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Conseil métropolitain Valérie Faucheux

Migrants : organisons-nous pour mieux accueillir

[Conseil métropolitain du 17 mars 2016]

Dans le cadre du dispositif européen d’accueil mis en place à l’automne dernier, les communes de Rennes Métropole ont proposé 130 places à l’État. Aujourd’hui, seule une vingtaine sont occupées. En attendant l’arrivée de Syriens, Irakiens ou Yézidis, ne pourrait-on pas proposer ces places à d’autres familles ?

 

Conseillère métropolitaine
Intervention de Valérie Faucheux au nom du groupe écologiste

citationNous discutons ce soir de l’hébergement des migrants sur notre territoire dans un contexte européen et français que l’on ne peut que qualifier d’affligeant d’un point de vue humanitaire et humain tout simplement. Après l’émotion suscitée par la mort d’Aylan, les discours d’accueil se sont traduits dans les faits par une politique sécuritaire. La fermeture des frontières par un certain nombre d’États européens, le renforcement de Frontex ont pour conséquence de renvoyer la gestion des migrants à la Turquie et à la Grèce. Des pays qui n’ont pas les moyens d’organiser l’hébergement et la prise en charge de ces milliers de personnes qui fuient la guerre et l’oppression. C’est face aux barbelés, dans la boue, le froid et la promiscuité la plus insupportable que des femmes mettent au monde des enfants

À Calais, à Munich, le gouvernement Valls fait perdre son âme à une Europe qui foule aux pieds les valeurs dont elle se réclame, à un peuple qui se veut solidaire, comme en a témoigné la vague de propositions d’hébergements privés, l’automne dernier. Ces déclarations et décisions ne sont que de piètres réponses à la montée de l’extrême droite. Elles ont même l’effet contraire, celui de valider les discours racistes et xénophobes.

Heureusement, dans ce marasme idéologique, des citoyens et des élus se mobilisent, comme à Vern où nos collègues ont décidé de mettre le drapeau en berne pour marquer leur désaccord avec la politique européenne de gestion de la crise migratoire.

Dans ce contexte, le dispositif Coorus (Coordination d’urgence sociale), conjointement financé par notre métropole, la ville de Rennes, l’État et la fondation Abbé Pierre doit être promu comme une réponse à la tentation du repli sur soi. Il permet de sécuriser le parcours des migrants qui peuvent y accéder.

Mais du fait de ce contexte, il doit aussi évoluer.

 

Faisons évoluer les critères d’attribution de l’hébergement d’urgence

En effet, l’État ayant modifié ses procédures de prise en charge des primo arrivants, il est donc normal que Coorus change ses critères d’attribution. Si la prise en charge renouvelable sur 6 mois et non 3 mois est une bonne chose, nous nous interrogeons sur la troisième catégorie. En effet, il s’agirait d’héberger des personnes relevant du droit commun, donc des migrants ayant obtenu un titre de séjour régulier. S’il est parfois difficile de prendre en compte en temps réel, les changements de situation administrative des personnes, Coorus a pour vocation de loger des personnes n’ayant pas accès au droit commun. C’est autant de places non disponibles pour celles et ceux qui peuvent prétendre à Coorus, notamment les nombreuses personnes malades.

En outre, l’évolution réglementaire concernant les personnes relevant de la convention de Dublin impose désormais l’assignation à résidence. Je rappelle que les migrants doivent déposer leur demande d’asile dans l’État membre par lequel ils sont rentrés. Ainsi lorsque l’examen de la demande d’asile relève d’un autre État membre, les demandeurs d’asile sont placés sous procédure Dublin. Certes ils reçoivent une attestation de demande d’asile valant autorisation provisoire de séjour, renouvelable jusqu’au transfert effectif vers l’État responsable de leur demande. Mais, ils peuvent être assignés à résidence. S’il ne s’agit pas pour nous de remettre en cause l’hébergement de ces personnes, nous refusons que Coorus devienne un outil de coercition et de contrôle de la préfecture en attendant la décision de l’État d’entrée en Europe.

Coorus doit rester un dispositif d’hébergement, de mise à l’abri et non devenir le support de la politique migratoire européenne et nationale.

 

Nous pouvons trouver des places

Aujourd’hui, si on peut constater moins de personnes à la rue, la situation reste précaire. En effet, les associations d’une part ont organisé des occupations de logements vides ou de l’hébergement militant. D’autre part, la ville de Rennes depuis l’été 2014 prend en charge les familles dans le cadre d’un hébergement hôtelier. Ce dispositif répond à une première urgence, essentielle : la mise à l’abri. Mais d’autres problématiques se créent ou restent en l’état. Pendant les week-ends et les vacances scolaires, les enfants sont à la rue la journée car l’hôtel ne les accueille qu’à partir de 18 heures. Les parents ne peuvent y préparer des repas. Seul un hébergement pérenne permet le suivi et l’accompagnement social, sanitaire et éducatif de ces enfants et de leurs familles.

Dans le cadre du dispositif européen d’accueil mis en place à l’automne dernier, vos communes ont été nombreuses à répondre à l’appel. Ainsi 130 places ont été proposées à l’État. Seules une vingtaine sont aujourd’hui occupées. Les associations comme la fondation Abbé Pierre, le Dal 35, la Cimade, le MRAP, les Cercles de Silence, le Secours catholique que nous avons récemment rencontrés nous ont interpelés pour que ces places servent aux migrants qui aujourd’hui errent encore sur notre territoire, dans le cadre de ce qu’ils ont appelé un Coorus-bis. En attendant l’arrivée de Syriens, Irakiens ou Yézidis, ne pourrait-on pas proposer ces places à d’autres familles ? Les associations avec lesquelles la ville de Rennes dialogue sont disposées à être vos interlocuteurs pour la mise en place de convention précaire, la prise en charge des fluides, le suivi social.

Cette interpellation de la Fondation Abbé Pierre ne doit pas rester lettre morte. S’il existe des logements vides sur notre métropole, organisons-nous pour mieux accueillir et dans la dignité. Nous proposons que cette question soit rapidement débattue dans le cadre de la commission habitat par exemple.