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À la une Biodiversité – Climat – Animal dans la ville Conseil métropolitain Didier Chapellon

Protégeons la biodiversité et la qualité de l’eau à la source

Conseil métropolitain du 1 février 2024 · Intervention portée par Didier Chapellon au nom des élu·e·s écologistes et citoyen·ne·s sur la délibération n°3: Protection et mise en valeur de l’environnement – Trajectoires et objectifs de la Stratégie métropolitaine Biodiversité et Eau – Approbation

Nous voterons cette Stratégie métropolitaine Biodiversité et Eau, qui vient en partie concrétiser nos ambitions politiques sur ces sujets. 

Biodiversité, un mot qui peut encore sembler abstrait pour le grand public. Elle nous rend pourtant bien des services : maillon indispensable de nos cultures via la pollinisation, filtre précieux des polluants pour notre eau potable, régulatrice des maladies transmissibles entre mammifères, climatiseur lors des canicules. Tous ces services écosystémiques sont avérés, mais nous aurions tort de nous borner à une vision utilitariste. Car quand bien même les autres espèces ne nous rendraient aucun de ces services, elles n’en seraient pas moins légitimes à cohabiter avec la nôtre. 

Malheureusement, la cohabitation n’est pas harmonieuse. Nous portons atteinte tous les jours aux espèces qui nous entourent et à leur milieu de vie. Aucune masse d’eau sur le territoire métropolitain n’est en bon état écologique. Un quart des espèces recensées en Bretagne sont menacées d’extinction. Nos zones humides et notre bocage se sont particulièrement atrophiés entre les années 60 et le début des années 2010. La liste de nos inconséquences est longue.

Il y a donc urgence à prendre des mesures fortes pour endiguer la destruction de nos écosystèmes. Plusieurs de ces mesures se retrouvent dans la stratégie que nous voterons ce soir. 

Il s’agit notamment de l’intégration dans nos documents de planification, des impératifs de sobriété foncière. C’est aussi le réhaussement de nos ambitions sur la désimperméabilisation des sols, pour permettre aux eaux pluviales de mieux s’infiltrer, et ainsi restaurer le bon fonctionnement du cycle de l’eau. C’est le déploiement de solutions d’adaptation fondées sur la nature : reméandrage des cours d’eau, plan Canopée, recréation de mares, bénéfiques à la fois pour la biodiversité, et pour contrer les effets du dérèglement climatique. C’est l’inscription de l’objectif de réduction de 20% de la consommation d’eau par usager, en cohérence avec l’objectif national du Plan eau, qui doit également se décliner au niveau de la CEBR. 

Si globalement le volet “restauration” des écosystèmes est le plus abouti, nous voulons formuler des alertes sur le volet évitement. Éviter, c’est pourtant le premier pilier de la stratégie ERC, réaffirmée à plusieurs reprises dans le document, et dans cet ordre précis de priorité : d’abord éviter, puis réduire, et enfin, si tous les leviers précédents ont été épuisés, compenser.

Nous savons par exemple que nous avons un impératif absolu de protection des zones humides, à la fois réservoirs de biodiversité, critiques pour le bon fonctionnement du cycle de l’eau, et puissant instrument naturel de lutte contre le dérèglement climatique. La stratégie propose désormais une compensation obligatoire à 200% dans le cadre d’un projet qui viendrait impacter une zone humide, et ce dès le premier m2 impacté. C’est bien sûr un progrès, mais l’autre option qui avait été évoquée, c’est à dire sanctuariser totalement ces zones humides en créant des zones d’évitement dans nos documents de planification territoriale, nous aurait semblé encore plus efficace.

Un exemple similaire est celui de la plantation de haies, menée notamment par l’EPTB (Etablissement Public de Bassin) Eaux et Vilaine. Planter des haies, c’est très bien, et nous saluons et soutenons évidemment  cette démarche ; mais n’est-il pas tout aussi vertueux et moins coûteux, en premier lieu, d’éviter de les arracher ? Les zones humides font l’objet d’un inventaire en cours d’actualisation, mais pour les haies les chiffres consolidés sont difficiles à trouver. Il y a de fortes chances que la replantation ne vienne à peine compenser les kilomètres de haies arrachées à mesure que les parcelles agricoles s’étendent et fusionnent. Les chiffres de l’audiar sur la hausse continue des surfaces des exploitations sont sur ce point éloquents.

