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Ondes électromagnétiques dans le métro : il faut une expertise indépendante

[Conseil métropolitain du 20 octobre 2016]

Les deux lignes de métro rennaises vont être équipées de la 3G/4G. Au-delà du projet de société que nous voulons, la question de l’exposition aux ondes électromagnétiques est un enjeu de santé publique. Nous avons réclamé une expertise indépendante.

Conseiller métropolitain

Conseiller municipal délégué aux Usages du numériques (Ville de Rennes)

 

Intervention de Laurent HAMON au nom du groupe écologiste


citationÀ travers cette délibération de demande d’autorisation d’utilisation de l’espace public, il s’agit de l’installation dans le métro, ligne A puis ligne B, de la téléphonie mobile grand public dernière génération, c’est-à-dire la 3G et la 4G.

Il nous semble important de revenir un moment sur le fondement de ce projet, de ce nouveau service prévu à destination des usagers du métro.

En effet, nous nous interrogeons, non pas sur son utilité, mais sur le type de société que nous sommes en train de concevoir.

Très concrètement, le temps moyen d’un usager dans le métro est de moins de 10 minutes, environ trois stations. On peut donc se demander si, durant ces 10 minutes, on ne peut pas se passer de l’utilisation de son smartphone. En fait, doit-on proposer en tout lieu, en tout endroit, 24h/24h, 7j/7, 365 jours par an, d’être connecté ? Nous pensons que ce débat aurait dû être approfondi d’un point de vue politique au sein des instances métropolitaines. Je pense notamment au comité de pilotage Smart City / Ville intelligente qui se réunit depuis plus d’un an maintenant, où nous pourrions réfléchir et débattre de notre vision commune. Surtout que très récemment, en août 2016, est arrivé dans notre Code du travail, un article sur « le droit à la déconnexion ». Vous imaginez bien que si aujourd’hui nos parlementaires ont senti le besoin d’encadrer l’usage du numérique, c’est que ce temps de l’immédiateté, du temps réel, de la connexion permanente commence à poser de vraies questions au plan sociétal.

 

Malgré ces doutes quant à l’intérêt de votre projet, M. le Président, M. le Vice-président, nous entendons l’espoir que vous formulez : au-delà de sa dimension high tech, cette installation pourrait incidemment contribuer à améliorer la situation actuelle, qui n’est en effet pas satisfaisante sur le plan des ondes dans le métro. Les téléphones qui restent allumés et cherchent des relais de connexion sans les trouver, émettent des ondes importantes, d’autant plus importantes qu’ils sont dans un véhicule en mouvement. Nous ne pouvons que soutenir toute piste d’amélioration dans ce domaine, même si celle-ci doit bien sûr être étayée – j’y reviendrai.

 

Nous tenons tout d’abord à souligner les points positifs inscrits dans cette délibération. Par exemple, l’attribution à un unique opérateur pour un seul et même réseau, à destination de l’ensemble des opérateurs de téléphonie mobile. Ainsi, il n’y aura pas 4 réseaux parallèles et autant d’équipements, mais un seul. L’opérateur dit « de mutualisation » qui nous est proposé est TDF.

Cette entreprise, connue du grand public, a en charge depuis 1975 la diffusion de la radio et de la télévision. Cette entreprise a d’ailleurs su prendre le virage des nouvelles technologies et des nouveaux modes de consommations. On pourra d’ailleurs citer, à leur actif, le dernier Data Center implanté sur notre territoire. Nous tenons à le signaler car il est finalement rare de voir des entreprises ayant su adapter à ce point, et avec une telle réussite, leur modèle économique.

Ensuite, pour construire son réseau téléphonique, TDF s’appuiera sur le réseau public de fibre optique de la Ville de Rennes, le réseau FOR. Cela permet de fiabiliser la connexion, d’optimiser les coûts tout en apportant une recette supplémentaire à la Ville.

De même, sur les 6 pages de la délibération, 2 sont consacrées à l’aspect sanitaire.

Car de fait, la question de l’exposition aux ondes électromagnétiques est un enjeu de santé publique.

D’autant qu’en 2011, l’Organisation Mondiale de la Santé a classé les ondes électromagnétique dans la catégorie dite 2B c’est-à-dire, cancérogènes possibles pour l’homme.

L’un des points cruciaux est de pouvoir mesurer régulièrement l’exposition de nos usagers. Vous avez pris la précaution de faire réaliser en juin 2016 des mesures avant installation dites « point zéro ». De même vous prévoyez de faire réaliser des mesures après installation pour vérifier que l’étude prédictive faite par TDF soit conforme à ce qui nous est annoncé ce soir. À savoir, un niveau de champ d’exposition médian inférieur à 0,3 V/m, inférieur à 1V/m dans 99% des cas et n’excédant pas 3 V/m. Nous vous suivons sur ces points.

