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À la une Conseil municipal Gaëlle Rougier

Plan commerce : poussons un peu plus le développement durable

[Conseil municipal du 18 janvier 2016]

Invités à nous prononcer sur le plan d’action du commerce de centre-ville, nous avons insisté sur la nécessité de prendre en compte le développement durable de façon plus importante.

Conseillère municipale

Co-présidente du groupe écologiste

Intervention de Gaëlle Rougier au nom du groupe écologiste 

citationLe plan d’action Commerce Centre-ville de Rennes que nous sommes invités à approuver ce soir est un avancée structurante pour notre ville qui prend en compte les besoins et les demandes des acteurs dans le prolongement de la démarche “Fabrique citoyenne”. Commerçants, artisans mais aussi habitantes et habitants peuvent y retrouver le sens que la ville de Rennes veut donner au commerce : proximité, multiplicité de l’offre, confort d’accès.

Cependant nous aurions souhaité que ce plan soit plus innovant en matière de développement durable et que cette dimension soit le véritable fil rouge de ce document.

Nous serons particulièrement vigilants sur la question des déchets et du tri sélectif, notamment en ce qui concerne la restauration rapide et à emporter qui, rappelons-le, ne permettent toujours pas de trier les emballages et génèrent beaucoup de déchets. Au-delà de cette question, nous pourrions également engager une réflexion sur les consommations d’énergie : l’éclairage des locaux commerciaux – y compris la nuit et alors que la loi l’interdit désormais – tout comme les terrasses chauffées sur lesquelles il faudra engager un vrai débat avec les commerçants et sûrement, au sein de cette majorité. Il nous faut également aller vers plus d’économie circulaire, autour de la gestion des invendus sur les marchés par exemple.

De même, nous sommes régulièrement interpellés sur la publicité « sauvage » qui commence à prendre une proportion importante sur l’espace public. Nous souhaitons qu’une vigilance soit apportée sur ce point.

Si le développement durable est mentionné dans ce plan d’action, l’absence de politique sociale en revanche nous interpelle. Il y aurait notamment des passerelles à établir avec notre politique égalité femme/homme et notre politique de cohésion sociale, à travers les exigences portées notamment par le plan emploi quartiers en termes d’emploi des personnes qui en sont le plus éloignées.

Nous avons aussi particulièrement examiné le levier Mobilité et apprécions l’objectif affiché de « Faciliter la mobilité « Modes doux » dans l’objectif d’une expérience-client qualitative ». Cependant, comme vous pouvez l’imaginer, nous ne pouvons que déplorer la présence de l’opération « viens faire tes courses en voiture » grâce aux tickets de parkings offerts par le Carré Rennais.

Contrairement aux idées reçues, il n’y a pas de lien entre un accès des commerces en voiture facilité et la bonne santé des commerces. Un cycliste ou un piéton sont de plus grands consommateurs du commerce de proximité qu’un automobiliste.

Les villes qui ont su étendre leur plateau piétonnier ont vu le chiffre d’affaires des commerçants augmenter (Toulouse 24% de chiffre d’affaires en plus en six ans). L’utilisation de la voiture en centre-ville est désormais un anachronisme, la preuve en est que 30 % des places des parkings souterrains du centre-ville restent inoccupées. Avec le développement des transports urbains, le plan vélo, les jalonnements piétons avec temps de parcours, l’offre répétée de tickets de parking par le Carré Rennais nous paraît totalement incongrue. Lors d’un rendez-vous commercial, type Grande Braderie ou Fêtes de fin d’année, il nous semble bien plus constructif, par exemple, de proposer la gratuité des transports en commun. Et l’animation commerciale pourrait être nettement plus qualitative et innovante, écologique et culturelle, à l’instar de la Ville de Nantes qui invite ponctuellement des artistes à travailler sur les enseignes de magasins par exemple.

Quant à la logistique urbaine, la logistique du dernier kilomètre, elle est identifiée comme stratégique dans ce plan d’action et elle devra aussi être un enjeu fort du prochain PDU.

Nous avons de plus en plus de marchandises en ville et des flux de plus en plus contraints. Les centre-villes ne sont pas adaptés aux véhicules de livraison. Un travail, suivi pour la Ville par Sylviane Rault est d’ores et déjà en cours à l’échelle de Rennes Métropole et a identifié plusieurs pistes d’actions. Ainsi, la création de plusieurs emplacements de livraison de proximité (ELP) apparaît être une des solutions pouvant répondre aussi à l’exigence réglementaire du PPA. Aujourd’hui l’exemple des livraisons à vélo par Tout en vélo ou les Triporteurs rennais (capables aujourd’hui de livrer des produits frais, une première en France) nous montre qu’une solution écologique et durable est possible.

