Intervention de Gaëlle Rougier au nom du groupe écologiste
En ce mois de janvier, un an après les attentats de Charlie, deux mois après les attentats de Paris, nous avons encore du mal à tirer le bilan de cette année meurtrière. Ce furent bien sûr des symboles forts de notre vivre ensemble qui furent attaqués. C’est aussi et avant tout un drame humain et la douleur des familles. Mais ce que nous avons encore du mal à évaluer réellement, c’est l’ampleur de l’engrenage politique délétère dans lequel cette séquence nous a plongés brutalement.
Regardons un peu les choses en face : en matière de politique extérieure, faute de remise en question de nos interventions militaires au Moyen Orient et en Afrique depuis plusieurs décennies, faute de se donner les moyens d’un renseignement efficace, nous avons préféré la geste guerrière qui donne l’illusion d’un gouvernement qui agit efficacement.
Et faute d’être en capacité d’analyser le phénomène de radicalisation et d’y apporter des solutions construites, plutôt que de s’appuyer sur l’analyse à l’aide des chercheurs et spécialistes de ces questions qui sont nombreux dans notre pays, de capitaliser sur le savoir expert des enseignants et des professionnels de la jeunesse de nos territoires, la France s’engouffre dans la surenchère sécuritaire et xénophobe, à la remorque de la droite et du Front national.
Comment expliquer qu’un premier ministre en poste déclare qu’essayer de comprendre c’est déjà excuser ? Cela rappelle les propos d’un certains Nicolas Sarkozy s’épanchant sur l’inutilité des sciences sociales et des intellectuels en France.
Au delà du divorce qui s’opère actuellement à la tête de l’État avec la pensée intellectuelle de gauche, nous observons avec inquiétude une rupture sans précédent de la part de ce gouvernement avec les valeurs communes qui animent ce qu’on appelle « le peuple de gauche ».
Lorsque le Président de la République, François Hollande, a tranché en faveur d’une révision de la Constitution rendant possible la déchéance de la nationalité pour les binationaux nés français, il a commis une faute morale et politique.
En plus d’être purement symbolique et donc totalement inefficace, cette mesure est une remise en cause grave de l’un des fondements de notre République, le droit du sol. En créant deux catégories de Français, elle stigmatise une grande partie de nos concitoyens.
Quel message envoie-t-on aux 3,5 millions de binationaux sur notre territoire ? On leur dit, que quoi qu’ils fassent ils resteront des étrangers malgré tout.
Cette façon de tout ramener à la question des origines va à l’encontre même du projet républicain qui doit permettre justement de s’émanciper de ses origines, qu’elles soient sociales ou ethniques.
Nombreux avaient été les élus à s’opposer au discours honteux de Nicolas Sarkozy à Grenoble en juillet 2010, lorsqu’il proposait de « réévaluer les motifs pouvant donner lieu à la déchéance de la nationalité française », mesure jusqu’alors portée par l’extrême droite !
Que s’est-il donc passé depuis ?
La marche des beurs, les mouvements antiracistes des années 80, la lutte contre la lepénisation des esprits pour laquelle j’ai milité lorsque j’étais étudiante au sein du Manifeste contre le Front National et les Idées d’extrême droite, fondé par un certain Jean-Christophe Cambadélis à l’époque, tout cet héritage paraît perdu aujourd’hui.
Heureusement certaines voix continuent de s’élever à gauche pour rappeler le gouvernement aux fondamentaux qui doivent le guider dans son action.
D’aucuns nous diront qu’une majorité de Français est pour l’inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution. Et alors ? Est-ce le rôle d’un chef d’État que de gouverner les yeux rivés sur le baromètre de l’opinion ? Une opinion par ailleurs volatile et changeante, qu’on sollicite à chaud, au lendemain des attentats.
À cette barbarie, nous devons répondre par la solidarité. Nous avons ici, localement, une partie des réponses. Tout ce que nous mettons en œuvre à Rennes pour nos quartiers, pour les jeunes, que ce soit le plan emploi quartier, le PIA jeunesse, porte cette ambition de façonner un territoire bienveillant vis-à-vis des jeunes et des plus fragiles.
À cette barbarie, nous devons répondre par plus de citoyenneté. C’est aussi en faisant vivre la démocratie localement, selon un nouveau pacte démocratique, que nous œuvrons à combattre les replis de tous ordres.
Madame la Maire, lors de vos vœux à la presse vous évoquiez la Fabrique citoyenne et cette révolution profonde à l’œuvre aujourd’hui qui est que les politiques publiques ne peuvent plus être l’apanage exclusif des élu-e-s.
Nous partageons pleinement cette vision.
À cette barbarie, nous devons répondre par l’affirmation de la diversité. Le 17 décembre dernier, nous inaugurions, dans le cadre de la Fabrique citoyenne, le comité consultatif Rennes au pluriel, qui, avec les habitants, les associations, les citoyens engagés, a pour objectif de co-élaborer la politique de promotion de l’égalité et de lutte contre les discriminations liées à l’origine. Récemment encore, un comité consultatif laïcité a été lancé. Sa première mission est de faire un état des lieux de l’application du principe de laïcité et de rédiger une charte de la laïcité, véritable charte du vivre-ensemble. Rennes dispose ainsi d’instruments destinés à « prolonger l’esprit du 11 janvier », comme vous l’avez rappelé madame la maire.
Il y a une semaine, les journées portes ouvertes des centres culturels islamiques et mosquées rennaises ont connu un franc succès. Ceci nous rappelle que les habitants de Rennes sont curieux, ouverts, solidaires. Autant de valeurs qui doivent ici et ailleurs continuer à irriguer notre action.
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