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Catherine Phalippou Culture – Langues de Bretagne – Tourisme Ma vie d'élu·e

Triple inauguration au Musée des Beaux Arts

Triple inauguration ce 15 février, par Catherine Phalippou, élue déléguée aux Musées.

La première exposition que nous inaugurons jette un double éclairage sur le siècle des Lumières et nous éblouit de deux feux. A été initié, hier, à Nantes un éloge de la sensibilité, qui durera trois mois, place ce soir à un éloge du sentiment qui n’en durera pas moins longtemps. Nous allons savourer le résultat d’une magnifique collaboration entre les musées du grand ouest, aux manettes de laquelle se sont placées Nantes et Rennes. L’exposition est gémellaire, co-produite et accueillie simultanément à Nantes et Rennes, consacrée aux peintures françaises du XVIIIe siècle détenues par les Musées des Beaux Arts, de Brest, Quimper, Morlaix, Lamballe, Nantes et Rennes. Un gros travail de redécouverte des collections a abouti à cette double exposition de près de 140 tableaux et à un catalogue commun.

L’exposition nantaise nous baigne dans l’univers des thèmes abordés picturalement au XVIIIe siècle ; et je laisse à Nantes le privilège de convoquer Rousseau mais aussi Diderot, pour accompagner la grande palette des portraits, paysages, des tableaux de famille etc. qui apparaissent en ce siècle. Je me permets pour ma part d’appeler auprès de moi Voltaire, qui m’aidera à évoquer en deux mots l’exposition de Rennes.

Dans son Dictionnaire philosophique, Voltaire a ces mots sur le goût non dépravé, non « fantaisie » comme il dit. Le goût est sentiment,… il est – dit-il, je le cite – « discernement prompt […] qui prévient […] la réflexion ; il est […] sensible et voluptueux à l’égard du bon ; il rejette […] le mauvais avec soulèvement. ». Et en ce siècle qui peine à sortir d’obscurités diverses, Voltaire fait un pari follement optimiste sur les artistes, sur l’impact civilisateur de la fréquentation des œuvres d’art.

Notre exposition rennaise illustre l’espoir d’éveil culturel, d’éclairage pictural formulé par les humanistes moraux.

Elle donne à voir l’invitation de ce siècle à un pré-réfléchi averti de l’histoire, permettant de mieux s’y engager.

Après ce grand tour de l’Ouest, arrêtons-nous ensuite à Carhaix – le temps de la naissance et de l’enfance de l’artiste en tous les cas – pour inaugurer ensemble la deuxième exposition de ce soir. Je veux évoquer l’exposition à l’étage de notre musée, du peintre du XIXe siècle, Armand-Félix Jobbé-Duval. Elle est le résultat d’une opération de mécénat participatif qu’il a initiée. Et nous ne pouvons que remercier une nouvelle fois tous les mécènes. L’opportunité a été saisie en 2016 d’acquérir un fonds de près de 260 dessins de ce citoyen engagé, peintre monumental , auquel nous devons notamment les plafonds de la salle de réunion de notre Parlement de Bretagne. Notre cabinet d’arts graphiques s’en trouve désormais enrichi, et trois accrochages de trois mois nous sont proposés pour les admirer, respectant la fragilité des dessins, que l’on ne peut pas exposer plus longtemps sans les abîmer.

Merci à notre conservateur, Guillaume Kazerouni, de nous donner à voir depuis janvier les dessins préparatoires de Jobbé Duval pour ses décors publics, suivront ses dessins pour les décors religieux, puis des études diverses.

Enfin, troisième exposition de ce soir : nous nous réjouissons de la présence parmi nous dans notre ville de l’artiste Christina Kubisch, et des trois co-organisateurs de l’exposition qui lui est consacrée. Comme l’attestent les archives disposées dans le patio, l’artiste revient sur les traces « d’un crime » commis en 1985 dans une certaine Maison de la Culture rennaise. Nous accueillons cette fois pour deux mois une de ses installations nourrie de huit années d’exploration artistique vivante. Christina Kubish est une artiste allemande, fascinée depuis près de cinquante années, par la dimension invisible et inaudible qui habite notre perception présente. Notre sensibilité contemporaine est soumise à un bain constant d’ondes électro-magnétiques que notre artiste révèle de façon tangible. Outre que l’œuvre rejoint des inquiétudes légitimes sur l’inocuité de ces fumées que nous traversons au quotidien, elle peut questionner sur le silence dans notre société technologique. Peut-on sincèrement encore le demander ?

Clélia Barbut, Docteure en sociologie et en histoire de l’art contemporain a aidé les deux commissaires Damien Simon, Directeur artistique du Bon Accueil (lieu rennais d’art contemporain sonore) et Anne Zeitz, Maître de conférences en arts plastiques. Ils nous en diront peut-être plus dans quelques minutes à propos de leur démarche autour de l’œuvre sonore intitulée « Cloud ». Qu’ils soient en attendant remerciés pour leur investissement. Merci aussi à Christina Kubisch.

Je terminerai mon intervention inaugurale, en revenant à Voltaire une dernière fois. Trois siècles après le siècle des Lumières, force est de constater que l’art n’a pas rendu les hommes meilleurs. Mais écoutons ce philosophe qui , il y a trois siècles, voulait « chasser l’infâme », comme il le signait sur ses lettres. Son propos était quelque peu inquiétant : « (…) où les hommes et les femmes ne se rassemblent point, (…) l’esprit est rétréci, sa pointe s’émousse, il n’a pas de quoi se former le goût. » Je voudrais vous remercier, vous, les artistes, et tous les organisateurs de ces réunions autour des œuvres d’art, de nous offrir des occasions de goût. Je remercie aussi au nom de la Ville, les conservateurs et conservatrices, les directeurs, les agents de la Ville et tous nos partenaires, à Rennes et ailleurs, sans qui l’esprit manquerait de piquant et de sel. Enfin, merci aussi à vous public, de venir vous réunir et aiguiser votre goût.

Merci de votre fidélité à votre musée.