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École en souffrance : le gouvernement doit agir !

Conseil municipal du lundi 15 mai 2023 – Intervention de politique générale portée par Gaëlle Rougier au nom des élu·e·s écologistes et citoyen·ne·s

Ces dernières semaines plusieurs annonces concernant l’éducation ont été faites par la voix du ministre de l’éducation ou du président lui-même. Pourtant, jamais le hiatus entre les besoins et les attentes de ce service public en grande souffrance et les réponses apportées n’aura été si grand.

Car on ne sait plus quels mots employer pour exprimer le mal-être de l’école publique aujourd’hui. Concours après concours, les chiffres du nombre d’admissibles dans certaines académies sont de plus en plus alarmants. Tout comme ceux des démissions.

Serait-on alors confronté à une crise de vocation soudaine des enseignants qui auraient perdu le sens de leur mission ? 

Lorsque l’on compare les données sur les conditions d’enseignement entre les pays de l’UE, voire de l’OCDE, les chiffres parlent d’eux-mêmes : c’est en France que le nombre d’heures de travail, notamment en présence des élèves, est le plus élevé, tout comme le nombre d’enfants par classe et par professeur. Les dédoublements, pour les niveaux concernés, auront contribué à ramener les chiffres à une forme de moyenne européenne. La France est aussi quasiment le seul pays qui accueille à l’école les enfants avant 3 ans. Cette mesure fait sens dans un pays où les inégalités scolaires liées au milieu social des familles sont les plus élevées, mais cela a un impact extrêmement important sur la réalité du travail des enseignants, qui, rappelons-le, ne sont pas des professionnels de la petite enfance.

Il aura donc fallu, pour en arriver là, une longue et silencieuse dégradation des conditions de travail des enseignants, dont la pandémie de Covid n’aura été qu’un accélérateur.

À la baisse de leur niveau de vie, liée à une rémunération également parmi les plus basses en Europe et à la dégradation des conditions de travail liée à une grave crise sociale, les enseignants n’auront trouvé ces dernières années auprès du ministre Blanquer que peu de soutien au travers d’une pratique ministérielle très autoritaire doublée d’une vision très étroite des missions de l’école, qui auront creusé un peu plus un sentiment de découragement profond que je constate quasi quotidiennement sur le terrain.

Ici c’est ce directeur qui passe son temps à faire des signalements au procureur, à gérer les appels au Cemo, à l’ASE, à l’APASE pour ses élèves. Là, ce sont ces enseignants démunis face à l’accueil d’enfants en situation de grand handicap qui, faute des places en IME et en ITEP dont l’Ille-et-Vilaine manque cruellement, se retrouvent par défaut à l’école, souvent en grande souffrance.

Il n’est pas une école où les enseignants n’expriment pas leur épuisement face à ces situations pour lesquelles ils ne sont pas formés, et sur lesquelles ils n’ont que peu de pouvoir d’agir. L’inclusion, pourtant grande cause nationale du précédent quinquennat, n’aura été qu’une espérance déçue, avec un effet de dégradation post covid, qui, loin de participer à l’inclusion des enfants, s’avère être une fabrique à rejet, à discriminations scolaires et, in fine, une vraie bombe sociale à retardement.

Ce sont aussi ces conseils d’école qui s’égrènent, où la frustration et la colère des enseignants se déversent sur les seuls interlocuteurs disponibles qu’ils ont sous la main, à savoir les élus locaux, parfois aux côtés d’IEN démunis. 

C’est encore la médecine scolaire, que l’État aimerait tellement donner aux collectivités, qui devraient à leur tour gérer la pénurie de soignants et le défi énorme à relever en matière de santé des enfants et des adolescents que ni l’hôpital public, ni la médecine de ville et encore moins la médecine scolaire exsangue ne parviennent à prendre en charge.

Dans ce contexte extrêmement préoccupant, on aurait attendu un geste fort de reconnaissance pour l’enseignement. Comme une hausse sans contrepartie de l’ensemble des salaires, seule à même d’attirer à nouveau les enseignants.