Alors que le e-commerce progresse chaque année de 13 % (7 000 livraisons et 3 000 enlèvements de colis par jour) et génère une augmentation des livraisons en centre-ville, il va nous falloir être innovants.

Par ailleurs, la volonté de renforcer la proposition commerciale par l’accueil d’enseignes nationales référentes nous laisse dubitatifs.

Si elle peut, peut-être, vitaliser les autres commerces situés à proximité, elle ne doit pas donner lieu à une prolifération d’enseignes dénaturant l’idée même de commerce de proximité. On sait que Starbuck, Burger King ou Nespresso vont bientôt s’implanter à Rennes. Dont acte, mais où se trouve l’identité rennaise ? Pourquoi dérouler le tapis rouge à ces enseignes, dont certaines ne payent d’ailleurs pas leurs impôts en France, alors que le petit commerce indépendant peine à se maintenir en ville ? Ne devrions-nous pas plutôt favoriser l’implantation de commerces locaux de proximité travaillant en circuits courts ou en vente directe ? La très prochaine rénovation du PLU pourrait ainsi être l’occasion de favoriser l’artisanat – y compris alimentaire – par l’identification de voies artisanales, contraignant ainsi les autorisations d’urbanisme.

Sur ce point de la diversification du commerce, nous en profitons pour alerter sur l’avenir du marché bio du mail François Mitterrand. Ce marché de producteurs locaux est un élément important de la diversification commerciale. C’est aussi un élément essentiel d’animation du mail. Les commerces ont alerté à plusieurs reprises la Ville de Rennes pour demander à être mieux mis en valeur. Par exemple, ce marché n’est pas éclairé le soir, ce qui ne facilite pas sa visibilité.

Pour donner une identité forte au commerce rennais, la ville doit s’engager plus fortement. En plus de la préemption, qui est déjà un outil à notre disposition, la création d’un fonds d’intervention pourrait aussi être envisagée. L’exemple de la Semaest, société d’économie mixte de la Ville de Paris, dont la mission est l’animation économique des quartiers et qui aménage, construit et rénove, diversifie le commerce de proximité, peut être une piste pour la ville de Rennes.

Enfin, si ce plan d’action ne concerne que le centre-ville, nous estimons que c’est à l’échelle de la ville et de la métropole qu’il faut travailler cette question.

L’offre commerciale en centre-ville ne doit pas occulter celle des quartiers périphériques. Si le centre-ville se porte somme toute assez bien du point de vue commercial, les quartiers périphériques, eux, sont nettement moins dotés. Les petits centres commerciaux de quartiers souffrent de leur peu d’attractivité et du manque d’offres de service. Et pourtant, ces commerces ont pour raison d’être de répondre à ce besoin de proximité des habitantes et habitants qui nous préoccupe tous. On notera d’ailleurs avec étonnement que les nouveaux quartiers ne sont pas mieux dotés : il n’y a par exemple aucun commerce à la Courrouze ! Quant à ceux qui existent dans le quartier de Beauregard, les loyers en sont exorbitants (celui du bar-restaurant aurait doublé en dix ans). Il faut équilibrer l’offre entre le centre-ville et la périphérie. Dans cette optique, un plan d’action du commerce à l’échelle de la ville pourrait nous apporter une vision plus globale et résorber les inégalités en termes d’accès aux commerces de proximité.

À l’échelle de la métropole, il nous faut aussi prendre en compte les interactions entre les grands centres commerciaux suburbains et nos commerces de proximité.

Nous ne pouvons plus faire les beaux jours de la grande distribution et nous exonérer des conséquences. Nous sommes par exemple farouchement opposés à des projets de type Rive Ouest à Pacé qui sont une erreur au plan écologique et qui concurrencent directement le commerce de proximité rennais.

Enfin, nous ne pouvons pas ne pas revenir sur le travail dominical qui tend à s’étendre. Il nous faudrait tirer le bilan du dernier dimanche ouvré mais il est probable qu’il ait principalement servi les grands centres commerciaux et les grandes enseignes plutôt que les petits commerces, dont nombre d’ailleurs étaient restés fermés, n’y voyant peut-être pas l’intérêt.

Ce plan d’action, sans être exhaustif, va dans le bon sens. Il peut être un levier d’action important, élargi à nos quartiers où il nous faut inviter les commerçants à s’en saisir. Gageons qu’il soit l’occasion d’engager des chantiers qui poussent le commerce rennais vers une meilleure prise en compte de l’environnement et permette de valoriser et développer encore les artisans et producteurs locaux et les circuits courts.