Nous constatons toutefois que les mesures qui vont être effectuées vont s’appuyer sur des prestataires agréés COFRAC. Cet agrément, strict minimum règlementaire, est basé sur un respect des seuils d’exposition inscrits dans un décret de 2002. Or entre 2002 et aujourd’hui, non seulement les technologies ont évolué car nous ne parlions pas de la 3G ni moins de la 4G, mais le nombre d’antennes-relais et de téléphones a plus que progressé. Le décret, lui, n’a pas bougé. Il est devenu obsolète. Il reste applicable et nous devons bien sûr le respecter, mais nous ne pouvons pas bâtir notre contrôle sanitaire sur cette seule base.

Car depuis 2002, différents textes de lois, de décrets, de résolutions, rapports, au plan national ou européens, sont sortis. Aujourd’hui, il nous faut donc avoir une vue d’ensemble et plus conforme à la réalité.

C’est pourquoi le groupe écologiste souhaite que notre principe de précaution aille encore plus loin, en mesurant l’ensemble du spectre électromagnétique et en prenant en compte les derniers textes.

Je me permets d’en citer 3 principaux :

  • L’article L32-12 du Code des Postes et Télécommunications Electroniques, qui définit des exigences en matière de santé, de sécurité et de compatibilité électromagnétique ;
  • La directive 2013/35/UE du Parlement Européen qui permet d’instaurer des mesures plus appropriées et plus proportionnées visant à la protection des travailleurs contre les risques liés aux champs électromagnétiques. C’est-à-dire, les personnes travaillant dans le métro, les agents de Kéolis, les médiateurs…
  • Le décret du 2016-1074 du 3 août 2016, qui vise à prendre en compte les personnes à risque particulier (enfants, femmes enceintes, diabétiques…) et les porteurs de dispositifs médicaux (défibrillateurs, pompes à médicaments, pace maker…), applicable le 01/01/2017.

 

De même, la résolution N°1815 de 2011 du Parlement européen qui demande, je cite : « de fixer un seuil de prévention pour les niveaux d’exposition à long terme aux micro-ondes en intérieur, conformément au principe de précaution, ne dépassant pas 0,6 volt par mètre, et de le ramener à moyen terme à 0,2 volt par mètre ».

Ces trois textes nous donnent des pistes à investiguer pour aller au-delà des rapports type « COFRAC ». Alors que ces derniers sont de simples tableaux de mesures, nous aurons besoin, a fortiori pour une opération pionnière comme celle-ci, observée au plan national, d’expertises plus poussées et plus fines, intégrant les travaux de recherche les plus récents. D’expertises qui nourrissent aussi notre réflexion avec des préconisations pour ajuster notre dispositif.

Nous pensons indispensable d’intégrer une brique supplémentaire au dispositif présenté ce soir, à travers une dynamique d’études et d’accompagnement par un organisme indépendant (nous insistons évidemment sur ce point) qui permette non seulement d’élargir et de renforcer le spectre de nos mesures, mais aussi de produire des analyses et des recommandations.

C’est d’ailleurs ce type de rapport que les juges demandent lorsqu’il y a contestation sur des mesures devant les tribunaux.

En France, il existe un organisme indépendant qui fait ce type de travail. Le CRIIREM. Nous souhaitons donc pouvoir le mobiliser pour nous apporter, à nous élus, mais aussi à nos services et nos concitoyens, une meilleure compréhension des résultats de notre expérimentation, et donner un caractère véritablement exemplaire à notre démarche.

À ce jour, plus d’une cinquantaine de collectivités font appel à ce type d’accompagnement. On peut citer Strasbourg, Grenoble, Échirolles, Le Mans, Brest, Caen… des conseils régionaux comme l’Île de France, Provence Alpes Côtes d’Azur, Rhônes-Alpes… Mais aussi des administrations comme la DRIRE, la DIRECCTE… et des entreprises, parmi lesquelles… TDF !

Cela s’articulerait particulièrement bien avec le groupe de suivi, composé d’élus, des services référents et d’associations, qui fait l’objet de l’ajout proposé en séance ce soir. Nous renforcerions ainsi sa capacité à suivre l’ensemble des travaux et à proposer des recommandations à notre assemblée. Cela favoriserait également la communication et la pédagogie autour de l’ensemble des résultats et mesures, qui devront être rendus publics en toute transparence. Comme le prévoit notre programme commun, engagement pris devant les habitants.

 

En conclusion, nous saluons l’effort de prise en compte de l’aspect sanitaire mais demandons de bénéficier des recherches les plus récentes et des apports des derniers textes à travers la sollicitation d’une expertise complémentaire. La qualité et l’exhaustivité des contrôles, comme les modalités de suivi et de publications des données, seront déterminants dans ce projet. Nous serons plus que vigilant sur cet impératif d’excellence.