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À la une Alimentation – Agriculture Conseil métropolitain Morvan Le Gentil

Un Plan Alimentation Durable ambitieux qui doit se traduire par des mesures concrètes

CONSEIL MÉTROPOLITAIN DU JEUDI 28 AVRIL 2022Intervention portée par Morvan Le Gentil sur la délibération n°1 : « Alimentation – Adoption de la stratégie métropolitaine en matière d’agriculture et d’alimentation durables – Projet Alimentaire Territorial »

Plus de la moitié du territoire de la métropole est de nature agricole. Cette ceinture verte est une exception rennaise dans le paysage des métropoles françaises. C’est un formidable atout qu’il nous faut préserver et amplifier, pour renforcer notre autonomie alimentaire, dont on sent aujourd’hui plus que jamais la nécessité. C’est aussi un secteur en pleine évolution, qui doit se transformer pour limiter ses conséquences négatives sur l’environnement.

Car l’agriculture est à la croisée des enjeux du XXIe siècle. Productiviste et intensive, elle détériore la qualité des sols et de l’eau, nuit à la biodiversité, privilégie l’exportation plus rémunératrice au détriment des circuits courts, participe à la standardisation de l’alimentation via un nombre de plus en plus réduit de variétés animales et végétales. À l’inverse, extensive et durable, elle favorise le maintien de la biodiversité, limite son impact sur les sols et l’eau, stocke du CO2 et produit des aliments de qualité qui peuvent être transformés dans les entreprises du territoire, pour une rémunération et des conditions de travail plus dignes des agriculteur·trice·s, paysan·ne·s, maraîcher·e·s. Nous voilà à l’heure des choix. Nous avons tout intérêt à soutenir une agriculture locale, rémunératrice, qualitative, diversifiée, respectueuse de l’environnement. Une agriculture qui permet d’aller vers une plus grande autosuffisance alimentaire du territoire et une meilleure santé de ses habitant·e·s.

On le sait, les leviers les plus efficaces pour enclencher et amplifier la transformation du modèle agricole français ne se trouvent pas ici, mais à Bruxelles, dans les négociations autour de la PAC. Cependant, à notre mesure, comme chaque territoire nous pouvons grâce au Plan Alimentaire Territorial mener une politique volontariste en faveur de cette transition, qui implique toutes les parties prenantes. C’est la démarche suivie par Rennes Métropole, avec une consultation citoyenne fortement suivie et une concertation institutionnelle qui a permis de rassembler 120 structures autour du projet. 

Il en ressort des objectifs ambitieux pour notre territoire, que nous partageons évidemment :

  • 0 pesticide de synthèse à l’horizon 2030 
  • 100 % du patrimoine foncier de RM engagé en bio 
  • 25 % des agriculteurs et agricultrices couverts par un plan de changement (diagnostics IDEA)
  • Environ la moitié de la surface agricole utile en bio d’ici 2030
  • Augmentation du nombre d’emplois du secteur de 28 000 à 30 000. 

Ces objectifs appellent des changements majeurs dans les pratiques agricoles et dans la structuration de l’ensemble de la chaîne. Si la destination est connue, il nous reste désormais à déterminer le chemin pour y parvenir. Comment, par exemple, pourra-t-on parvenir en moins de dix ans à 0 pesticide de synthèse sur l’ensemble du territoire, ce qui inclut les terres agricoles privées ? Accompagnement au changement, mesures incitatives, mesures d’interdiction, etc. moyens humains, financiers, règlementaires, etc. de quelle palette d’outils allons-nous nous doter ? Comment entendons-nous fédérer autour de cette vision les autres collectivités et les institutions du monde agricole ? Quels jalons concrets, quelles échéances intermédiaires ? Il est essentiel de clarifier ces points pour crédibiliser nos engagements. 

Le levier foncier, en particulier, devra faire l’objet d’une réflexion spécifique : accompagnement des échanges parcellaires, achat de terres par la métropole pour les mettre à disposition des agriculteurs et agricultrices via des baux à clauses environnementales, soutien aux initiatives de fermes municipales ou aux fermes en financement participatif type « Terres de lien », etc. les pistes ne manquent pas. Les habitant·e·s ont commencé à s’investir dans la production d’énergie et nous pensons qu’ils sont prêts aussi à s’investir pour garder une terre nourricière près de chez eux.

Par ailleurs, nous nous interrogeons sur l’objectif de diminution de 15% des émissions de GES issus de l’activité agricole, à plusieurs titres. Sur l’objectif en lui-même, d’abord : l’agriculture représente 15% des émissions de Rennes Métropole, soit autant que le tertiaire et plus que l’industrie. Compte tenu de ce poids relatif important, ne devrait-on pas viser une réduction plus conséquente de ces émissions ? 

Évidemment, cela pose là encore la question des leviers d’action. Sur les GES nous en voyons au moins trois : 

La réduction massive de l’utilisation des engrais azotés. Ceux-ci sont responsables de 43% des émissions de l’agriculture. Le protoxyde d’azote (N20) issu de la fertilisation chimique des cultures a un pouvoir de réchauffement global 298 fois plus élevé que le CO2. Tout comme nous nous fixons l’objectif de 0 pesticide de synthèse, peut-on se donner celui de 0 engrais chimique azoté à horizon 2030, ou du moins prévoir une trajectoire ambitieuse de réduction de leur utilisation ?

Deuxième levier, qui est mentionné dans le PAT, l’accompagnement et l’incitation à la conversion des élevages notamment bovins, très présents sur le territoire, en bio, et en favorisant le pâturage. Souvenons-nous en effet que l’élevage est responsable à lui seul de 47% des émissions de l’agriculture, notamment à cause de la fermentation entérique des ruminants (les fameux rots et gaz des vaches au méthane).

Dernier levier, une diminution progressive de la part de l’élevage dans l’usage des terres agricoles de la métropole (aujourd’hui, 60% des terres, dont la moitié pour les bovins) au profit d’installations maraîchères, légumières et légumineuses. Là encore, cela demande évidemment un plan d’action précis définissant les modalités pratiques pour opérer cette transformation majeure de notre palette agricole. Cela demande aussi d’encourager l’évolution des pratiques de consommation, vers une moindre part de la viande et des produits laitiers. 

Enfin, en parallèle des enjeux environnementaux, nous souhaitons souligner la dimension sociale de l’alimentation. Favoriser l’accès de tous et toutes à une alimentation saine et de qualité est l’un des piliers de notre PAT, avec des actions en direction des plus précaires, de la sensibilisation au bien manger, et le levier de l’approvisionnement des cantines scolaires. À cette liste, pourrait s’ajouter le déploiement de la carte alimentaire durable, sur le même principe que la carte Sortir, afin de faciliter et d’encourager l’accès à des aliments sains et de qualité à celles et ceux qui en ont le plus besoin. 

En conclusion, nous voterons ce Plan Alimentation Durable qui dresse des objectifs ambitieux pour Rennes Métropole, dans l’attente de l’ensemble des mesures qui nous permettront de les atteindre.

– Seul le prononcé fait foi –