Cette réforme des retraites est profondément injuste et antisociale. En reculant l’âge de départ à 64 ans, le gouvernement a fait le choix de faire reposer l’effort de financement sur l’ensemble de la population, impactant fortement les plus précaires, les populations aux métiers pénibles et aux carrières longues, les femmes. D’autres alternatives existent, comme l’augmentation des cotisations sociales, une participation plus élevée de l’État ou la taxation des superprofits, mais le gouvernement les a balayées du revers de la main.
Le mépris social se double d’un mépris démocratique qui transparaît dans la procédure d’adoption de la loi. Son passage en force, brutal, pose de sérieux problèmes sur le plan démocratique.
Mise en oeuvre de l’article 47.1 de la Constitution qui a restreint la durée des débats parlementaires et contraints à un examen express des amendements ; procédure de vote bloqué au Sénat ; menace du 49.3 pour l’adoption définitive de la loi : le gouvernement mobilise des outils, certes constitutionnels mais qui, utilisés aux forceps, en l’absence de majorité, étouffent le débat contradictoire pourtant nécessaire dans notre démocratie. Et ce n’est pas parce que c’est légal que c’est démocratique.
Une démocratie vivante ne se définit pas seulement par l’organisation d’élections régulières, l’existence de partis politiques en compétition et la séparation des pouvoirs. Elle peut également se lire à travers le caractère pluraliste et participatif de la fabrique des politiques publiques. En ce sens, on peut parler d’un risque de glissement autoritaire de ce gouvernement qui gouverne seul et refuse le dialogue.
Quand un pays rejette massivement une réforme à la fois dans les sondages et dans la rue, les représentants majoritaires de la démocratie représentative ont un devoir démocratique non seulement d’écouter mais aussi de prendre en compte les revendications de l’expression populaire.
Alors que 82% des Françaises et Français souhaitaient une rencontre entre le gouvernement et les syndicats, Macron l’a refusé, en répondant par courrier qu’il était à leur écoute. Par courrier! Une réponse lunaire, qui atteste d’une volonté de dialogue avec les partenaires sociaux réduite à zéro.
Il faut rappeler des faits simples qui s’énoncent clairement : ce gouvernement qui défend bec et ongle sa réforme en invoquant sa légitimité démocratique, n’a pas été élu sur la base de son programme électoral. Comme en 2017, face à Marine Le Pen au second tour, Macron a massivement bénéficié des votes de rejet de l’extrême droite. L’amnésie des conditions de son élection est de mise pour justifier une réforme en déficit total de soutien populaire.
Cela a beaucoup été dit mais il faut encore le rappeler : le taux d’adhésion à cette réforme est extrêmement bas. À peine un tiers des Françaises et Français se disent favorables à ce projet, un quart pour les moins de 35 ans, et on tombe à 15% pour les salariés du secteur public.
La mobilisation sociale est historique. Depuis un mois et demi, 7 journées de forte mobilisation ont rassemblé des millions de personnes, dont certains qui manifestaient pour la première fois. Ces vagues de mobilisation successive ne faiblissent pas. Les cortèges sont remplis de colère sociale, d’un fort sentiment d’injustice et d’espoir de victoire. C’est l’expression d’une forme de démocratie sociale qu’il est dangereux d’ignorer.
La surdité actuelle du gouvernement fait courir deux grands dangers à notre pays.
D’une part, elle risque de renforcer le sentiment de défiance des citoyennes et citoyens vis-à-vis de nos représentants politiques, déjà au plus haut. Elle alimente la désillusion, l’amertume et la perte de confiance grandissante en la capacité du politique à améliorer la vie des gens. En cela, elle fragilise grandement notre démocratie représentative et n’est pas de nature à endiguer l’inquiétante hausse continue de l’abstention aux élections.
D’autre part, en perdant l’adhésion de la population, ce gouvernement se trouve privé de toute légitimité sociale. Ce phénomène contribue à alimenter les discours populistes et mensongers de l’extrême droite qui cherche à gagner frauduleusement en légitimité. À ce petit jeu, tout le monde sortira perdant.
Dans ce contexte, les propos tenus sur les réseaux sociaux et dans la presse par les représentants des deux groupes de l’opposition sont inexcusables. Nous tenons à rappeler que les élus écologistes, tout comme Madame La Maire et tous les groupes de la majorité ont condamné et continueront à condamner l’ensemble des violences et des dégradations commises en marge des manifestations rennaises contre la réforme des retraites. Comme nous l’avons toujours fait, nous nous dissocions de ces formes d’action qui mettent en cause la sécurité des biens et des personnes et ce d’autant plus qu’elles sont nous semblent totalement inefficaces et contre-productives dans la construction d’un mouvement majoritaire.
Mais nous tenons aussi à rappeler nos droits dans le même temps.
Comme toute citoyenne ou tout citoyen, les élus ont le droit de manifester. Ce droit est reconnu par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 comme une liberté fondamentale. Nous l’avons exercé aux côtés de milliers de Rennaises et Rennais, en participant à toutes les manifestations depuis le début du mouvement. Attaquer les élu.e.s pour leur présence dans les cortèges, c’est attaquer la démocratie. C’est non seulement déplorable, mais c’est aussi consciemment alimenter les amalgames de l’extrême droite, qui visent à fragiliser notre cadre démocratique commun.
Les attaques proférées par Madame Gandon et Monsieur Compagnon sont consternantes de contrevérités. Ces accusations nous feraient l’effet d’une tempête dans un verre d’eau, si elles ne contribuaient pas à cliver encore davantage notre société. Cibler continuellement et violemment les élus de notre majorité nous semble totalement irresponsable dans le contexte d’une remise en cause grandissante des valeurs démocratiques et républicaines.
En tant qu’écologistes, nous ne pouvons que déplorer ce dévoiement du cadre démocratique. Faire face aux impacts de plus en plus graves des dérèglements climatiques, nécessite une société qui se fasse confiance, qui dialogue, qui s’écoute, qui peut partager des divergences, mais qui ne se lance pas des anathèmes en permanence. Pour nous, la défense des libertés fondamentales, du cadre démocratique, du dialogue avec la société civile n’est pas à périmètre variable.
Il est difficile voire complètement incohérent d’initier une Convention Citoyenne sur le Climat d’un côté ; puis de l’autre, d’annoncer un projet de relance du nucléaire dès 2025, dans une conception très descendante et technocratique du pouvoir et en déconnexion totale avec les enjeux de notre siècle. Les projets de relance du nucléaire ne peuvent se faire sans un vrai débat citoyen : il faut prendre en compte l’ensemble des paramètres, y compris le risque d’une raréfaction de la ressource en eau, enjeu fondamental dans le climat de demain.
À l’heure où nous devons affronter des défis sociaux et climatiques incommensurables, dans un contexte de fracture démocratique, l’hystérisation des débats, le passage en force distillent un venin qui nous empêche de préparer sereinement le monde de demain.
Sur les retraites, comme sur les questions énergétiques, nous plaidons en tant qu’écologistes pour associer davantage les Françaises et les Français dans l’élaboration des politiques publiques. C’est pourquoi nous appelons à une Consultation citoyenne sur le sujet des retraites et à une Convention citoyenne sur le nucléaire.
Seul le prononcé fait foi