour la scolarisation avant trois ans, tout comme l’extension du dispositif de médiateurs scolaires.

Nous pouvons regretter qu’en France, l’école, loin des aspirations affichées de notre République, soit une fabrique à inégalités. Cette réalité douloureuse ne doit pas être occultée et cela nous renvoie à la nécessité d’une réforme des pédagogies déployées à l’école.

Notre politique éducative, adossée à la politique de la ville, ne peut et ne doit pas être des sparadraps sur une jambe de bois. L’école si malmenée lors du mandat précédent, aura subi un rattrapage ces dernières années mais qui ne suffit pas.

À Rennes, les écoles prioritaires ne sont pas à la fête. Les effectifs par classes sont bien trop élevés et les enseignants sous pression. En dépit d’une politique de mixité sociale et de peuplement exemplaire, ces écoles concentrent un nombre d’élèves en difficulté, tant socialement que dans l’acquisition des compétences scolaires, liée souvent à des difficultés d’apprentissage du français. Lorsqu’une école concentre une majorité d’élèves qui ne parlent pas français à la maison, comme c’est déjà le cas dans certaines écoles du Blosne ou de Villejean, il se joue là quelque chose de primordial pour notre ville. Quand de plus nous accueillons de nombreux jeunes primo-arrivants, il nous faut faire de l’accès à la langue une priorité de notre offre éducative. Quant au lien avec l’accompagnement social et les dispositifs de cohésion sociale de type ASE, ils n’apparaissent pas dans le document. Là aussi, toute notre politique de santé qui s’inscrit dans notre politique d’acquisition des compétences scolaires prend tout son sens. Rennes est parmi les douze dernières villes en France à avoir, à travers une délégation de PMI, un service santé enfance, qui compte notamment psychologues, médecins et infirmières. L’accès aux soins physiques et psychologiques en milieu scolaire est une pierre angulaire de la politique de lutte contre les inégalités scolaires.

 

Difficile localement de travailler à la réussite de tous et à l’amélioration du climat scolaire dans un contexte global difficile. Nous ne pouvons jouer les pompiers lorsque nous ne maîtrisons pas l’incendie, comme à l’école Jean Moulin qui est symptomatique des difficultés qui se concentrent dans certaines écoles.

Les enjeux sont pourtant importants et conditionnent bien plus que la réussite scolaire, mais bien notre vivre ensemble. Les services de l’Éducation Nationale nous alertent depuis quelques temps sur le décrochage scolaire dans certaines écoles qui semble s’aggraver rapidement depuis le début de notre mandat. Il méritera un suivi et une attention particulière, notamment autour du décrochage cognitif et d’une forme de rupture ou de disjonction d’élèves, afin de leur redonner du sens.

 

Concernant le vivre ensemble, nous ne pouvons que réaffirmer qu’il est intimement lié à la lutte contre les inégalités et les discriminations. Jaurès disait que la République serait laïque si elle est sociale, et seulement si…

Car les principes et les valeurs transmis par l’école n’auront que plus d’impact si les enfants et les jeunes se sentent de véritables sujets de démocratie.

Plus que l’éducation à la civilité, à la connaissance souvent superficielle des institutions et des valeurs de la République, nous croyons à l’éducation à une citoyenneté active qui apprend le débat, l’échange d’idées et qui développe les compétences psychosociales, l’estime de soi, l’art de l’argumentation, qui construit la pensée et l’esprit critique.

C’est dans cet esprit que nous souhaiterions travailler à un budget participatif des écoles.

Ces dernières pourraient proposer de projets, avec les élèves et les parents, portés par les conseils d’école que la loi de 2013 d’ailleurs renforce dans son rôle de coéducation. Les multiples expériences montrent que mettre les enfants en mode projet développe la confiance en soi et les compétences sociales, qu’elle améliore le climat scolaire.

Enfin, l’écocitoyenneté, l’éducation aux enjeux climatiques et environnementaux est aussi un axe à creuser. Nous pouvons citer l’action d’associations comme le GRPAS qui mène, en lien avec les écoles et les parents, des actions d’écojardinage, de lutte contre le gaspillage alimentaire, d’éducation à une alimentation saine.

Cette démarche est tout à fait en phase avec notre Plan alimentaire durable, qui est aussi une véritable innovation du mandat pour l’instauration de 20 % de bio dans l’alimentation au terme du mandat.

 

Les nouveautés concrètes de ce PEL sont avant tout dans l’attention qu’il porte aux pratiques et usages au service de la lutte contre la fracture numérique.

Nous serons la première ville de France à connecter l’ensemble de ses 83 écoles et 17 crèches sur notre réseau public de fibre optique (FOR) permettant de monter en débit et d’améliorer les usages.

Mais l’intérêt de cet axe numérique est bien de poser les équipements au service des usages. L’ouverture d’un EduLab, qui permettra l’échange et le travail collaboratif entre acteurs éducatifs permettra d’infuser une culture du numérique au service d’usages innovants et pédagogiques. En lien avec la nécessité d’évaluation de nos politiques que j’évoquais plus haut, nous allons lancer des études scientifiques sur la e-éducation afin de mieux connaître les besoins des élèves, des enseignants, mais aussi des parents.

Il nous faudra aussi aller vers la culture du logiciel libre, innovation qui ne figure pas dans ce document mais à laquelle nos services, tout comme les acteurs de l’éducation nationale et de l’éducation populaire sont prêts. Enfin, la transition énergétique sur le numérique est un enjeu. Des actions concrètes vont être mises en œuvre, comme le remplacement des ordinateurs par de moins énergivores ; mais pour tout dire, nous avons déjà commencé.

 

Ce document, s’il pose le socle d’une ville éducatrice, n’est pas un document figé et devra être remis sur le métier en permanence. Pour rester « vivant, évolutif et novateur », le PEL devra savoir s’adapter à des réalités sociétales qui évoluent constamment.