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Conseil municipal Gaëlle Rougier

Contre la pollution de l’air soyons pragmatiques

[Conseil municipal du 10 octobre 2016]

 

La pollution de l’air tue. Chaque année à Rennes une centaine de morts prématurées lui sont imputables. Améliorer la qualité de l’air est un enjeu majeur de santé publique. Il faut continuer à expérimenter pour mettre en œuvre des solutions efficaces.

 

Conseillère municipale

Co-présidente du groupe écologiste

Intervention de Gaëlle ROUGIER au nom du groupe écologiste 

 

citationPendant une année, Rennes et sa métropole ont connu une expérimentation inédite en France : la vitesse maximale autorisée a été abaissée sur l’ensemble de la rocade afin de mesurer les effets d’une réduction de la vitesse sur les émissions de polluants.Cette expérimentation a fait couler beaucoup d’encre. Elle a cristallisé le mécontentement de nombreux automobilistes, mobilisé le lobby des défenseurs de la voiture et a permis à force démagogues et conservateurs de faire haro sur les « écolos ».

Pourtant, au bout de cette année, les résultats sont bons quoiqu’inégaux. Au nord, où la vitesse est passée de 110 à 90 km/h, on observe une diminution des émissions de NO2 (dioxyde d’azote) de 30 à 40% en moyenne.

Sur la rocade sud, passée de 90 à 70 km/h le résultat n’est pas probant. L’incertitude des mesures, tant du point de vue de la pollution au NO2, que de la pollution sonore, nous invite au pragmatisme. Aussi Monsieur le Préfet a-t-il annoncé publiquement le maintien de la vitesse à 90km/h au nord et le retour de la vitesse initiale au sud.

In fine cette expérimentation aura permis de faire baisser la vitesse sur 40% de la rocade avec des résultats très encourageants.

Évidemment l’esprit chagrin ne retiendra que le verre à moitié vide. Chacun y va de son analyse, sans tenir compte des résultats objectifs de cette expérimentation. Il y avait ceux qui savaient – avant même de réaliser cette expérimentation – qu’elle ne servait à rien, il y avait ceux qui savaient qu’elle avait déjà été réalisée à Paris – ce qui est faux, pas sous cette forme, ni sur cette durée. Il y avait ceux aussi qui pensaient que cela allait tout changer.

Au-delà des a priori des uns et des espoirs déçus des autres, il faut remettre cette expérimentation à sa place : il ne s’agissait de mesurer qu’un seul polluant, et ce à deux points seulement sur l’ensemble de la rocade. C’est déjà très bien mais nous ne savons rien par exemple des effets de cette baisse de vitesse sur les particules fines ou sur le benzène, autres cancérogènes notables.

Voilà pourquoi les expérimentations et campagnes de mesures doivent se multiplier sur le territoire de Rennes Métropole et s’élargir à d’autres polluants. D’ailleurs certaines communes comme Cesson ou Saint-Jacques vont mener en partenariat avec Air Breizh des campagnes de mesures. Une autre étape va également être franchie avec l’actualisation de la modélisation de la zone d’impact de la pollution autour la rocade. Il va s’agir de connaître mieux quelles zones et donc quels habitants sont les plus touchés et quels impacts de l’urbanisme et des modes architecturaux sur la pollution. C’est un chantier de connaissance important qui s’ouvre là.

Seule l’expérimentation permet d’étoffer notre connaissance des phénomènes de pollution liés au trafic et de trouver des pistes d’action.

Car le pire en matière de pollution atmosphérique serait de ne rien faire. En la matière, les écologistes ne font preuve d’aucune idéologie mais justement de responsabilité et de pragmatisme.

D’ailleurs, à droite, comme à gauche, les élus se préoccupent de la qualité de l’air dans leur ville et mènent des expérimentations de ce type. Bordeaux a beaucoup fait pour réduire la place de la voiture en ville. Grenoble va expérimenter également la réduction de vitesse partielle sur sa rocade dans le consensus politique le plus total tant l’enjeu sanitaire et financier de la pollution de l’air est important.