A la place, la proposition d’un Pacte enseignant ne permet non seulement pas d’améliorer notablement le niveau de rémunération de tous les enseignants mais il rompt avec ce qu’est la fonction publique : un statut, une mission. Et non un contrat de travail au sens capitaliste du terme qui rompt l’égalité de traitement entre enseignants, les met en concurrence de fait dans une logique de travailler plus pour gagner plus. 

C’est la même logique qui prévaut concernant les AESH. Ces derniers gèrent des publics délicats, qui demandent un engagement permanent, moral mais aussi parfois physique, courant d’un élève à l’autre et ce, sans formation, sans réel statut, ce qui les fragilise vis-à-vis des parents, des équipes enseignantes et qui contribue, au-delà de leur salaire ridicule, à les précariser. 

Les contrats multi-employeurs avec les collectivités pour atteindre 35h semaine, que nombre de collectivités ont déjà mis en œuvre, ne feront pas de miracle : en effet, en tant que travailleurs pauvres, les AESH qui avaient besoin d’un complément de revenus, cumulent déjà deux emplois. 

Et quand on y réfléchit bien, à quels autres professionnels demande-t-on d’être auprès d’enfants, qui plus est en situation de handicap, 35h semaine ?  Aucun !

Dans la cohorte d’annonces éparses, on a entrevu tout récemment une lueur d’espoir concernant la mixité scolaire, que la publication forcée des IPS a mis en lumière, contraignant le ministère à se saisir de cette réalité qui n’est pas nouvelle mais qui, désormais, est un constat partagé par tous les élus, de gauche comme de droite, en local comme au national. 

À la Ville, au département d’Ille et Vilaine, nous nous saisissons de cette épineuse question. Si la mixité s’effondre au collège du fait d’une fuite vers l’enseignement privé, le ferment de cette ségrégation scolaire se fabrique dès l’école. C’est aussi pour cela que les villes doivent prendre leur part. Nous sommes au travail sur cette question, nous y reviendrons plus tard.

Devant l’évidence, la demande du ministre Pape N’Diaye faite à l’enseignement privé de contribuer à l’effort de mixité paraît plus que justifiée. Pourtant, rapidement isolé, le ministre est abandonné en rase campagne par la majorité, avant même la mobilisation du secteur de l’enseignement privé, qui affirme, par le biais de son président, qu’il n’y a pas de problème de mixité dans le privé. Circulez, y a rien à voir.

Pourtant la réalité des faits doit nous amener à affronter ensemble, avec lucidité, les causes de cette ségrégation scolaire qui sont multiples. Elles sont spatiales entre quartiers, elles existent entre le privé et le public, entre l’enseignement général et l’enseignement professionnel. Elles interrogent également la relation des familles à l’école et à la réussite scolaire. 

Malheureusement sans cadre législatif national, le plaidoyer des associations d’élus locaux et les mesures correctrices prises sur le terrain, n’auront qu’un effet marginal sur cette réalité.

Enfin, l’école à elle seule ne peut pas tout. Les associations que l’Etat veut soumettre au travers du contrat d’engagement républicain sont pourtant les alliés de l’école. Il fut un temps où l’école elle-même se revendiquait de l’éducation populaire en mettant en œuvre des approches pédagogiques actives et partenariales.

Mais la souffrance génère un repli sur soi et l’impression de se noyer dans les tâches administratives et les injonctions ministérielles, n’incitent pas à la co-éducation que nous appelons tous de nos vœux, mais pour laquelle il faut de la disponibilité physique et mentale, ainsi que des objectifs communs. 

La crise de l’école publique couplée aux difficultés que connaît le monde associatif fragilise la société tout entière. Si le projet que nous avons pour l’école est bien un projet pour la société demain, il nous faudra pourtant avancer ensemble pour une école qui prépare vraiment les enfants aux défis, petits et grands, qui les attendent.

Seul le prononcé fait foi