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À la une Conseil municipal Matthieu Theurier

Non à la mise sous tutelle des collectivités par l’État

[Conseil municipal du 25 juin 2018]

L’État et la Ville de Rennes vont signer un « pacte » visant à contraindre l’augmentation des dépenses. Nous nous sommes élevés contre cette véritable mise sous tutelle qui pénalisera au final les habitant·e·s de notre ville.

 

 

Conseiller municipal

Co-président du groupe écologiste

Vice-président de Rennes Métropole en charge de l’ESS

 

Intervention de Matthieu THEURIER au nom des élu-e-s écologistes et citoyens et de l’Union démocratique bretonne

« Participation à l’effort de redressement des comptes publics », « pragmatisme », « rationalisation », « efficacité », « on dépense un pognon de dingue » : voici les mots du macronisme rabâchés chaque jour depuis un an maintenant. Ces mots, ils ne sont malheureusement pas nouveaux : ils étaient déjà à peu de chose près ceux des présidents Sarkozy et Hollande lorsqu’il s’agissait de dépense publique et de mise en œuvre de leur politique d’austérité.

Évidemment, personne ne peut être contre la réduction de la dette. Qu’elle soit financière ou écologique, nous ne pouvons pas nous permettre de faire peser les conséquences de nos décisions d’aujourd’hui sur les générations futures. Mais, derrière les mots, la réalité des actions est en fait toujours la même : réduire encore et toujours un peu plus les services à la population.

Les chiffres assénés sont anxiogènes. La dette publique en France c’est 2 100 milliards d’euros, 98 % de notre PIB.

Évidemment, on ne précise jamais que la dette privée, celle des ménages et des entreprises, est bien plus importante que la dette publique puisqu’elle représente quant à elle plus de 130 % du PIB.

On ne précise jamais non plus que la dette de la France est dans la moyenne européenne et qu’elle est bien inférieure à celle des États-Unis ou du Japon.

On ne rappelle jamais que depuis trente ans, les dépenses de l’État, rapportées au Produit Intérieur Brut sont restées globalement stables. Elles ont même plutôt baissé, d’environ 3 points de PIB sur la période (INSEE).

On n’explique jamais que ce n’est pas l’augmentation des dépenses de l’État qui est la première cause de sa dette mais la bien la baisse de ses recettes. En trente ans, les recettes de l’État ont connu une baisse de l’ordre de 25 points par rapport au PIB et cette tendance s’est accélérée ces dernières années à grand coup de réductions d’impôts aux entreprises, de niches fiscales pour les riches, sans oublier une inaction quasi totale contre l’évasion fiscale, évaluée pourtant en France, entre 60 et 80 milliards d’euros par an.

Évidemment, au lieu de s’attaquer aux sources du problème, Monsieur Macron, président des riches, fait le choix de baisser encore l’impôt sur les sociétés sans condition, de supprimer l’impôt sur la fortune, de supprimer l’exit tax qui permettait justement de lutter un peu contre l’évasion fiscale.

En 2018, les dégrèvements d’impôts représenteront ainsi 18 % des dépenses de l’État. Bien plus que les dépenses d’enseignement ou encore les dotations aux collectivités qui ne représentent elles que 3,9 % de ses dépenses.

On se prive de ressources essentielles en faisant des cadeaux fiscaux au plus riches et on explique ensuite que les services publics qui servent à toutes la population doivent se serrer la ceinture faute de moyens. C’est un choix politique que nous ne partageons en rien.

 

 

Et j’en viens donc au sujet qui nous concerne tout particulièrement aujourd’hui, à savoir la mise sous tutelle des dépenses de fonctionnement des collectivités, plus poliment appelée « contribution des collectivités à la maîtrise des dépenses publiques ».

Lorsque l’on parle de dette publique, il faut aussi toujours rappeler qu’en France elle est à 80 % le fait de l’État (1 700 milliards sur 2 100), et seulement à 9 % le fait des collectivités locales.

Il faut redire que les collectivités, contrairement à l’État, ne peuvent voter un budget en déficit.

Il faut redire que sans l’effort des collectivités, le déficit public aurait continué à se creuser.

Les collectivités n’ont de leçon à recevoir de personne en matière de bonne gestion et particulièrement la Ville de Rennes qui depuis quarante années maintenant est exemplaire en la matière.

Cette mesure est d’autant plus absurde qu’elle ne tient pas non plus compte de l’évolution positive des recettes que peuvent connaître les budgets des collectivités. Il est donc probable que nous entrions dans une situation où nous ne puissions pas utiliser l’ensemble de nos ressources financières. Et la seconde lame qui arrive, c’est que dans quelques années l’État aura beau jeu de dénoncer les matelas constitués par les collectivités locales pour mieux réduire encore leurs dotations budgétaires. C’est exactement de cette façon qu’Emmanuel Macron a procédé pour réduire drastiquement les ressources des offices de logements sociaux, avec des conséquences qui seront vite dramatiques pour le droit au logement de tou·te·s.

Moins de dépenses publiques locales, c’est moins de services à la population, alors même que les besoins sont toujours plus forts.

Moins de dépenses publiques locales, c’est moins d’investissement en faveur de l’économie et de l’emploi sur nos territoires.

Les collectivités locales sont le premier rempart contre les inégalités, elles sont le moteur de la solidarité et de la transition écologique. E. Macron choisit à dessein de les étouffer par un acte de recentralisation sans précédent qui s’apparente bien à une mise sous tutelle.

Le contrat qui nous est imposé de manière unilatérale, sans dialogue montre l’arrogance du pouvoir et le peu de considération pour les territoires et leur organisation. Cet encadrement est une atteinte grave à notre libre administration puisque nous en sommes désormais rendus à devoir négocier avec l’État le déploiement de nos services publics locaux. Cette décision va à l’inverse de notre volonté d’une plus grande autonomie pour les collectivités locales.

C’est une décision inefficace économiquement, injuste socialement, en plus d’être un frein à la transition écologique. Nous y sommes, vous l’avez compris, fortement défavorable.

Nous ne doutons pas, Mme la Maire, M. l’adjoint aux finances, que vous avez fait votre possible pour éviter à la Ville de Rennes un encadrement trop restrictif qui nous empêcherait d’agir. Vous avez d’ailleurs obtenu quelques résultats puisqu’au lieu des 1,2 % annoncés nous serons à 1,3 %.

Ce que nous contestons c’est bien la logique d’action du gouvernement. Elle est un engrenage dans lequel nous ne devons pas mettre le doigt car finalement ce sont bien l’ensemble des Rennais·e·s qui en feront les frais.

C’est pourquoi, nous appelons à une initiative forte de l’ensemble des collectivités. Notre résistance à cette mesure inacceptable passera pour nous ce soir par un vote contre la délibération qui nous est proposée.