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Prévention et cohésion sociale sont un pilier de la sécurité

[Conseil municipal du 14 octobre 2019]

Avec la police municipale, nous parions sur des relations de proximité et de qualité avec les habitant.e.s. Il faut des policiers ancrés dans le quartier, qui agissent dans une approche de service aux habitant.e.s.

Conseillère municipale

Déléguée aux Musée

Intervention de Catherine PHALIPPOU au nom du groupe écologiste  et citoyen

Il y a quelques jours, le Mensuel de Rennes sortait un numéro fort intéressant sur la sécurité à Rennes. Je vous le dis, mes chers collègues, je crois bien que des élections approchent.

La sécurité est en effet devenu plus un objet de discours électoral qu’un réel enjeu d’action publique. Soumis à une forte pression médiatique, ce sujet est l’objet par excellence de discours démagogiques.

Pourtant, ces dernières semaines, des faits de délinquance ont effectivement émaillé la vie de notre ville. En dehors des temps électoraux, la préoccupation des habitants et des habitantes concernant leur sécurité au quotidien et dans leur environnement proche est bien réelle. On le dit souvent mais c’est un fait, la sécurité est un droit. Le droit à la sécurité de l’emploi, le droit à la sécurité sanitaire et environnementale – le drame de Rouen nous le rappelle de façon empirique et brutale – le droit à la sécurité en ville lorsqu’on est à pied ou à vélo, le droit à la sécurité dans l’espace public, en bas de chez soi, dans son quartier, en centre-ville, le droit à la sécurité lorsqu’on est une femme et qu’on veut déambuler dans la ville, le droit à la sécurité affective et au respect de son intégrité physique lorsqu’on est un enfant ou une femme – et je cite à dessein cet exemple car les violences faites aux femmes contribuent pour une bonne part aux chiffres de la délinquance et des crimes en France et est identifiée comme l’un des axes à travailler dans le cadre des stratégies de sécurité et de prévention de la délinquance.

Bref, notre demande de sécurité est multiple et naturelle et ressort d’un ensemble de phénomènes qui créent un climat, une ambiance urbaine. L’approche qui est celle de la Ville de Rennes en matière de tranquillité publique est la bonne car elle prend en compte la polysémie de cette demande de sécurité et de bien-être dans la ville. Et une société qu’elle soit à l’échelle nationale ou à l’échelle locale, qui n’envisagerait pas la question de la sécurité dans cet aspect choral passerait complètement à côté de sa cible.

Mener une politique de tranquillité publique est donc d’autant plus complexe et subtile que les discours de l’opposition sont caricaturaux et grossiers.

Partout dans les villes la sécurité est le cheval de bataille de la droite et de l’extrême droite. Partout les discours sont les mêmes sur le soi-disant laxisme des mairies de gauche et leur incompréhension du sujet. Comme si les villes dirigées par des élus de droite étaient exemptes de faits de délinquance. Comme si les chiffres dans ces villes étaient meilleurs qu’ici. Sud-Ouest titrait il y a quelques jours sur la montée de la délinquance à Bordeaux. La taille des villes et leur sociologie sont bien plus déterminantes dans les faits de délinquance et dans leur nature que la couleur politique de celles-ci.

Cette réalité devrait inciter à plus de mesure et d’humilité dans les propos, et pourtant à Rennes on entend des discours ahurissants sur la délinquance et l’insécurité. On compare notre ville aux quartiers marseillais, on se croirait dans le Bronx. Propos repris de façon tout à fait fallacieuse et irrespectueuse du partenariat local par quelques policiers dans des émissions à sensation de la TNT.

Il faut refuser ces mensonges qui font le lit de l’extrême droite et qui surtout, en attendant, n’offrent aucune solution pratique pour améliorer la situation là où, à Rennes, nous connaissons en effet des faits de délinquance avérés qui pourrissent la vie des riverain.e.s.

