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Notre position sur la 5G

Intervention de Philippe Boudes, au nom du groupe écologiste et citoyen, lors du conseil municipal du 29 mars 2021
Présentation du rapport de la mission 5G de la Ville de Rennes, par Pierre Jeannin, lors du conseil municipal du 29 mars 2021.

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Intervention de Philippe Boudes, au nom du groupe écologiste et citoyen, lors du conseil municipal du 29 mars 2021 :

« Madame la Maire, cher·e·s collègues,

Lorsque notre majorité a lancé cette mission sur la 5G, nous avons été raillés et traités de passéistes, certain·e·s reprenant les caricatures très regrettables du Président de la République accusant les écologistes d’être des “amishs”, refusant tout progrès. Le progrès que nous défendons en tant qu’écologistes est fait de justice sociale, de réponses à l’urgence climatique, de transition écologique et, ici, d’un numérique au service de ces enjeux. Et nous ne pensons pas, pour notre part, que toute nouvelle technologie constitue un progrès en soi. 

Force est de constater que cette mission 5G fait maintenant l’unanimité et que son travail est salué. Malgré la complexité du sujet, la mission a prouvé qu’un travail d’innovation démocratique peut permettre à tou·te·s de s’approprier cette question et les enjeux si importants qui lui sont associés. 

Je me dois de remercier, au nom du groupe écologiste et citoyen, notre collègue Pierre Jannin qui a animé cette belle initiative de la municipalité de Rennes ; les citoyen·ne·s non-élu·e·s pour leur engagement conséquent pour auditionner et discuter les propos de 18 expert·e·s nationaux, scientifiques, industriels, économistes ; et je remercie les services de la ville qui nous ont accompagnés, ainsi que les autres collègues élu·e·s impliqué·e·s. Ce temps de participation supervisé montre tout son intérêt et il devra être amélioré et renouvelé.  

Il ne s’agissait pas pour la mission 5G de la Ville de Rennes de dire oui ou non à cette technologie ou d’autoriser son déploiement, car ce n’est pas de notre compétence. Ce choix relève de l’État ; et le Président de la République a validé ce déploiement dès septembre 2020 sans attendre le résultat des études d’impacts environnementaux et sanitaires. C’est pourquoi notre mission locale devait contribuer à faire la lumière sur cette technologie. 

Le diagnostic de la mission vient renforcer nos premiers constats. Nous étions inquiets et nous le sommes toujours. En effet, la 5G va à l’encontre de la justice sociale (car elle accentue les inégalités territoriales et les fractures numériques), à l’encontre de la lutte contre les bouleversements climatiques (car, oui, elle est énergivore), à l’encontre de notre responsabilité face à la raréfaction des ressources (car elle va entrainer la surconsommation de ressources rares), à l’encontre de notre responsabilité en matière de prévention — car les enjeux sanitaires ne sont pas tranchés. 

Le travail de la mission a donc mis en perspective l’ensemble de ces impacts du déploiement de la 5G pour notre territoire, pour notre société. Les citoyen·ne·s ne doivent plus subir des politiques publiques dictées par quelques industriels et par des perspectives d’une croissance économique faussement infinie. Les citoyen·ne·s doivent choisir et participer à l’élaboration et à la mise en œuvre de la société de demain et des avancées numériques. 

À lire les diagnostics proposés par les participant·e·s de la mission, on se demande dans quelle mesure la 5G est un progrès, je veux dire un progrès qui contribue à l’amélioration de nos conditions de vie, à la justice sociale et à la transition écologique. Certain·e·s expert·e·s auditionné·e·s ont dit que la 5G est sans doute une innovation, mais ils affirment que ce qui motive son déploiement est d’abord une logique économique. Les usages, quotidiens ou professionnels, sont flous et peu documentés. Les incertitudes sanitaires sont très présentes, comme les effets cumulatifs des ondes sur nos organismes. Gardons en tête que la 5G va venir se cumuler avec la 2G, 3G et 4G. Les participant·e·s conviennent majoritairement que la 5G n’apporte pas de bonnes réponses à la fracture numérique ou à la cohésion territoriale.

