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Benoît Careil Conseil métropolitain Culture – Langues de Bretagne – Tourisme

Une vraie politique culturelle pour Rennes Métropole

[Conseil métropolitain du 24 novembre 2016]

Le conseil métropolitain a adopté son nouveau projet culturel. Ambitieux, il doit être co-construit par les communes. Seul bémol : les droits culturels et le développement durable sont bien trop discrets.

Conseiller métropolitain

Adjoint à la Culture de la Ville de Rennes

Intervention de Benoît CAREIL au nom du groupe écologiste

citationCe nouveau projet culturel métropolitain était attendu avec impatience par les communes, les artistes et les acteurs culturels. La politique culturelle de la métropole était jusqu’à aujourd’hui assez illisible avec un ensemble d’interventions dont on cherchait la cohérence. Beaucoup se demandaient pourquoi lui et pas un autre, et nombre d’acteurs qui déployaient leur activité sur plusieurs communes de la métropole ou rayonnaient à l’international se voyaient refuser un soutien sans plus d’explication.

Nous nous réjouissons donc, Monsieur le Vice-président, de l’aboutissement de ce nouveau projet culturel métropolitain qui permet de lire avec plus de clarté les objectifs recherchés et les moyens que vous mettez en œuvre pour les réaliser.

 

Une démarche de co-construction

Vous proposez trois grands axes de travail : faire territoire, construire la destination métropolitaine et innover dans le soutien aux industries culturelles et créatives, et la création d’une instance de travail, de réflexion et de suivi réunissant les adjoints à la culture des communes.

Cette démarche de co-construction fait sens pour nous, la réalisation du nouveau projet culturel métropolitain ne peut qu’en être renforcée.

L’année 2017 sera l’année 0 de cette nouvelle politique culturelle. Certaines dispositions prises précédemment y trouveront facilement leur place,  mais nous devrons permettre le soutien de nouveaux acteurs et dispositifs qui répondent aux nouveaux axes de travail, tout cela dans la limite des moyens disponibles.

Le premier axe de travail « Faire territoire » est, pour nous écologistes, l’axe prioritaire d’une véritable politique culturelle métropolitaine.

Oui les métropolitains constituent une communauté humaine qui partage un certain nombre de références culturelles communes : un même environnement rural et urbain, une histoire commune d’un territoire en mutation depuis 50 ans, des expressions culturelles propres, traditionnelles et contemporaines, nourries des cultures gallèse et bretonne, de la créativité des nombreux artistes présents et de la diversité culturelle des personnes qui se sont installées sur le territoire au fil des migrations et des déplacements professionnels, familiaux, liés aux études ou par simple choix.

Oui les métropolitains doivent se construire une vie culturelle commune, où chacun se sente reconnu et intégré, quelle que soit ses références culturelles, ses moyens financiers et bien sûr sa commune mais aussi quel que soit son âge.

Notre métropole se distingue en effet par la jeunesse de sa population. La reconnaissance des pratiques culturelles et des aspirations des jeunes métropolitains et le soutien aux acteurs qui les accompagnent est pour nous primordial. Par ailleurs, quelques évènements métropolitains « labellisés » jeunesse commencent à compter et à rayonner bien au-delà de la Métropole. Ils méritent toute notre attention dans les années à venir.

Nous, élus des différentes communes de la Métropole, devrons faire territoire ensemble en favorisant les liens entre nos projets culturels et en partageant nos ressources artistiques et culturelles.

Les deux dispositifs « Résidences mutualisées » et « Scènes partagées » répondent parfaitement à cet objectif en soutenant d’une part le travail des artistes présents sur la métropole et en permettant leur participation à des actions de médiation et d’éducation artistique dans les communes impliquées.

 

Il faut plus de clarté sur les critères

Nous restons par contre sur notre faim concernant le partage des ressources artistiques et culturelles. Celles que vous nous présentez à titre d’exemple, jouent un rôle certain, mais on a du mal à comprendre quels critères vont permettre une sélection transparente des équipements et évènements soutenus, au regard de la quantité d’initiatives culturelles dépassant aujourd’hui les frontières communales, et quels critères vont permettre de définir le montant du soutien au regard du budget disponible.

Vous pourrez compter sur notre disponibilité, monsieur le Vice-président, au sein de l’instance de travail entre élus, pour réfléchir à ces critères qui guideront le choix des soutiens et leur renouvellement.

De même, cette instance de travail permettra de réfléchir ensemble aux moyens de mieux valoriser le statut de capitale de la Bretagne de la ville centre, ainsi que le foisonnement d’initiatives culturelles et artistiques de qualité qui fait la renommée de notre territoire, ceci, je reprends vos termes, pour faire destination.