Sur ce mandat, la Ville aura recruté une douzaine de policiers municipaux plus une brigade canine, créé un poste de médiateur sur l’espace public, étendu la médiation scolaire dans les quartiers prioritaires et renforcé la coordination du service de prévention de la délinquance. Confrontés à une montée en charge sur la question de la sécurité, les communes ont toutes augmenté leurs effectifs de police municipale. C’est une des rares filières d’emploi qui ait augmenté de façon constante dans l’ensemble des communes avec celle de l’animation pour les activités périscolaires.

Cette montée en compétence des communes n’est pas nouvelle et elle dit aussi quelque chose des forces en présence, notamment de celles de l’État. Dans son Livre blanc paru en juin dernier, le Forum Français pour la Sécurité Urbaine (FFSU) qui porte la voix des élu.e.s locaux auprès du gouvernement évoque pudiquement « une tendance à réduire ou rationaliser les effectifs des forces de sécurité de l’État, qui couplée à un besoin de sécurité croissant des citoyens, a accru le recrutement de policiers municipaux par les villes. »

Autant dire que les effectifs de police nationale ont été diminués, même si localement ils ont été à nouveau accrus dans les quartiers politique de la ville, comme ici à Maurepas avec la PSQ (Polique de Sécurité du Quotidien).

Les missions de la police municipale évoluent donc fatalement depuis quelques années mais je dirais par défaut. Là où la police municipale était identifiée comme une police de proximité, elle endosse bien souvent les missions qui normalement devraient être celles, exclusives, de la police nationale.

Le FFSU indique « On observe une tendance au durcissement et une approche davantage répressive» mais dans la foulée ajoute : « Face à cette tendance, il est nécessaire d’affirmer et de préserver le caractère pluriel des polices municipales, qui s’incarne notamment dans la diversité de leurs missions et l’adaptation aux besoins locaux. ». Le Livre Blanc préconise une clarification de la doctrine d’emploi de la police municipale, c’est à dire la définition de leurs missions et de leurs modes d’intervention. Il préconise également un partenariat entre les polices « sans confusion des rôles avec les forces de sécurité de l’État notamment. »

Quant à la question de l’armement, le Livre blanc précise que l’armement de la PM doit correspondre à « un principe de nécessité et de proportionnalité, en fonction de la doctrine d’emploi de la police municipale ». La question qu’il faut donc se poser ici est : « Rennes a t-elle réellement besoin d’armer sa police ? Est-ce que ça améliore réellement l’efficience d’une politique de tranquillité publique ? » C’est comme la vidéo-surveillance, il faut l’aborder avec pragmatisme et non avec dogmatisme. Une étude ici à Rennes a démontré le peu d’efficacité de la vidéosurveillance. Les études et l’expérience des autres communes démontrent que l’armement ne permet pas d’éviter la délinquance.

Par contre, les élu.e.s du FFSU, qui sont de différentes sensibilités politiques, alertent sur la dégradation majeure des relations entre police nationale et citoyens et sur la nécessité de ne pas reproduire localement ce qui a conduit à une situation délétère au niveau national.

Les choix que nous faisons aujourd’hui en matière de doctrine de la police municipale vont conditionner demain la relation de notre institution aux habitants, et notamment à la jeunesse de nos villes et de nos quartiers.

Pour nombre de nos concitoyens, la police est considérée comme une menace. Les manifestations et les mouvements sociaux sont passés par là mais ce n’est pas tout. Les habitants qui constatent une disparition des services publiques de proximité et un retrait de l’État dans nombre de domaines admettent mal, et avec raison, que la présence de l’État dans nos territoires ne se résume à la présence policière.

Avec la police municipale, il nous faut parier au contraire sur des relations de proximité et de qualité avec les habitant.e.s. Il faut des policiers ancrés dans un quartier, qui agissent dans une approche de service aux habitant.es.

De bonnes relations entre citoyens et policiers sont une condition déterminante pour permettre à la population de se sentir en sécurité et à la police de travailler efficacement et sereinement. Veiller à la bonne qualité de ces relations est primordial dans la mesure où la police est un acteur clé dans la chaîne de sécurité, de la prévention à la répression.

La PSQ répond d’ailleurs à ce besoin de territorialisation et de renforcement des partenariats locaux entre les collectivités et la police nationale et sûrement à un besoin d’évolution de la doctrine également chez les policiers nationaux.