Selon le Haut Conseil pour le Climat, la 5G va contribuer à l’augmentation des consommations électriques, estimant cette augmentation de 5 à 13 % pour les secteurs résidentiels et tertiaires. Le coût énergétique par donnée est plus faible, certes, mais cela ne prend pas en compte les coûts générés par la production des équipements ni l’effet rebond, c’est-à-dire de la surconsommation des données. En signant l’accord de Paris, la France s’est engagée à diminuer son impact Carbone d’au moins 55 % d’ici 2030. Tout nous incite à viser une réduction plus forte, mais la 5G, quant à elle, ira dans le sens contraire de l’histoire des transitions écologiques. 

Alors, j’invite les Rennaises et Rennais à s’approprier le diagnostic de la mission, pour se rendre compte que si la 5G est une innovation technique, elle n’est pas un progrès. 

Il y a ce diagnostic, il y a aussi notre plan climat air énergie territorial qui met la transition énergétique au cœur du modèle de développement économique et d’innovation, mais il y a surtout la société dans son ensemble qui se mobilise à nouveau pour son avenir, nous ne pouvons pas rester sourds à ces revendications pour un futur ouvert, sobre, et bienveillant. La jeunesse rennaise, comme la jeunesse mondiale, était encore dans la rue hier pour demander une réelle justice climatique et écologique.

À défaut de pouvoir pleinement réguler la 5G, il nous revient de mener des actions visant à atténuer au maximum les effets négatifs que le déploiement national nous impose. En ce sens, la mission a fait de nombreuses propositions pertinentes, et nous serons particulièrement attentifs à leur mise en œuvre et notamment à celles-ci : 

  • Nous devons premièrement concourir à réduire la fracture numérique territoriale, mais aussi sociale ou générationnelle, et achever de déployer la 4G et surtout la fibre.
  • Nous devons valoriser la charte de téléphonie mobile et favoriser le dialogue entre la ville et les opérateurs, y compris en révisant les seuils d’exposition, tels qu’ils figurent dans notre projet de majorité, à 0,6 v/M maximum et 0,2 v/M pour les lieux sensibles.
  • Nous devons aussi réaliser, rapidement, des études d’impact locales pour améliorer l’information et la transparence afin que tout le monde soit en mesure de s’approprier les enjeux sanitaires et environnementaux. 
  • Nous devons promouvoir la sobriété numérique, au sein de notre collectivité, mais aussi à partir d’un plan d’éducation au numérique, ambitieux, et un soutien aux actrices et acteurs privés qui travaillent sur le numérique responsable. 
  • Nous devons enfin créer et développer une filière locale de collecte, de réemploi, de recyclage et de mutualisation des terminaux et des appareils numériques. Nous demandons aussi que les opérateurs travaillent à une mutualisation beaucoup plus importante de leurs installations et antennes.

La mission 5G est de notre point de vue un succès, car elle a démontré la nécessité de publiciser l’information. Elle illustre l’intérêt d’un travail en coopération sur le déploiement de ce type de technologie. D’autres villes de France, des élu·e·s, des associations, des citoyen·ne·s, mais aussi des institutions publiques et des acteurs et actrices privé·e·s, se réunissent, en ce moment avec les mêmes préoccupations et les mêmes objectifs que nous. Il faut poursuivre notre implication dans ce débat sur le numérique et les nouvelles technologies au niveau national et européen, notamment pour l’arrivée de la seconde génération de la 5G et ses nouvelles fréquences. Avec d’autres collectivités, nous devons infléchir des orientations prises de façon trop descendante, a fortiori lorsqu’elles ne répondent pas aux enjeux incontournables de notre siècle. »

Intervention sur la délibération n° 31 : Administration générale – Mission 5G – Présentation du rapport final au Conseil Municipal