Monsieur le président, chers collègues
Nous souhaitons prendre appui sur cette délibération, pour revenir sur une décision récente de la Collectivité Eau du Bassin Rennais concernant le service de l’eau pour les communes des anciens syndicats de Lillion, Rophémel, auxquels il faut ajouter les communes de Chevaigné et Saint-Sulpice-la-Forêt.
Alors que nous avons construit il y a peu, un opérateur public, la SPL Eau du Bassin Rennais, et que Rennes Métropole y prend toute sa part en en devenant officiellement actionnaire aujourd’hui, le comité syndical de la CEBR a pris la décision le 1er octobre dernier, de confier à nouveau deux contrats de distribution de l’eau à des multinationales pour huit nouvelles années.
Cette décision a été prise sans aucun débat au sein de notre assemblée, sans aucun débat avec la population, celle-là même qui est directement concernée.
Déléguer la distribution de l’eau à ces entreprises, c’est nous retirer du pouvoir d’agir et de décider.
Nous, les élus mais aussi, nous ET les usagers. Nous déplorons cette décision qui a été prise sans débat public avec ceux qui sont les premiers concernés dans nos communes. C’est 23 779 abonnés que nous avons ainsi engagés, qui plus est au-delà de notre mandat.
Une discussion prochaine aura lieu à la CEBR pour définir la stratégie pour les prochains contrats. Et nous y prendrons toute notre part, pour faire en sorte que la SPL devienne l’opérateur unique.
Mais ce débat vient un peu tard ! Nous prenons un risque, nous prenons même deux risques. D’abord un risque politique : rien n’assurera que cette stratégie sera réellement mise en œuvre en 2024 par nos successeurs. Et surtout un risque technique, que devra assumer la SPL qui devra prendre en charge une zone rurale très étendue. En effet, elle devra gérer la distribution de l’eau pour les communes de ses anciens syndicats (Rophémel et de Lilion) mais aussi de celles de l’ancien syndicat nord, dont le contrat tombe lui aussi à échéance en 2024.
Une décision décriée par les représentants des usagers !
Par ailleurs, la décision de la CEBR n’est pas soutenue par les représentants des usagers.En effet, le 29 septembre, 13 associations de la commission consultative de la SPL ont été consultées. Hormis une abstention, toutes se sont prononcées contre la mise en concurrence. Ces associations environnementales mais aussi de défense de consommateurs et des locataires défendent une idée que nous partageons. Celle que l’eau est un bien commun, un bien vital, dont nous devons garantir l’accès à tous. Elle ne peut être une marchandise gérée, qui plus est, par une multinationale.
L’eau n’est pas une marchandise
Nous savons tous que le privé ne fait rien qui ne lui soit profitable.
Et c’est le service de l’eau, autrement dit, la facture des usagers qui va payer les charges de structure, c’est-à-dire une partie des dépenses du siège de Véolia ou de la Saur.
Elle va aussi servir à rémunérer les actionnaires, qui engrangent de substantiels dividendes. Preuve en est, un des rapports annuels de délégataire annonce près de 11% de marge ! Ce taux de profit à deux chiffres est aujourd’hui la norme réclamée par le système financier qui domine l’économie. Dans le contexte de crise que nous vivons, rares sont les entreprises qui peuvent annoncer de tels chiffres.
À quel prix un tel taux de marge ? Et bien en survalorisant par exemple le coût des travaux. En effet les services du SMPBR en 2014 ont dû signaler l’imputation à tort de personnels d’exploitation sur des opérations de travaux. Ce sont 74 000 € qui avaient été ainsi surfacturés par Véolia. On note aussi des retards dans les dépenses de renouvellement du réseau et de nombreuses incohérences sur les indicateurs de suivi de la qualité de l’eau. Bien sûr, les services de contrôles de la CEBR sont intervenus et tout est rentré dans l’ordre. Mais quelle énergie, quel temps perdus! On aurait d’emblée évité ces incohérences avec la SPL.
Par ailleurs, nous avons pour objectif d’aboutir à un prix unique de l’eau sur tout le territoire. Mais par quel mécanisme parviendrons-nous à harmoniser des tarifs qui vont de 2,05 à 3,24 € le mètre cube ? C’est la part de la facture attribuée à la collectivité qui servira de variable d’ajustement, et cela au détriment du financement de la rénovation du réseau.
L’eau en gestion publique, ça fonctionne
Plusieurs grandes villes ont repris en main la gestion de l’eau, citons par exemple Grenoble, Cherbourg, Rouen, Évry, Bordeaux, et même Paris. Et toutes l’attestent : avec une gestion publique, c’est entre 10 et 27 % de diminution des factures qui sont constatés. Alors pourquoi allons-nous à contre-courant de modèles qui fonctionnent et qui fonctionnent bien?
Alors que nous avons salué la création de la SPL en avril dernier,
Alors que nous avons œuvré à la mise en place d’un cadre collectif pour gérer la compétence « eau » au sein de la métropole et même au-delà, rassemblant des structures de gestion de l’eau, jusque-là éclatées en de multiples syndicats afin de présenter enfin un système cohérent et lisible aux citoyens,
Alors que nous avons l’ambition de mettre en œuvre un prix unique de l’eau sur les 56 communes de la collectivité Eau du Bassin Rennais,
Bref alors que nous avons fait preuve d’une certaine innovation
Nous nous sommes contentés de déléguer la distribution de l’eau pour 25 de nos communes à une entreprise privée. C’est-à-dire, à faire ce qu’ont toujours fait nos prédécesseurs et parfois même depuis plus de 100 ans.
La co-gestion du service de l’eau par la Collectivité Eau du Bassin Rennais et la SPL est la seule capable de mettre en cohérence nos différentes politiques : protection de la ressource, qualité de l’eau, économie d’eau, prix unique, gestion de grands investissements… C’est bien ce modèle de gestion publique maîtrisant la chaîne de l’eau potable de bout en bout qui est innovant. C’est celui-là que nous aurions dû porter. Et c’est celui que nous continuerons à défendre.
Je vous remercie |