Ce second axe de travail qui doit favoriser le tourisme dans la Métropole a son importance et justifie le soutien à certains évènements culturels. La stratégie développée par la SPL Destination Rennes autour de l’attractivité de l’expérience artistique et festive à vivre dans la métropole nous semble juste. Il serait pertinent de requestionner le choix des évènements soutenus jusque là avec cette approche nouvelle.

D’autres évènements de renommée nationale, apparus ces dernières années invitent tout autant à vivre cette expérience passionnante, artistique et festive. La capacité de nos acteurs culturels à produire de l’originalité, de la modernité et de l’exigence artistique est la force de ce territoire.

La Métropole doit soutenir le développement des évènements nouveaux quand ils arrivent à un certain niveau de maturité et de renommée.

Cela exigera soit des moyens nouveaux, soit un déploiement équilibré du budget disponible.

La création d’un chemin de grande randonnée métropolitain pour découvrir les richesses naturelles, patrimoniales, et vous ne les citez pas, mais il s’agit certainement d’un oubli, pour découvrir les œuvres artistiques nombreuses dans nos espaces publics, est une bonne idée. Le succès du Voyage à Nantes qui a initié cette proposition ne peut que nous encourager à reproduire ce parcours de découverte, simple et efficace, et répondant bien aux attentes de nombreux touristes et aussi d’habitants du territoire curieux de le redécouvrir.

Le dernier axe de travail est le soutien très attendu aux industries culturelles et créatives. Les structures de productions artistiques et culturelles sont en effet nombreuses dans la métropole et leurs conditions de développement n’y sont pas toujours favorisées.

Les labels musicaux, les structures de cinéma d’animation, de courts et longs métrages et de documentaires, les éditeurs de livres et de bandes dessinées, les éditeurs de jeux vidéo et de produits multimédias ont besoin d’un soutien pensé spécifiquement pour leur champ d’activités.

Les structures du numérique associées à la French Tech peuvent être des partenaires précieux du développement des industries culturelles, elles aideront ces dernières à développer des projets innovants et répondant aux nouveaux usages numériques dans la culture.

 

Prendre en compte les droits culturels

Pour conclure mon intervention, permettez-moi Monsieur le Vice-président d’exprimer au nom du groupe écologiste, deux déceptions à la lecture du projet culturel que vous nous proposez d’adopter.

Vous n’êtes pas sans connaître l’article 103 de la Loi NOtre du 7 août 2015, je vous le cite : « La responsabilité en matière culturelle est exercée conjointement par les collectivités territoriales et l’État dans le respect des droits culturels énoncés par la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 2005 »,  et l’article 3 de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, qui débute par ces mots : « L’État, à travers ses services centraux et déconcentrés, les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que leurs établissements publics définissent et mettent en œuvre, dans le respect des droits culturels énoncés par la même convention, une politique de service public construite en concertation avec les acteurs de la création artistique. »

Cette nouvelle responsabilité qui s’impose à notre Métropole comme à chacune de nos communes, doit se traduire concrètement dans nos politiques culturelles par des actions favorisant la participation active des personnes à la vie culturelle et la liberté d’expression artistique et garantissant à chacun la liberté de vivre son identité culturelle, comprise comme « l’ensemble des références culturelles par lesquelles une personne se définit, se constitue, communique et entend être reconnue dans sa dignité ».

Il est regrettable qu’aucune référence ne soit faite aux droits culturels dans votre projet. À l’instar de la Ville de Rennes qui s’est engagée à la suite des États généraux de la culture à respecter les droits culturels des personnes, nous espérons que la Métropole adhèrera à cette approche humaniste de la culture et reconnaîtra l’égale dignité des cultures.

 

Le développement durable : un enjeu « oublié » ?

Enfin, deuxième déception, l’absence de référence aux enjeux de développement durable dans l’activité artistique et la vie culturelle en général. Je sais qu’un travail transversal est en cours entre les services pour repenser l’action de la Métropole dans ce domaine.

Mais il nous aurait paru essentiel si l’on veut éviter le green washing culturel, d’affirmer clairement dans le projet culturel métropolitain, la volonté politique d’inciter les organisateurs d’évènements et les équipements culturels à des pratiques éco-responsables.

Pouvez-vous nous garantir Monsieur le Vice-président que les droits culturels et le développement durable trouveront leur place dans le projet que vous nous proposer d’adopter ? Et je vous redis notre disponibilité pour co-construire une politique culturelle sur la base de votre projet.