Conseiller métropolitain
Président du groupe écologiste de Rennes Métropole |
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Intervention de Morvan LE GENTIL au nom du groupe écologiste
Nous revenons donc à tête reposée sur la question des travailleurs détachés, et des outils à mettre en place pour accompagner au mieux cette réalité dans les grands chantiers du BTP, notamment ceux de la commande publique.
Avant d’exposer plus en détail les raisons de notre soutien au vœu présenté par le Président, je voudrais revenir un instant, à tête reposée ai-je dit, sur l’échange vif qui a émaillé notre dernière assemblée.
Ces tensions ont été polarisées par un spectre, dirons-nous, celui des références d’extrême-droite qui empoisonnent depuis des décennies nos espaces médiatiques, de pensée et de débat. Si l’on regarde simplement les 30 dernières années, on s’aperçoit d’ailleurs que la période pourrait être divisée en 2, avec une césure quasi-parfaite au 21 avril 2002 – triste anniversaire marqué tristement lors de notre dernier conseil :
Avant 2002, idéalisons un peu, c’est un rejet fort, unanime qui prédomine, un front républicain qui condamne fermement les dérapages, mais également les sous-entendus et les compromis.
Depuis 2002 nous assistons au contraire à l’émergence d’un certain flou, entretenu par deux dynamiques parallèles : d’un côté on a vu apparaitre, au sein des partis républicains, des expressions soi-disant « décomplexées », illustrées encore récemment dans le débat sur la déchéance de nationalité. De l’autre l’extrême-droite s’est achetée des habits respectables, en bannissant soigneusement, au moins dans la sphère publique, ses rhétoriques les plus radicales au profit d’une séduction populiste. Et au milieu de tout cela, des initiatives ambigües, biaisées, masquées désormais derrière des enjeux louables, tellement plus difficile à contrer : la défense du patrimoine pour interdire les antennes paraboliques, l’égalité des enfants pour justifier l’absence de menus sans porc à la cantine… les exemples n’ont pas manqué ces dernières années, de ces initiatives qui portent dans leur sillage, malignement, l’écho d’une discrimination ou d’un rejet. Un rejet qui gagne d’autant plus en force, qu’il n’est pas explicite.
Nous sommes certainement une grande majorité ici à déplorer ce brouillage des lignes, mais que nous le voulions ou non, nous nous inscrivons dans ce contexte. Il n’est pas possible d’ignorer, qu’en ouvrant la boîte de Pandore de la discrimination linguistique, même pour toutes les bonnes raisons du monde, on va agréger derrière soi des interprétations, des motivations qui pour certaines n’ont rien d’honorables. Je suis d’ailleurs intimement persuadé qu’il y a 20 ans une telle proposition aurait soulevé une bronca… difficile de ne pas y voir un affaiblissement de nos défenses immunitaires, et ce constat est douloureux. La « clause Molière », car c’est bien de cela qu’il s’agit, proposé par le député Vincent You (proche de Christine Boutin) et qui vise à rendre obligatoire la langue française sur les chantiers pour des raisons de sécurité, participe de ces initiatives ambigües dont je parlais précédemment. Elle est pour nous inacceptable.
Encore une fois, les élu-e-s écologistes ne nient en aucune manière le problème posé par le travail détaché illégal sur notre métropole. Mais y répondre par une discrimination, pareillement illégale, n’aurait pas de sens.
En elles-mêmes les difficultés de maitrise de la langue ne sont pas hors la loi, elles sont un appel à accompagnement. Elles ne sont pas liées d’ailleurs au travail détaché : avec un taux d’illettrisme de 7% dans la population française, un nombre conséquent de nos concitoyens éprouvent eux aussi des difficultés dans ce domaine. Et le travail a toujours été un vecteur d’intégration, y compris culturel et linguistique : toute l’histoire du BTP en témoigne. Dans cet esprit nous aurions aimé que le vœu proposé par le Président fasse la part encore plus belle aux initiatives d’accompagnement et de formation des salariés, notamment dans le domaine du Français Langue Etrangère : c’est ainsi que nous pourrons, réellement, sortir de l’ornière par le haut, dans une logique d’inclusion et non de discrimination.
Pour le reste nous nous retrouvons globalement dans ce vœu présidentiel :
Il nous parait en effet essentiel de sanctuariser le code du travail comme socle de protection des travailleurs et de l’emploi.
Dans le contexte que nous connaissons, c’est pour nous la pierre d’angle de notre contrat social économique, et nous soutenons les initiatives qui visent à le défendre.
Nous partageons également l’idée que la commande publique a un rôle primordial à jouer pour impulser, montrer l’exemple quant au respect des normes.
A fortiori dans une métropole comme la nôtre, engagée dans un très fort cycle d’investissement public : nous devons nous doter de tous les outils nécessaires pour encourager les spirales vertueuses au sein des entreprises à qui nous confions nos marchés. Avec une attention toute particulière aux conditions de travail et à la sécurité des salariés, quels qu’ils soient.
A ce titre nous redisons que les critères de RSE, la Responsabilité Sociale de l’Entreprise, sont une bonne approche pour amener nos prestataires et leurs sous-traitants à faire évoluer leurs pratiques.
En interne, cela nous permet aussi de passer d’une culture systématique du « moins disant », qui favorise les pratiques douteuses, à une logique de « mieux-disant », appuyée sur des critères qualitatifs. Cela remet du sens, de l’intérêt général dans nos choix de marchés publics, et cela reconnecte les entreprises à nos territoires.
Enfin ce vœu redit bien notre attachement au projet européen : Il ne faut pas se tromper, le déséquilibre actuel autour des travailleurs détachés ne vient pas de « trop d’Europe » mais de « pas assez d’Europe » : c’est parce que les Etats européens n’ont pas su avancer assez vite sur la voie de l’harmonisation fiscale et sociale, que de telles ruptures de concurrence sont aujourd’hui possibles. De par son poids et ses connexions nationales, une métropole comme la nôtre doit aussi pousser en ce sens, afin de tarir le plus possible à la source le dumping social. |