De nombreuses études attestent désormais de la morbidité de la pollution atmosphérique. À forte ou faible concentration, elle tue et diminue l’espérance de vie. La pollution atmosphérique est responsable de 48 283 décès par an. À l’échelle de Rennes, cela représente une centaine de morts chaque année. À cause de cette pollution, un individu de 30 ans a désormais deux ans d’espérance de vie en moins. On sait maintenant qu’elle provoque de nombreuses maladies respiratoires et cardiovasculaires tel que les cancers, l’asthme, l’hypertension et augmente les risques d’AVC. Elle est aujourd’hui également mise en cause dans la survenue d’autres phénomènes tels que la baisse de la fertilité dans les aires urbaines, les naissances prématurées et le faible poids de naissance des bébés.

L’essentiel de l’impact sanitaire de la pollution en ville est dû à la pollution de fond et non aux pics de pollution.

C’est donc au quotidien, chaque jour de l’année, qu’il faut agir afin de faire baisser le niveau moyen d’expositions aux polluants.

Et la réduction de la vitesse sur voie rapide n’est qu’une mesure parmi tant d’autres nécessaires pour reconquérir un air de qualité. Le plan vélo rennais, les aménagements qui facilitent les modes de déplacements actifs en ville, la réduction de la place de la voiture, la nature et les espaces verts en ville.

Rennes a été élue capitale de biodiversité 2016. Ce prix vient récompenser l’action de notre Ville en matière de protection des espaces naturels. Elle atteste de la métamorphose écologique que notre ville est en passe de réaliser. Il nous faut nous appuyer sur cette dynamique afin aussi de reconquérir un air de qualité.

Nous savons également que la pollution affecte en premier lieu les populations les plus vulnérables qui n’ont pas les moyens de mettre en œuvre des stratégies d’évitement, comme celui de déménager, ou de partir en vacances respirer l’air du bord de mer. Il est indispensable de tenir compte de la question des inégalités sociales de santé dans la lutte contre la pollution de l’air.

C’est pourquoi nous nous devons de penser la politique de réduction des émissions avec, par et pour tous les habitants.

Ainsi Rennes lance en cette rentrée 2017 les Ambassad’air. Dans deux quartiers de la ville, les habitants vont mesurer par eux-mêmes les polluants, comprendre, s’informer et informer leurs voisins sur la qualité de l’air et proposer eux-mêmes des actions pour retrouver une ville qui respire.

Lutter contre la pollution de l’air est donc aussi une question de démocratie et de justice environnementale.

Enfin, à l’échelle de la ville comme de la métropole, des transports en commun efficients sont aussi indispensables à la lutte pour la qualité de l’air. À Rennes Métropole, les écologistes proposent depuis longtemps la mise en place d’un TREM, appuyé sur les infrastructures ferroviaires existantes, un véritable RER périurbain pour desservir seize communes et huit quartiers rennais déjà traversés par une voie ferrée. Il s’agit de favoriser un aménagement plus équilibré du territoire et un développement des activités économiques et des emplois moins centralisés sur les villes cœur de métropole.

Les mentalités doivent aussi changer. Et d’abord dans l’usage qui est fait de la voiture. Sur 100 véhicules en circulation sur la rocade rennaise, on ne compte que 102 personnes !

La réduction de vitesse seule ne peut régler le problème du trop grand nombre de voitures en circulation qui congestionne le trafic, aggravant la pollution et le stress des automobilistes. Le covoiturage doit devenir la règle. D’autant que la voiture devient un objet de luxe pour de plus en plus de Françaises et de Français qui peinent à en payer l’essence et l’entretien.

Tous ceux qui accusent les écologistes de dogmatisme et d’idéologie devraient regarder la réalité en face : la pollution est un enjeu de santé publique prépondérant et qui nécessite des mesures courageuses.

Nous faisons le pari que de plus en plus de Rennais-e-s mesurent cet enjeu et que ce qui mobilise tant les lobbys conservateurs aujourd’hui, deviendra une cause commune dans les années qui viennent.