L’armement de la police municipale serait une erreur pour notre ville et irait tout à fait à rebours de cette nécessité de retisser la confiance entre policiers et habitants, dans le cadre d’une politique de tranquillité publique.

À Rennes le partenariat est déjà à l’œuvre entre la préfecture, la police, la justice au sein d’instances de concertation et de veille. Mais ce partenariat et la coordination entre les différents acteurs pourrait être toujours renforcés. Le Livre blanc regorge de propositions concrètes pour améliorer cette coordination et le service rendu aux habitant.e.s.

Des diagnostics de territoire communs (enquêtes de victimation), des policiers nationaux référents par quartier, des commissariats pop-up (aller-vers) pour échanger sur le sentiment d’insécurité et évoquer les problèmes du quartier. Le livre insiste beaucoup sur la nécessité de faire AVEC les associations et les habitant.e.s des quartiers qui sont eux-même aussi parfois une partie de la solution. Il suggère de s’appuyer sur les conseils citoyens qui pourrait être l’interface entre les autres habitants et les forces de l’ordre, y compris municipales. D’autres préconisations concernant le recrutement et la formation des agents : améliorer la représentativité des agents, les former à la résolution des conflits (problem solving) et à la lutte contre les discriminations. Les fidéliser par des conditions de travail et de rémunération décentes. Et surtout la nécessité d’évaluer en commun l’efficacité de l’action sur le terrain, non pas seulement en termes quantitatifs (le nombre d’interventions) mais aussi en termes qualitatifs (notion de service rendu).

Mais nous ne parviendrons à rien de mieux si l’État continue ce travail de sape des services publics. On ne peut revendiquer une meilleure efficience des politiques de sécurité et de prévention de la délinquance et par ailleurs saper les effectifs de ses services de police et des services de justice.

Comment ne pas hurler au double discours quand on voit l’état de la justice en France ?

Comment ne pas s’indigner de la baisse des moyens de la PJJ ? Ou de la baisse des moyens aux associations qui hébergent et qui accompagnent les femmes victimes de violences ?

La coordination sur le terrain nécessite du temps. Comment demander à des professionnels de la lutte contre la récidive, ou de la PJJ, ou de la santé, de participer à des instances locales quand les services sont engorgés à ce point.

Car la politique de prévention de la délinquance et de sécurité repose aussi sur un pilier qui est bien mis à mal également, celui de la prévention et de la cohésion sociale.

Comment peut-on réduire drastiquement les moyens de la prévention spécialisée, voire encourager sa disparition, réduire les moyens des départements et des services sociaux, engorger l’ASE, réduire l’hébergement d’urgence, et après faire ses yeux de biche et s’étonner des difficultés dans lesquelles sont les villes, supposant l’incompétence de celles-ci ?

C’est le double discours permanent avec ce gouvernement. Alors on reporte la charge et la faute sur les communes, où, ça tombe bien pour l’instant la majorité présidentielle n’a encore aucun.e élu.e.

Pour le groupe écologiste, cette volonté de déployer un service public au plus proche des habitant.e.s nécessitera pourtant sûrement de recruter de nouveaux policiers municipaux et des médiateurs supplémentaires.

Il nous faut une présence humaine de qualité et plus forte dans notre ville.

Les moyens de prévention des équipement de quartiers devront être renforcés, soit par la présence de médiateurs, soit par une présence éducative accrue. Nombre de professionnels sont démunis devant des faits d’incivilité, de violences ou de délinquance et la présence éducative devra être renforcée dans nos quartiers dans les équipements et sur l’espace public, en déployant une logique d’aller-vers.

Le Livre Blanc de la FFSU que je vous invite à consulter, nous incite à sortir des logiques propres à chaque institution pour revenir aux besoins des habitant.e.s.

Les idées ne manquent pas et elles sont bien plus propices à un travail commun que des postures politiciennes somme toute stériles. Mais j’ai bien peur que cette demande de notre part, reste un vœu pieu dans les mois qui viennent.