À travers cette délibération, Rennes Métropole doit formaliser sa participation au programme d’équipements qui relève de ses compétences dans le cadre de la construction du nouveau quartier dit du Bout du monde à Saint-Grégoire.
La Métropole est compétente en matière de voirie et il est bien normal qu’elle participe à la réalisation de ces équipements dans le cadre de projets de nouveaux quartiers qui relèvent quant à eux des communes.
Nous avons toutefois plusieurs doutes sur ce projet de la commune de Saint-Grégoire.
Nous avons bien compris que le choix d’une ZAC multisite va permettre de développer sur le centre-ville des logements collectifs en accession libre ou aidée et du locatif social. C’est heureux, car la commune a encore du retard à rattraper en matière de logement social.
Néanmoins, le principe d’une ZAC multi-site nous interroge. Ce choix permettra certes de renforcer la densité à certains endroits, mais permettra l’étalement à d’autres, tout en respectant au global les seuils de densité réglementaire du SCOT et du PLH.
Si la densité est conséquente sur le centre-ville, elle l’est bien moins sur le secteur bout du monde lui-même, alors que la qualité naturelle de ce site aurait mérité une approche foncière beaucoup plus économe. En conséquence, on peut s’attendre ici à un développement pavillonnaire dans le prolongement des tranches précédentes. Cet étalement encouragera la présence prépondérante de la voiture individuelle.
Ce modèle nous interroge, car l’urbanisation de ce secteur s’accompagne de la création d’infrastructure de voire qui est le sujet qui nous occupe ce soir.
La plupart d’entre elles ne posent pas de difficultés, car ce sont des projets assez classiques dans ce type d’opération : on notera notamment la prise en compte des transports en commun sur l’axe central de ce nouveau quartier, qui sera en partie desservi par le futur trambus.
Mais il est un projet qui rencontre notre désapprobation, c’est celui de la création d’un nouveau franchissement, c’est-à-dire un pont au-dessus de l’Ille.
Si l’on considère une certaine densité de population sur ce nouveau quartier, si l’on considère sa forte desserte à venir en transports en commun, si l’on considère la prise en compte des modes actifs dans les nouveaux aménagements, si l’on considère enfin que la part de la voiture est amenée à baisser dans les déplacements de la métropole à l’avenir, à quoi sert ce nouveau pont ?
C’est d’ailleurs bien la question qui est posée par la commissaire enquêtrice qui interroge le bien-fondé du projet de franchissement. Elle interroge aussi son impact fort sur les zones humides qu’il traverserait et considère que le prix environnemental à payer est trop élevé.
Elle rappelle, je cite que « L’opportunité de l’ouvrage doit être vérifiée à la lumière d’hypothèses prenant en compte les conséquences sur la circulation des mesures de lutte contre le changement climatique et celles de l’évolution du comportement des populations en matière de mobilité » et de recommander que les services de l’État travaillent avec la commune à transcrire dans des documents prescriptifs les mesures proposées qui seront réalisables.
Très sincèrement sur un tel projet nous considérons que la logique de compensation environnementale n’y suffira pas. La vallée de l’Ille est un bien commun de toute la métropole. Il doit être préservé. La nécessité de ce franchissement, même revu pour y intégrer les circulations bus et vélo, n’est pas démontrée.
Il y a une méthode que l’on applique sur ce type de projet qui vise à d’abord Eviter la destruction de l’environnement, puis la Réduire si l’évitement n’est pas possible et enfin Compenser ce qui est détruit. Ici on est passé au stade Compenser sans passer par la case Eviter puis la case Réduire.
Par ailleurs, au-delà du coût écologique sur un espace environnemental à préserver, une telle infrastructure renforcera la dépendance à la voiture déjà trop fortement ancrée en générant un trafic induit encore plus important que celui envisagé. Au lieu d’une solution pour fluidifier le trafic, ce franchissement sera rapidement saturé, comme le prouvent les études de Frédéric Héran, économiste spécialiste des mobilités.
Nous avons bien noté que la Métropole n’avait pas vocation à assurer la maîtrise d’ouvrage de ce pont et que la proposition faite ce soir n’est que l’application d’un ratio financier d’engagement qui est la norme sur ce type de projet communal. Nous avons bien noté que la volonté de ce projet est communale, comme son financement et sa réalisation.
Le Conseil national de la protection de la nature a d’ailleurs aussi d’ores et déjà formulé un avis défavorable à ce projet, la commission d’enquête a émis des réserves sur cet aménagement, nous espérons que ces avis seront entendus.
Alors que tous les voyants du réchauffement climatique sont au rouge vif et que chaque jour l’ambition d’atteindre la neutralité carbone en 2050 s’éloigne, nous considérons ce projet de franchissement comme totalement anachronique. C’est pourquoi nous voterons contre.