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Quel développement social et urbain pour demain ?

Discours de Priscilla Zamord aux journées nationales IR-DSU

« Bonjour à toutes et à tous. C’est avec beaucoup d’enthousiasme que nous vous accueillons aujourd’hui à Rennes. Merci de votre présence et participation à ces 15ème journées nationales du DSU

Quartiers populaires et transition écologique

Deux questions si vous me le permettez :

1- À vous venu-es d’ici et d’ailleurs, je me permets, en tant que Bretonne d’outre-mer, de vous demander qui parmi vous connait connait Kassav ?

2- Quel est le point commun entre la politique de la ville, Kassav et la transition écologique ? le point commun c’est 40 ans.

Cela fait 40 ans que la politique de la ville, avec un portage politique haché, déploie une action publique au service, aujourd’hui de 5,5 millions d’habitants de la terre qui vivent dans 1514 quartiers populaires, ici en France hexagonale et en Outre-mer.

Cela fait 40 ans que Kassav distille sur la scène internationale la mémoire et la culture de créole d’habitant-es ultra-marins résidents des Antilles, de la France hexagonale et des quartiers populaires.

Et cela fait aussi 40 ans que les alertes par les scientifiques et les militants sur la dégradation de notre environnement ne cessent de s’amplifier. 

De canicules, en sécheresses, en alertes à la pollution de l’air et autres empoisonnements aux pesticides, il n’est plus possible de nier les conséquences du réchauffement climatique qui pèsent sur nous au quotidien.

Il n’est plus possible d’ignorer que les premières victimes du changement climatique en France sont et seront les habitant-es des quartiers populaires.

Nous vivons donc un moment historique auquel s’ajoute, comme vous le savez :

  • D’une part, la crise du COVID-19, un révélateur des inégalités vécues par les habitants des quartiers populaires où 42 % d’entre eux et d’entre elles vivent déjà sous la seuil de pauvreté.
  • D’autre part, des mobilisations citoyen.nes épuisés par des injustices : des gilets jaunes, aux marches pour le climat, aux manifestations contre les violences faites aux femmes jusqu’aux marches collectives investies par une jeunesse des quartiers populaires contre les violences policières…

Nous vivons un moment historique ! Ne pas changer de modèle de société, se limiter à une politique de réparation, c’est être condamné à subir mais fort heureusement, la prise de conscience se fait de plus en plus grande et de plus en plus rapide !

Si la pandémie que nous vivons exacerbe des inégalités, elle révèle aussi de puissantes capacités d’intelligence collective entre des habitant.es, des agents de service public, des professionnels et des élu-es. Des solidarités existantes s’amplifient comme notre attachement rennais à notre bien commun qu’est le logement social avec notamment le loyer unique sans oublier les coopérations innovantes en faveur de la transformation écologique qui fleurissent partout. 

Les habitant-es des quartiers populaires n’ont pas attendu les écologistes pour faire de l’écologie ! 

Réemploi d’objets et de matériaux, jardins partagés, lutte contre le gaspillage alimentaire, etc.

Peu importe la porte d’entrée dans l’écologie, inscrivons ces pratiques dans le récit national et local des transitions.

Pour répondre à ces enjeux de transitions sociales, environnementales et démocratiques, nous avons besoin de professionnels formés dans les collectivités locales :

Pour accompagner les élus, leur proposer des temps de travail collectif, les appuyer dans le repérage d’enjeux, d’initiatives, de difficultés et faciliter l’expression des habitants des quartiers populaires.

C’est là tout l’intérêt du programme des ces journées.

Fierté et panache

Dans vos parcours professionnels, je crois que vous avez vu un certain nombre de ministres de la ville, de grand plan défilés et la baisse de dotations, n’est-ce pas ? A l’échelle locale, nombreux sont les élu-es convaincues de l’utilité de la politique de la VilleC’est le cas à Rennes.

Les quartiers populaires sont des territoires à la diversité étonnamment convergente. Sans aucune sorte d’uniformité cependant. En effet, le Blosne à Rennes, ce n’est pas la Goutte d’Or à Paris, ni Trénelle-Citron à Fort-de-France, ni les Tilleuls la Maraulette à Marseille, ni Bois d’olive à la Réunion, ni Sanitas à Tours. Comme vous le savez, les habitants ne sont pas un bloc monolithique mais des vies encore trop confinées, des archipels d’histoires et de mémoires vives à transmettre.

Au nom de la gauche et des écologistes, je suis fière de porter politiquement cette délégation avec notre équipe d’agents pilotée par Patrice Allais, au service des habitant-es de notre territoire.

