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À la une Conseil métropolitain

Assumons réellement nos responsabilités démocratiques

Gilles NICOLAS
Conseiller communautaire

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[Conseil communautaire du 18 décembre 2014]
Le conseil communautaire du 18 décembre a adopté une nouvelle Charte de la gouvernance. Qui témoigne certes d’une avancée par rapport aux pratiques antérieures, mais ne permet pas encore d’associer tou-te-s les élu-e-s communautaires aux décisions qu’ils valident chaque mois.
Intervention de Gilles NICOLAS au nom du groupe écologiste 
Monsieur le Président,Cher-e-s Collègues

 

La charte de gouvernance n’est pas un document contractuel mais il donne le ton de la manière dont l’exécutif et les membres de notre assemblée entendent s’organiser pour prendre des décisions qui engagent la responsabilité de chacun d’entre nous.

Pardonnez-moi de faire un petit historique qui permettra aux nouveaux élu-e-s de mieux comprendre l’objet de mon intervention.

Lors du précédent mandat j’étais intervenu pour dénoncer un mode de gouvernance de notre institution qui plaçait constamment les conseillers communautaires et les maires devant des situations de faits accomplis.

Le Président Delaveau avait consenti à réunir un groupe de travail sur la gouvernance. Ce qui nous avait permis d’élaborer une première charte de gouvernance dont les progrès les plus marquants se sont surtout fait sentir au niveau de la conférence des maires.

Cependant rien n’avait bougé en ce qui concerne le rôle des conseillers communautaires et le fonctionnement démocratique de notre assemblée. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité poursuivre mon engagement sur la liste des municipales en limitant mon mandat à celui de conseiller communautaire.

La reconnaissance de mon nouveau statut de simple conseiller communautaire, après deux mandats de Maire, n’a pas été évidente et je remercie le groupe écologiste de m’avoir permis de le représenter dans les différentes instances qui ont eu à traiter de la gouvernance et de la métropolisation.

Mes cher-e-s collègues, nous voterons cette Charte pour les avancées qu’elle contient : l’officialisation des groupes de travail et l’évocation des comités consultatifs, qui contribueront à faire des passerelles entre élus et société civile ; l’approfondissement de la logique d’appropriation en direction de tous les élus de nos communes ; le positionnement clair des commissions « restreintes » dans le chapitre « construction des décisions » ; la mise en place de secteurs géographiques – mais j’y reviendrai.

Nous voterons cette Charte pour marquer notre accord sur le mode d’élaboration de ces textes : une procédure de concertation qui mériterait d’être appliquée aux autres décisions de notre assemblée.

Mais nous voterons cette Charte en insistant sur les lacunes démocratiques qui subsistent à nos yeux. Je rappelle qu’un élément nouveau est intervenu depuis le dernier mandat, sans doute pas encore assimilé à sa juste valeur : l’élection directe des conseillers communautaires au suffrage universel. Malgré la formule ambiguë de la Loi électorale, qui oblige la présentation de deux listes sur le même bulletin de vote des municipales et encourage le cumul des mandats, nous sommes bien réunis ici au titre de l’intérêt métropolitain. Maires et non-maires, sur un pied d’égalité qui exige des pratiques démocratiques nouvelles et innovantes au sein de cette assemblée. Je regrette que nous ne soyons pas allés aussi loin que nous l’aurions souhaité et qu’une véritable démocratie l’exige.

Notre démocratie est en crise et nous en portons tous une part de responsabilité. Les citoyens ne se reconnaissent plus dans leurs élu-e-s, même si les maires conservent encore une bonne popularité mais pour combien de temps encore ? Nul d’entre nous ne doit ignorer les menaces qui pèsent sur notre système démocratique. Les citoyens en mobilité ne s’inscrivent plus sur les listes électorales, les taux d’abstention sont en progression constante et les votes contestataires renforcent un peu plus, à chaque scrutin, les positions du front national qui récupère les déçus de nos comportements politiques.

En effet, les pratiques des organes représentatifs nationaux et locaux ont sérieusement dévié des postulats démocratiques de notre Constitution : « Le principe de la souveraineté est un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » à tel point que les représentants dans les différentes assemblées sont jugés d’aucune utilité aux yeux de nos concitoyens.

Vous pensez qu’ils exagèrent ? Je crains qu’ils aient raison si j’en juge par la manière dont les partis majoritaires s’emparent des différents exécutifs pour réduire au rang de figurants leurs assemblées délibératives. C’est là, à mon avis, que le bât blesse.

La charte de gouvernance qui vous est proposée témoigne d’une avancée par rapport aux pratiques antérieures mais elle ne permet pas encore à notre Conseil de se doter des moyens d’associer tous les élu-e-s communautaires aux décisions qu’ils valident chaque mois.

