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Face à la crise institutionnelle, construisons une 6e République fédérale et démocratique

CONSEIL MUNICIPAL DU LUNDI 27 JUIN 2022 – Intervention de politique générale portée par Matthieu Theurier

Le 4 octobre 1958 est installée la 5e République française. Dans un contexte de guerre en Algérie et de tentative de putsch militaire, elle est caractérisée par un pouvoir exécutif puissant. Ce pouvoir est encore renforcé à partir de 1962 avec l’élection du Président de la République au suffrage universel direct.  La 5e République marque ainsi une rupture par rapport à la tradition parlementaire de la République française. Elle est aussi un régime assez unique en Europe où les démocraties sont très majoritairement marquées par le parlementarisme.

Les défenseurs de la 5e République voient en elle un gage de stabilité et d’efficacité d’action puisque le Président de la République, le Premier ministre et son gouvernement disposent de pouvoirs élargis. 

Ses détracteurs, dont font partie les écologistes, y voient un régime sclérosé, étouffé par le manque de souffle démocratique caractérisé par un Parlement qui agit sous la coupe du gouvernement. Un régime aussi extrêmement centralisé, peu enclin à la co-construction des politiques publiques en partenariat avec les territoires et les citoyen·ne·s.

Ce débat n’est pas nouveau, il existe depuis que la 5e République est née. Ce qui est nouveau, c’est la situation que nous connaissons depuis dimanche soir. Le 24 avril dernier, Emmanuel Macron a été réélu Président de la République. On pourra évidemment arguer que son élection s’est tenue une nouvelle fois dans un contexte de front républicain face à une extrême droite aux portes du pouvoir ce qui relativise fortement sa victoire, mais toujours est-il que sur le plan démocratique, il dispose de sa propre légitimité.

À l’Assemblée nationale, c’est une tout autre affaire, puisque suite aux élections de dimanche dernier aucune majorité ne ressort. Confirmant d’ailleurs que le Président doit bien son élection à la dynamique de front républicain contre l’extrême droite. C’est unique et historique dans l’histoire de la 5e République. On peut se réjouir de cette situation en soulignant que le peuple de France a fait valoir la pluralité de ses opinions et que cette pluralité sera pour la première fois plutôt bien représentée dans l’hémicycle. On peut aussi souligner que la grande majorité des pays européens ont des régimes qui fonctionnent très bien sans majorité parlementaire stable. Mais dans ces régimes, ce sont bien les parlementaires qui portent l’élaboration du projet politique du pays. La constitution des gouvernements se fait en conciliant les programmes des uns et des autres dans un projet commun créant dès lors des majorités de projets.

En France, l’élection du Président au suffrage universel direct et la concentration des pouvoirs autour de sa fonction rendent cela impossible. L’allocution du Président de la République la semaine dernière dans laquelle il demande aux député·e·s de se ranger sans discuter derrière son projet le démontre parfaitement. La situation est donc totalement bloquée puisque deux légitimités électorales égales se font face aujourd’hui.

L’élection du Président de la République au suffrage universel et en amont des élections législatives devait garantir une majorité parlementaire forte au Président, il n’en est rien aujourd’hui. L’élection des député·e·s par circonscription devait garantir une majorité au Président de la République et freiner la présence de l’extrême droite au Parlement, il n’en est plus rien aujourd’hui. Il n’en est tellement plus rien qu’Emmanuel Macron, pourtant élu deux fois au nom du front républicain face à l’extrême droite, a refusé d’appeler à constituer ce même front lors des élections législatives lorsque des duels opposaient des candidat·e·s de la NUPES au Rassemblement national. Le résultat on le connaît avec près de 90 député·e·s lepénistes élu·e·s… Celles et ceux qui à LREM se présentaient comme le dernier barrage à l’extrême droite en sont en réalité le marchepied.

Cette situation signe de notre point vue la fin de la 5e République et c’est peut-être là la bonne nouvelle de ces derniers jours, car elle nous permet enfin d’envisager une 6e République que nous appelons de nos vœux.  À l’heure où les taux de participation chutent d’élection en élection, il est urgent de réconcilier nos concitoyen·ne·s avec l’action publique. Cela passe par la construction d’outils de démocratie directe et en particulier la mise en œuvre du Référendum initiative citoyenne. À l’heure où la concentration des pouvoirs autour du seul Président de la République atteint son paroxysme, il nous faut redonner de la vitalité au débat pour pouvoir sereinement projeter l’avenir. Cela passe par un régime qui remet le rôle du Président de la République à sa juste place. Ainsi, il ne doit plus pouvoir contrôler les tâches du gouvernement, ni soumettre aucun texte à référendum, ni nommer aucun fonctionnaire, ou encore représenter la France dans les instances internationales ou européennes — toutes choses qui, dans les démocraties parlementaires de l’Union européenne, relèvent bien du Premier ministre.

À l’heure où les crises écologiques et sociales nous obligent à repenser à la racine nos modèles de développement et de solidarité sur le long terme, nous avons besoin d’un régime qui permette le débat de fond et la construction de consensus politique. Cela passe par une Assemblée nationale forte, débarrassée de procédure autoritaire tel le 49-3 et qui a l’initiative de la loi comme de la constitution du gouvernement. Cela passe aussi par une élection proportionnelle des représentant·e·s nationaux pour garantir dans le temps la pluralité et la diversité des opinions. 

À l’heure où les scientifiques du GIEC considèrent que l’essentiel des solutions pour répondre à la crise climatique et écologique viendra des territoires, il est urgent d’initier un véritable processus de décentralisation. Nous prônons une véritable autonomie pour les Régions et les collectivités locales dans le cadre d’un fédéralisme différencié qui permettra de tenir compte de la réalité de chaque territoire. Le Sénat devra aussi être transformé en une véritable chambre de représentation des territoires.

La construction de nouvelles institutions est aujourd’hui plus que jamais nécessaire. La 6e République fédérale et démocratique que nous appelons de nos vœux devra aussi être le garant des libertés fondamentales, des droits humains, des droits sociaux qui sont notre bien commun depuis la sortie de la Seconde Guerre mondiale. La 6e République devra aussi évidemment permettre d’établir un cadre commun qui garantisse enfin, dans le temps long, la préservation de notre environnement. Nous sommes à la croisée des chemins, la France peut aujourd’hui construire des institutions à la hauteur de notre siècle. Nous appelons à des choix courageux et à l’organisation dans les mois à venir d’une Assemblée constituante. 

– Seul le prononcé fait foi –