  • Fière également en tant que native de Maurepas, un quartier-monde aux 52 nationalités parmi les 5 quartiers populaires de Rennes que vous aurez l’occasion de découvrir cet après-midi
  • Fière en tant que femme, membre d’une famille d’ouvriers et d’employés, héritière d’une histoire à la fois bretonne et issue de l’immigration post-coloniale
  • Fière en tant que citoyenne en lutte permanente contre l’assignation territoriale et les discriminations avec comme :
    • 1ère ressource du temps de ma jeunesse : la force d’un environnement familial soucieux de ma réussite éducative
    • 2ème ressource : le droit à la mobilité sociale et environnementale. Grâce à l’accès à des expériences dans d’autres régions et à l’étranger, je suis parvenue à valoriser mon identité-relation comme dit Edouard Glissant
    • 3ème ressource : l’ESS, mon terrain de jeux professionnels créatif après plusieurs contrats : du CUCS au CUI-CAE qui m’ont conduit à tracer ma route d’entrepreneure solidaire jusqu’à me présenter devant vous aujourd’hui en 2020 en tant qu’élue écolo, Vice-Présidente de Rennes Métropole aux Solidarités, à l’égalité et à la politique de la ville. Qui l’eut cru !

Vous racontez un peu de ma trajectoire en tant que bénéficiaire de la politique de la ville, c’est l’occasion de rappeler l’éternel sujet – légitime et fondamental – de la mobilisation du droit commun pour les habitant-es des quartiers populaires.

Nous n’avons pas tout essayé et nous avons raison d’y croire encore ! 

Je suis convaincue que la Politique de la Ville peut être assurément fertile si elle intervient avec un terreau de politiques publiques qui affirment, assument, en priorité, des moyens renforcés, des exceptions ou des mesures spécifiques pour les quartiers populaires, pour que les habitants n’aient plus le sentiment d’avoir une citoyenneté dégradée.

Pour travailler ce jardin politique partagé, nous avons tous et toutes besoin d’objectifs clairs, affirmés, suivi d’une action publique organisée. C’est vrai à l’échelle locale d’une agglomération (sur l’habitat, la jeunesse, les mobilités) comme au national pour des grandes politiques relevant (totalement ou partiellement) de ce niveau comme l’emploi, l’éducation, la sécurité, la culture…

Pour travailler ce jardin politique partagé, nous avons tous et toutes besoin d’objectifs clairs, affirmés, suivi d’une action publique organisée. C’est vrai à l’échelle locale d’une agglomération (sur l’habitat, la jeunesse, les mobilités) comme au national pour des grandes politiques relevant (totalement ou partiellement) de ce niveau comme l’emploi, l’éducation, la sécurité, la culture…

La coopération active et exemplaire

Un développement social urbain qui soit, dans chacun de nos territoires, artisan du changement, avec fierté et panache, cela nécessite dire un travail collectif et coordonné.

  1. Continuons à mesurer les inégalités sociales, sanitaires et dans la même logique les inégalités environnementales
  2. Veillons à l’équilibre des pouvoirs d’agir des habitants, des professionnels et des élus. Face la course à la concertation avec le risque parfois quelle soit déguisée en acceptabilité des projets, cultivons la démocratie locale et l’expertise d’usage par la co-production des dispositifs : par le design de service public, par la facilitation graphique etc.
  3. Déconstruisons les préjugés, luttons contre les discriminations comme nous le rappelle le dernier rapport du défenseur des droits. Politisons de manière apaisée la représentativité et outillons-nous de baromètres d’égalité et de diversité afin d’agir et de mesurer les progrès accomplis dans l’élection des élu-es, dans le recrutement de techniciens, et dans la participation au sein des conseils citoyens et des comités de quartier.
  4. Travaillons la mémoire coloniale et celle de l’immigration post-coloniale dans les quartiers populaires mais aussi hors-des quartiers. La Sénatrice Esther Benbassa rappelait la semaine dernière qu’en 2020, seulement 2 écoles en France hexagonale portent le nom de Toussaint L’Ouverture : Clichy et Pontarlier dans le Jura
  5. Il nous faut également des boussoles pour détecter des impulsions citoyennes de proximité innovante, d’éducation populaire renouvelée y compris celles qui ne rentrent pas dans les cases
  6. Accompagnons l’auto-organisation des personnes invisibilisées : des jeunes, des exilées, des femmes souvent stigmatisée et qualifiée par les pulsions xénophobes d’entrisme ou de communautarisme comme l’illustre la lutte à Bagnolet du syndicat des parents des quartiers populaires Front de mères pour plus de bio et pour une alternative végétarienne à la cantine.
  7. Autorisons-nous le droit à l’erreur, à l’expérimentation au convivialisme comme outil de reconquête de l’espace public confisqué par le trafic de drogue
  8. Valorisons lacapacité inspiratrice & transformatrice de la politique de la ville comme un bien commun hybride et stratégique, un écosystème capable de faire évoluer certaines politiques publiques, pour inciter ou « obliger » à mettre en coopération autour de la table certains acteurs, certains financeurs…

Après ces quelques bouteilles à la mer… sachez que RM et la Ville de Rennes sont très heureuses d’accueillir les 15ème journées annuelles de votre association, de vous faire découvrir grâce aux visites proposées certaines des initiatives, actrices et acteurs des 5 QPV de Rennes. Nous sommes curieuses et curieux de vos retours et avons hâte de connaître vos expériences locales. Très belles journées à vous ! »