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À la une Commande publique – Finances Conseil métropolitain Morvan Le Gentil

De sombres perspectives budgétaires pour les collectivités locales en 2025

Conseil métropolitain du 14 Novembre 2024 – Intervention portée par Morvan LE GENTIL au nom des élu·e·s écologistes et citoyen·ne·s sur la délibération n°26 : Finances – Budget 2024 – Décision modificative n° 1

Cette décision modificative introduit une nouvelle réduction des recettes prévisionnelles 2024 liées à la TVA transférée par l’Etat, faisant perdre à la collectivité 4 millions d’euros, après une première réduction en Juin d’environ 5 millions. Elle peut être considérée comme un nouveau coup de semonce de l’Etat,  anticipant les graves restrictions à venir.

A quelques jours du Congrès des maires, et en plein examen parlementaire du projet de loi de finance, nous voulons alerter à nouveau sur les orientations extrêmement préoccupantes du budget de l’Etat pour l’année à venir.

Au-delà des coupes massives annoncées dans des budgets structurants pour la transition écologique et sociale de notre pays, les idées ne manquent pas lorsqu’il s’agit de faire payer à l’échelon local la gestion désastreuse des finances publiques du Président Macron (mise en réserve d’une partie du budget des 450 plus grosses collectivités, gel de la TVA ou encore baisse du fonds de compensation pour la TVA). Au total 5 milliards d’euros seraient ponctionnés sur les budgets des collectivités pour les contraindre à participer au redressement des comptes publics. (Certaines sources estiment même que ce sera sûrement davantage, en intégrant les effets indirects, induits ou encore de non-compensation de l’inflation.)

Pourtant, il faut rappeler que les déficits sont essentiellement générés par les politiques étatiques. Contrairement à l’Etat, les collectivités doivent voter des budgets à l’équilibre et ne peuvent emprunter que pour financer leurs investissements, qui sont au service des besoins des habitants. Il est tout à fait inacceptable de demander aux collectivités de compenser le déficit à hauteur de 15 %, alors même qu’elles représentent seulement 9% de la dette nationale et que leur dette est stable depuis 30 ans. Ce n’est ni juste ni soutenable.

En tant qu’élu.e.s locaux, écologistes et citoyens, nous dénonçons régulièrement les défaillances de l’État sur des sujets aussi importants que la sécurité, l’éducation, l’hébergement d’urgence, le handicap ou encore la politique sociale et environnementale. Nous devons d’ailleurs souvent pallier ces lacunes via nos budgets et services publics.

Parallèlement, l’Etat s’approprie une part croissante des impôts locaux sans les compenser pleinement, tout en sous-traitant toujours plus de missions aux collectivités.

(Ces récentes annonces budgétaires s’inscrivent dans un contexte général déjà marqué par une grande défiance entre l’Etat et les collectivités locales. A la rentrée, Bruno Le Maire avait accusé les collectivités d’avoir dégradé le déficit public à hauteur de 16 milliards d’euros. La Cour des comptes avait également suggéré d’y supprimer 100 000 emplois.)

Avant la phase de négociation finale sur le Plan de Loi de Finance 2025, nous voulons alerter sur les conséquences directes, concrètes et inédites que ces coupes drastiques auraient pour notre territoire métropolitain dès l’année prochaine. Au cas où ces sombres perspectives viendraient à se confirmer, devrons-nous alors rendre des arbitrages budgétaires impossibles ?

Alors que nous faisons face à une crise de l’habitat, que le marché immobilier est en berne et que le secteur de la construction rencontre de sérieuses difficultés, devra-t-on mettre un coup d’arrêt à la production et la rénovation de logements?

Alors que les entreprises ont besoin d’aide dans leur transition écologique, devrons-nous arrêter nos aides économiques ?

Ou alors devrons-nous couper dans le budget des équipements culturels métropolitains ?

Au moment où les effets de la crise climatique sont de plus en plus prégnants, comme en témoignent les récentes inondations meurtrières en Espagne, en France ou encore au Sénégal, devrons-nous réduire nos investissements pour l’adaptation climatique de nos communes ?

(Au moment où nos services s’investissent pour mettre en œuvre l’obligation légale de l’annexe verte, le désengagement financier de l’Etat qui impactera notre capacité à investir pour la transition écologique n’en est que plus incohérent.)

La crise du covid, l’inflation et la hausse du coût de l’énergie ont mis en évidence la réactivité et les capacités d’adaptation des collectivités locales, saluées notamment par l’Etat. C’est pourquoi nous avons besoin que l’Etat nous fasse enfin confiance et nous donne les moyens d’agir.

D’autres solutions existent pour rééquilibrer les comptes publics. Nous regrettons que les nouveaux impôts allant dans le sens de la justice fiscale proposés par les députés du Nouveau Front Populaire et adoptés par l’Assemblée nationale aient été balayés par un vote contre mardi dernier, sur la partie recettes du budget.

En prenant acte des suppressions ces dernières années de la taxe professionnelle, de la taxe d’habitation et de la CVAE, le Rapport de la Cour des Comptes de 2023 pointait un mode de financement du secteur public local “de plus en plus inadapté” et “déconnecté des contribuables locaux”. De façon structurelle, nous continuons d’appeler à une refonte du système de financement des collectivités locales vers plus de justice sociale et d’autonomie financière. Les propositions ne manquent pas : part locale de l’impôt sur le revenu, rétablissement de la CVAE ou encore déplafonnement du versement mobilité.

Afin de désamorcer la contestation des élu.e.s locaux, la Ministre des collectivités, Vautrin, n’a pas fermé la porte à une “contribution citoyenne au service public”, proposée par l’Association des Maires de France pour responsabiliser les habitants sur l’importance du coût des services publics locaux. La Ministre a même évoqué l’ouverture début 2025 d’un débat sur le financement des collectivités locales. Une piste qui fait briller une faible lueur d’espoir au bout du tunnel austéritaire à venir.

Seul le prononcé fait foi