Qui décide du nombre de commission nécessaires à la préparation des décisions ? Qui choisit les Vice-Présidents ? Qui décide de la composition de ces commissions dites restreintes ? Qui s’assure que toutes les délibérations qui sont présentées au bureau ou en Conseil ont été travaillées, et non simplement lues, dans une commission composée d’élu-e-s de notre assemblée ?

Nous sommes 122 membres dans cette assemblée. Est-ce vraiment nécessaire que nous soyons si nombreux ? Si oui, alors il faut le prouver par l’action et non par la seule présence passive une fois par mois à ce conseil. Combien peuvent dire qu’ils ont réellement participé à la préparation de décisions, nourri ou infléchi ne serait-ce qu’une orientation ?

Le temps que nous consacrons à notre mission est-il en rapport avec le montant de l’indemnité que nous percevons ? Cette remarque vaut autant pour les Vice-Présidents que pour les conseillers communautaires.

Être membre d’une assemblée n’est pas une fonction honorifique, nous avons des devoirs à l’égard des citoyens qui nous ont élus. Les textes que nous votons ce soir doivent nous donner les moyens d’assumer nos mandats et de nous organiser tous ensemble pour préparer les décisions que nous votons, avec responsabilité et en toute connaissance de cause. L’exécutif ne doit pas se substituer par défaut aux charges de l’assemblée délibérative.

Ce changement de posture est d’autant plus important et urgent que nous allons officiellement opter pour un nouveau statut de métropole. Ce statut nous ne l’avons pas choisi, il nous est imposé dans des conditions très critiquables, tant par la méthode que par les délais de mise en œuvre.

Sur la méthode, je ferai remarquer qu’aucune réflexion préalable n’a été menée auprès des élu-e-s des communes de notre agglomération pour mesurer les impacts et l’intérêt d’une telle évolution. C’est la Loi nous dit-on, comme s’il s’agissait d’une fatalité. Or la Loi est le fait de parlementaires nationaux, dont certains siègent ou ont siégé dans cette instance, et ont soutenu ce dispositif de métropolisation verrouillé par le haut. Aujourd’hui on cherche à nous convaincre que c’est pour le plus grand bien de nos populations. Mais vouloir faire le bonheur des peuples malgré eux, et parfois contre eux, n’est pas défendable.

Sur les délais de mise en œuvre tout le monde s’accorde pour déplorer que cette réforme intervienne une année de renouvellement des équipes municipales et sur une période aussi courte. La précipitation n’est pas une bonne méthode de gouvernement.

Cependant, il faut être pragmatique : ce qui est fait est fait, à nous d’en tirer les leçons. C’est la raison pour laquelle nous sommes très attachés à ce que notre assemblée assume pleinement ses responsabilités démocratiques. Nous croyons à l’intelligence collective dès lors que celle-ci dispose des moyens de la faire valoir. Or notre système démocratique est sclérosant en favorisant le cumul des mandats et la concentration des pouvoirs dans les mains d’une minorité de personnes « prétendument éclairées » qui préfèrent s’appuyer sur l’avis des experts et des technocrates pour asseoir leurs décisions au lieu d’écouter l’avis des représentants du peuple spécialement élus à cette fin. Les élu-e-s sont motivé-e-s, il leur manque un vrai statut pour assumer correctement leur mandat.

La métropolisation est actuellement la forme la plus aboutie de l’intégration des communes, dont une grande partie des compétences « stratégiques » est transférée, mais aussi celles des départements, et accessoirement celles des régions et de l’État. Notre préoccupation d’élu-e-s ne peut se limiter au rayonnement international de la ville-centre. Représentants des territoires, nous avons à créer des dynamiques locales en matière économique, sociale et environnementale, qui permettront aussi à nos concitoyens d’accéder au mieux vivre ensemble. Ceci ne se décrète pas du sommet mais se construit jour après jour par nous élus, de toutes catégories sociales, en lien direct avec tous les acteurs locaux et les citoyens de nos territoires.

Oui, nous sommes favorables à la sectorisation à condition qu’elle intègre TOUS les conseillers communautaires des territoires concernés.

Oui, nous sommes favorables à la conférence des maires à condition que son rôle soit celui qui lui est conféré à la conférence métropolitaine par le CGCT : la « coordination entre la métropole et les communes membres », « l’harmonisation de l’action de ces collectivités ».

Nous souhaitons que le groupe de travail « Gouvernance » soit appelé à établir une évaluation et à présenter un rapport dans un délai d’un an sur les conditions de fonctionnement de notre institution afin de s’assurer que l’esprit de la charte et les dispositions du règlement intérieur sont adaptés à notre nouveau statut. Nous revendiquons le droit à l’expérimentation et donc à l’erreur : nous devrons nous donner les moyens de les corriger autant que nécessaire.

 

Merci de votre attention.