Un dernier point, qui résonnera certainement avec l’actualité, est celui de la pollution des eaux de surface. La stratégie relève que ces pollutions sont parmi les atteintes les plus fortes aux milieux. Pourtant, sur le volet évitement, peu d’actions viennent y remédier, notamment dans le domaine agricole. La Métropole a adopté récemment un Plan alimentaire de territoire qui fixe l’objectif ambitieux de territoire zéro phyto à horizon 2030. Mais concrètement, avec quels moyens ? Nous aurions besoin d’une législation cohérente sur laquelle nous appuyer, et des aides européennes et nationales qui conduisent à un véritable changement de modèle. Or, c’est loin d’être le cas aujourd’hui. Avec les annonces du Premier Ministre sur la mise en pause d’Ecophyto et le recul sur la jachère, le gouvernement renonce à protéger la santé des citoyen.nes et des agriculteurs, et sacrifie la biodiversité sur l’autel du productivisme. Refonte de la PAC pour sortir enfin des aides à l’hectare et financer la transition écologique de l’agriculture ; encadrement strict des marges des intermédiaires pour un meilleur partage de la valeur ; sortie des accords actuels de libre-échange pour des accords plus équilibrés et sans concurrence déloyale : voilà ce que le Premier Ministre aurait dû annoncer cet après-midi, pour envoyer des signaux clairs pour le futur de la profession. La transition agro-écologique est une condition indispensable pour garantir un avenir à l’agriculture et des revenus décents aux agriculteurs. Les acteurs publics doivent l’accompagner.

De façon plus générale, cette question des moyens, à la fois humain et financier, se pose pour l’ensemble de cette stratégie. Nous aurons besoin de moyens RH dédiés, en interne et en transversalité, pour accompagner nos services dans la prise en compte de ces enjeux. Par exemple, en nous dotant enfin d’un ou une écologue. Nous devrons aussi prioriser davantage de moyens financiers pour amplifier notre maîtrise foncière, outil majeur pour préserver des écosystèmes et s’assurer de leur gestion durable, via la signature de baux environnementaux avec les agriculteurs par exemple. Il nous faudra enfin trouver des leviers pour mieux contrôler et abaisser les consommations d’eau des grands consommateurs, notamment les process industriels. L’effort de sobriété sur cette ressource s’applique à tous et pas uniquement aux ménages. Nous pourrions aussi éco-conditionner nos subventions économiques aux entreprises en fonction de leur gestion de la ressource hydrique.

Même si nous avons par essence moins de prise sur lui, l’espace privé ne doit pas être le trou dans la raquette de nos politiques publiques. Une grande partie de la canopée métropolitaine se trouve sur le domaine privé. Il en va de même pour la majorité des écosystèmes. Nous devons donc sensibiliser, accompagner mais aussi réglementer et contrôler, pour prévenir les usages abusifs. Par exemple, la question de l’utilisation de la ressource en eau pour alimenter les piscines privées doit être posée, dans la modification ou révision du Plan local d’urbanisme intercommunal. 

On le voit, la biodiversité et l’eau sont des sujets à la fois complexes et transverses, qui touchent à tous les compartiments de nos vies. Les futures concertations pour le PLUI et le Plan climat sont autant d’occasions de partager ces enjeux avec les habitants. En amont des décisions, nous pourrons aussi nous appuyer sur l’expertise des acteurs associatifs très mobilisés autour de la biodiversité, notamment dans le cadre du Conseil métropolitain pour la biodiversité et l’eau. Car nous avons besoin d’eux à la fois pour enrichir nos politiques publiques mais aussi nous alerter sur les conséquences potentiellement néfastes sur l’environnement de tel ou tel projet.

Nous avons beaucoup parlé de contraintes, mais n’oublions pas que toutes ces mesures ne visent qu’une chose : conserver un habitat commun vivable, agréable et sain, pour notre santé et celle des écosystèmes qui nous entourent. Elles peuvent aussi être ludiques, joyeuses, porteuses d’enthousiasme. Ainsi, nous pourrions nous fixer comme objectif réaliste de pouvoir dans quelques années redécouvrir la joie de se baigner l’été dans la Vilaine en plein cœur de Rennes, dans la Flume à Vezin ou dans le ruisseau du Blosne à Chantepie. Ce serait à la fois un bon indicateur de santé écologique du territoire, et une amélioration concrète du cadre de vie des métropolitaines et métropolitains.

Je vous remercie.

Seul le prononcé fait foi