Catégories
Conseil municipal Gaëlle Rougier

La démocratie représentative en crise

[Conseil municipal du 9 octobre 2017]

La démocratie représentative est en crise. Les référendums de Catalogne et du peuple kurde d’Irak en sont les derniers symptômes. Les écologistes ont toujours plaidé pour le droit à organiser un référendum d’initiative populaire à l’échelle nationale ou locale.

 

 

Conseillère municipale

Co-présidente du groupe écologiste

 

Intervention de Gaëlle ROUGIER au nom des élu-e-s écologistes


 

L’actualité de ces dernières semaines aura été marquée par la tenue de deux événements majeurs et pourtant dramatiques dans leur déroulement. Il s’agit de deux référendums, celui de Catalogne évidemment et celui, dont on aura moins parlé, celui du peuple kurde d’Irak.

Le 25 septembre, plus de 3 millions de personnes votaient pour l’indépendance de la nation kurde en Irak. Le scrutin, tout comme la campagne qui l’a précédée, s’est déroulé dans le calme et selon une procédure démocratique transparente.

Dans un pays du Moyen-Orient en guerre contre Daech et menacé par des États voisins qui n’ont pas lésiné sur les intimidations et les manœuvres diverses pour dissuader la population d’aller voter, la tenue pacifique de ce référendum où plus de 72% des inscrits de sont rendus aux urnes est déjà une prouesse en soi.

Prudente sur le sujet de l’autonomie surtout dans le contexte espagnol, la communauté internationale s’est bien gardé de saluer ce référendum pour ce qu’il est : l’expression pacifique de l’aspiration à l’autonomie de tout un peuple pourtant bien malmené par l’histoire et ce dans le respect des normes et valeurs démocratiques de nos grandes démocraties occidentales.

Nous ne pouvons que saluer le résultat du référendum en Irak et espérer que cette consultation apporte une lueur d’espoir au peuple kurde dans son accession à l’autonomie.

Mais quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir par ailleurs sur la volonté d’autonomie de ces deux peuples, la répression qui aura répondu à ces deux consultations démocratiques et pacifiques a frappé les esprits et ne peut qu’interroger.

En Catalogne, l’attitude brutale du gouvernement central espagnol des dernières années aura eu pour conséquence de renforcer l’opposition indépendantiste mais aussi de fédérer, au-delà de cette seule mouvance, autour de revendications démocratiques qui vont bien au-delà de la simple question de l’autonomie de la Région. Face à l’interprétation crispée que fait Mariano Rajoy de la constitution espagnole et des textes internationaux, le mouvement indépendantiste catalan fait figure de résistance et d’alternative à la brutalité et au conservatisme de l’État central, dirigé par un parti plongé par ailleurs dans des scandales de corruption à répétition.

L’enjeu n’est plus seulement l’indépendance de telle ou telle région mais bien la pratique démocratique et la capacité des peuples à s’autodéterminer, dans tous les sens du termes et donc à initier des modes de démocratie directe.

Nous avons lu ici et là que l’avenir de l’Europe se jouait en Catalogne. Ah et pourquoi ? La Catalogne, si elle devenait indépendante n’adhérerait-elle pas à l’Union Européenne ? Et l’Écosse, et le Pays basque ne sont-elles pas des régions très attachées à l’Europe ?

Quant à l’argument de l’illégalité supposée de ce référendum, il est tout à fait spécieux. L’article 2 de la Constitution espagnole de 1978 reconnaît que l’Espagne est constituée de plusieurs nations et garantit leur droit à l’autonomie. L’article 10, lui, stipule que tout ce qui a trait aux droits de l’homme doit être interprété au regard des textes internationaux que l’Espagne a ratifiés. Or, que disent ces textes ? Que l’autodétermination des peuples est un droit, à condition que certains critères soient remplis. Parmi les plus importants de ces critères, il y a le fait qu’un pays ou une région ne doit pas être agressif ou encore persécuter une minorité et, enfin, être en capacité de s’administrer. Et justement, la Catalogne répond à ces trois critères. Alors quel est le problème ?

C’est à se demander de quoi les élites européennes et médiatiques ont vraiment peur. De l’autonomie ou de la possibilité d’organiser des consultations directes qui aient des conséquences réelles et d’ampleur sur la vie démocratique des nations.

Cette crise serait-elle une facette de la crise de la démocratie représentative ? Arc-boutés sur la figure d’Etats-nation qui bien souvent ont perdu toute crédibilité auprès des citoyen-e-s – faut-il rappeler la très faible participation aux dernières élections nationales en France ? – les dirigeants et les partis politiques majoritaires en Europe n’ont cessé de mépriser, tout en les craignant, les velléités de démocratie directe.

En France, à droite, comme à gauche, nous héritons d’une révolution des lumière en Europe qui aura ancré pour longtemps dans l’esprit des élites françaises que seule une élite éclairée et centralisée doit guider le peuple. Parler de démocratie directe n’est plus tabou mais pourtant le spectre de la dictature du plus grand nombre plane. En France, l’organisation d’un référendum d’initiative populaire n’aura finalement pas vu le jour alors qu’il est déjà couramment pratiqué en Italie et en Suisse par exemple. Aujourd’hui en France et ce depuis la loi de 2008, le référendum d’initiative partagé doit prendre la forme d’une proposition de loi soutenue par un cinquième au moins des membres du Parlement. Par la suite, elle doit aussi recueillir le soutien d’au moins un dixième des citoyens inscrits sur les listes électorales. Soit plus de 4,5 millions de personnes. Autant dire que le référendum est verrouillé.

Cette crise politique aura eu pour vertu de remettre au cœur du débat la place croissante de la démocratie locale et directe dans notre système représentatif, vécu comme de plus en plus sclérosé.

Les écologistes ont toujours plaidé pour le droit à organiser un référendum d’initiative populaire à l’échelle nationale ou locale.

Il ne fait mystère pour personne également que les écologistes plaident pour plus de décentralisation et pour un pouvoir régional renforcé dans le respect des règles de solidarité et d’équité entre régions.

Notamment l’échelon régional et local nous paraissent les lieux d’expérimentation et de mise en œuvre d’une démocratie directe et innovante, au plus près des aspirations des citoyens.

À Rennes, notre Fabrique citoyenne est déjà un processus de démocratie participative pionnier. Avec la Charte de la démocratie locale, nous disposons d’un droit de pétition et la Maire peut organiser des consultations locales indicatives. Nous pourrions aller plus loin avec la mise en place d’une procédure référendaire comme à Grenoble.

Nous souhaiterions dans les années à venir en voir naître la possibilité pour les Rennaises et les Rennais.