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Transmusicales 2018 : la garantie d’une expérience nouvelle, artistique et pleine d’humanité

Le 5 décembre, Benoît Careil, adjoint à la Culture, a inauguré les Transmusicales 2018 au nom de la Maire de Rennes

Je me répète chaque année, mais tant pis, c’est toujours pour moi une fierté de prendre la parole pour fêter le lancement des Transmusicales au nom de la Maire de Rennes et à travers elle, des Rennaises et des Rennais.

Pour moi, comme pour de très nombreuses personnes vivant sur ce territoire, les Trans font depuis longtemps partie de notre patrimoine commun, plusieurs générations de Rennaises et de Rennais ont un souvenir personnel, une anecdote vécue durant cette semaine folle de décembre qu’ils racontent à leurs enfants ou amis, des milliers ont en commun un concert d’un artiste inconnu devenu incontournable quelques années après.

Comme le Parlement de Bretagne, les soirées festives du quartier Sainte-Anne Saint-Michel ou la Coupe de France de 71, les Trans sont un marqueur de l’identité de la Ville.

Au point que la Ville a même acheté le nom Transmusicales en 1999, et il est aujourd’hui jalousement surveillé par nos services.

Mais rassure toi Jean-Louis, ta liberté de programmation aussi fait partie du patrimoine de la ville depuis 40 ans, et nous veillons avec la même conviction à ce que tu puisses en user sans restriction, comme on le fait pour tous les responsables de programmation artistique à Rennes.

Avec Hervé Bordier jusqu’en 1995 puis tout seul, puis assisté de Matthieu Gervais, tu as construit année après année une approche très personnelle du métier de programmateur, un peu punk sur les bords, ne faisant confiance qu’à ton ressenti personnel, peu intéressé par les chiffres de vente et les opérations de com des labels.

Cette approche intègre de la programmation est certainement l’un des secrets de fabrique des Trans, c’était la conviction de la bande de Terrapin dès la fin des années 70, celle de proposer un voyage initiatique dans la galaxie musicale mondiale, dans des terres inexplorées, à la découverte de sons, de musiques et d’artistes inconnus.

Dès ses premières années, grâce à vous deux, Béa et Jean-Louis, grâce à Hervé Bordier, à Jean-René Courtès, Jean-Michel Lucas, et tant d’autres, les Trans sont devenus le rendez-vous des férus de nouvelles tendances musicales, des avant-gardistes du rock, puis de la sono mondiale, puis de l’électro, puis du Hip hop, etc etc. C’est chaque année aussi un rendez-vous obligé du monde la musique, des éditeurs,  producteurs, tourneurs ou programmateurs.

Au fil des années, le festival a formé le goût d’un public rennais particulièrement privilégié. Il a développé chez chacun et chacune des capacités à mettre en perspective des musiques, à comparer des performances de musiciens, à mettre des mots sur des musiques nouvelles, sur des expériences inédites.

La première édition de la Rave O Trans en 92 fut pour tous ceux et toutes celles qui y ont participé, une expérience extraordinaire et un atterrissage fantastique sur une terre inconnue. Même Le Liberté ne ressemblait à rien de connu dans un festival de musique, et je ne parle pas de la découverte des fréquences basses de la musique techno naissante qui nous ont fait comprendre au sens littéral l’expression « une musique qui vous prend aux tripes ».

Les Trans, depuis 40 ans, c’est cela, la garantie d’une expérience nouvelle.

Un an après la Rave O Trans, j’ai eu la chance de vivre l’expérience salutaire de jouer aux Trans. Hervé et Jean-Louis ne s’étaient pas trompés en programmant mon groupe en 93, un an avant le tube de l’été et le scandale de l’automne. Il faut dire que les petits cris de champignons qui voulaient ouvrir les volets de la perception résonnaient avec ce festival qui ne recule devant aucune porte fermée et invite à l’aventure artistique.

Les Trans et la scène rennaise, c’est une longue histoire de vie de famille. Les Trans, on les quitte difficilement avant 20 ans, on s’en éloigne pour se différencier, on y revient avec envie et un peu de nostalgie, mais ce qui est sûr c’est que chaque année en décembre, on ne peut pas s’empêcher d’en parler.

J’aime beaucoup les mots de Philippe Pascal dans le supplément de Society :

« À chaque fois que je me produis à Rennes, je flippe, dit-il. Je joue devant des gens que je croise le lendemain au café. Des Rennais qui ne te mettent pas sur un piédestal »,  c’est tellement vrai.

La communauté rennaise des musiques actuelles est vite devenue exigeante. Il faut dire qu’à Rennes, on se prend tous pour des journalistes spécialisés dans la musique. Et pour les groupes qui montent, mieux vaut ne pas trop la ramener et développer sa carrière en regardant devant, au loin.

Après tout, cette exigence et cette impossibilité de regarder derrière, c’est peut être aussi l’un des secrets de la réussite des artistes rennais.

En tout cas, cette exigence artistique et ce solide esprit critique sont certainement parmi les plus beaux cadeaux faits par les Trans aux Rennaises et Rennais.

Jean-Michel Lucas, qui fut l’un des piliers de l’équipe des Trans à ses débuts, disait souvent qu’il fallait faire jouer les groupes le plus souvent possible pour qu’ils se lassent, se séparent et que les meilleurs musiciens se retrouvent dans de nouveaux groupes plus prometteurs.

À Rennes, ce savoir-faire très pragmatique et pertinent dans l’accompagnement des parcours d’artistes, on le doit certainement aux Trans. Passer aux Trans, c’est un but atteignable pour un groupe rennais, mais à la condition d’être très bon sur scène, unique et très déterminé. C’est sûr, connaître le plus tôt possible des conditions de réussite, qui ne sont pas valables que pour les Trans, ça aide à avancer plus vite.

Je voudrais conclure en parlant des droits culturels, pour lesquels avec Béatrice Macé, nous militons depuis longtemps.

J’ai évoqué la liberté de programmation, l’immense liberté de création des artistes programmés, je voudrais saluer l’égale dignité avec laquelle les membres de l’équipe des Trans entrent en relation avec chaque artiste présent au festival, dans le plus grand respect de son identité culturelle et bien sûr de son univers artistique.

Un univers artistique personnel toujours inventé et bricolé, à partir d’une multitude de références musicales inventées et déjà bricolées par d’autres avant. C’est toute l’histoire des musiques actuelles et on le lit chaque année dans la carte du ciel musical des Trans qui nous informe sur l’endroit où chaque artiste se situe dans l’histoire des musiques actuelles.

Le reggae issu du ska et du rocksteady, influencé par le jazz et le blues vient d’être inscrit au patrimoine immatériel de l’UNESCO. C’est là la reconnaissance d’un véritable bricolage artistique réussi et devenu universel, comme on peut en découvrir chaque année au moment de leur éclosion aux Trans.

Je le disais dans mon introduction, les Trans font partie du patrimoine commun des Rennaises et des Rennais et sans doute d’un peu plus, et elles le resteront aussi longtemps que nous nous y retrouverons pour vivre une expérience nouvelle, artistique et pleine d’humanité.