Un chiffre, un seul : 300 euros le mégawatt-heure. C’est le seuil dépassé récemment par le prix de gros du gaz pour 2023. C’est aussi dix fois plus qu’il y a seulement deux ans. Dans ce contexte de forte tension sur le marché de l’énergie, nous tenons donc à souligner cette délibération qui marque véritablement un tournant dans notre politique énergétique. Nous en profitons pour saluer le travail mené par Olivier Dehaese et les services de la collectivité pour élaborer ce nouveau Schéma Directeur des Réseaux de Chaleur.
Une transition énergétique réussie se fonde sur trois piliers complémentaires : d’abord la sobriété, puis l’efficacité, et enfin la production d’énergie décarbonée.
Le premier, cela n’aura échappé à personne, occupe aujourd’hui le devant de la scène, ce qui n’a pas toujours été le cas. Il s’impose désormais à nous, collectivités, entreprises, citoyen·ne·s, et nous pousse à prendre des décisions inédites de réduction des consommations d’énergie. Nous aurions tort cependant de considérer l’épisode que nous traversons comme une crise passagère : c’est bien une nouvelle norme énergétique qui s’annonce, celle de la rareté, et à laquelle nous devons nous adapter. Les mesures de sobriété que nous prenons aujourd’hui doivent donc s’inscrire dans le long terme.
L’efficacité, pour notre collectivité, c’est avant tout la réhabilitation thermique des logements sur le territoire, et l’exemplarité de nos propres bâtiments publics en la matière. C’est aussi la politique de mobilité durable que nous déployons pour offrir aux métropolitaines et métropolitains des alternatives propres à l’autosolisme. C’est encore, par la commande publique, l’achat d’équipements, par exemple numériques, les moins consommateurs en électricité. Ou enfin, la mise en place d’une stratégie d’économie circulaire qui nous permet de réemployer ou réparer plutôt que jeter, et donner une seconde vie aux matériaux qui peuvent être revalorisés.
Enfin la production d’énergie et de chaleur décarbonée, et nous en venons à notre délibération. Elle a augmenté de près de 50 % en dix ans sur la métropole, et c’est en grande partie dû à l’essor du bois-énergie, avec la mise en service de la cogénération biomasse des Boëdriers. La dynamique doit encore s’amplifier. C’est pourquoi nous avons retenu le plus ambitieux des scénarios qui nous étaient proposés pour le futur du réseau Rennes Sud. Un scénario à 260 GWh livrés/an à horizon 2035, de quoi répondre à la consommation de 26 000 logements. Un scénario qui renforce l’indépendance de notre réseau de chaleur vis-à-vis des énergies fossiles et surtout du gaz, avec un taux de couverture des besoins par les énergies renouvelables et de récupération de presque 90 %. C’est un signal important pour la filière biomasse sur le territoire, et c’est la garantie d’une production de chaleur la plus décarbonée possible.
Certes, les investissements sont lourds, avec notamment la nécessité, pour que ce scénario soit techniquement réalisable, de construire une nouvelle chaufferie biomasse, que pourrait par exemple accueillir le secteur Courrouze. Mais ils génèrent aussi des co-bénéfices, tant économiques en assurant une stabilité du prix moyen de la chaleur, qu’écologiques avec plus de 55 000 tonnes eqCO2 évitées chaque année.
On le voit, l’enjeu énergétique est éminemment stratégique et en cela il doit être porté par le service public. Le choix d’une SEMOP est à court terme une décision d’équilibre pour investir aux côtés du privé et avoir un poids important dans la gouvernance du projet. Mais c’est surtout, à notre sens, une première étape pour la construction d’un grand service public de l’énergie sur la métropole, intégrant réseau de chaleur et production de chaleur. À l’instar des réseaux de Vezin et Chartres de Bretagne, qui sont en régie, nous pourrons à horizon 2030 gérer par un opérateur public le réseau sud. Combinés avec la production de notre Unité de Valorisation Energétique et nos autres productions renouvelables (photovoltaïque notamment, en s’appuyant sur la SEM Energ’ IV), ce sont des atouts territoriaux majeurs pour la résilience et l’indépendance énergétique de Rennes Métropole.
Ils ne seront pas de trop pour relever le grand défi qui nous attend : celui de garantir durablement l’accès à une énergie propre, en grande partie décarbonée, accessible financièrement et gérée avec transparence, à l’ensemble des métropolitaines et métropolitains et aux acteurs économiques du territoire. Un défi de taille, au vu des tendances actuelles de consommation, que nous pouvons certes freiner par des mesures de sobriété, mais qui vont vraisemblablement augmenter en valeur absolue, au moins dans les prochaines années. C’est pourquoi il faudra selon nous profiter de la révision du PCAET en 2024 pour se doter d’une programmation énergétique métropolitaine. Vers quel mix énergétique tendrons-nous en 2040 ? Adossé à quelle stratégie d’investissements pour soutenir la production locale ? Et quel soutien pouvons-nous consacrer aux initiatives émergentes, notamment en ce qui concerne le stockage de l’énergie ? Toutes ces questions, nous devons nous les poser pour conserver notre coup d’avance, sécuriser nos approvisionnements et réaffirmer notre refus du nucléaire.
Concilier sobriété, efficacité et production d’énergie décarbonée, c’est aujourd’hui un impératif. Évidemment à court terme, pour passer l’hiver qui approche, mais aussi à plus long terme pour s’adapter à la nouvelle donne de rareté énergétique dans laquelle nous sommes entrés. Ne nous voilons pas la face : l’abondance est effectivement terminée. Mais il ne tient qu’à nous que cette sobriété soit choisie, organisée, désirable et heureuse ; et non subie, imposée, impopulaire et honnie. Nous nous devons, à notre niveau, d’être au rendez-vous.
– Seul le prononcé fait foi –