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Priorisons notre soutien aux entreprises qui agissent pour l’écologie et la justice sociale

Conseil métropolitain du 1 février 2024 · Intervention portée par Morvan Le Gentil au nom des élu·e·s écologistes et citoyen·ne·s sur la délibération n°4 : Développement économique – Innovation – Pôles de compétitivité – Subventions aux entreprises et établissements d’enseignement supérieur et de recherche impliqués dans des projets collaboratifs labellisés par les pôles de compétitivité – Convention cadre 2024-2027

Nous étions déjà intervenus en mai dernier au sujet de la Stratégie Régionale de Transition économique et Sociale, sur la nécessaire éco-socio-éga-conditionnalité de nos aides économiques aux entreprises. Les urgences climatiques et sociales sont telles, la raréfaction des ressources si préoccupante et l’inflation si impactante pour notre collectivité, que nous ne pouvons plus continuer à financer des projets néfastes pour le climat, la santé ou encore fortement consommateurs de ressources naturelles. Nous devons cibler notre soutien aux acteurs économiques en cohérence avec nos priorités politiques. Il nous semble que cette intervention du mois de mai est toujours d’actualité ce soir, au moment d’approuver cette convention avec la région sur le financement de projets collaboratifs portés par les PTCE.

En effet, cette convention avec la région ne donne que peu de gages en la matière. Pour les projets dits structurants, elle mentionne bien que ceux-ci doivent, je cite “pleinement intégrer les objectifs de transition écologique et énergétique”, mais sans les détailler. Pour les projets dits collaboratifs, la formulation est plus vague encore : « Seront privilégiés les projets susceptibles d’apporter, directement ou indirectement, des réponses prometteuses aux défis sociétaux actuels et à venir« . 

On nous répondra à juste titre que selon la même convention, chaque collectivité partenaire est libre de fixer ses propres critères de sélection des projets. Et donc, que Rennes Métropole pourra sélectionner les projets à cofinancer en fonction de ses propres critères. Il existe bel et bien une grille de critères RSE, en interne de la collectivité, qui vient analyser tout projet ou demande d’aide économique émanant d’entreprises du territoire. L’objectif est d’identifier avec l’acteur concerné les démarches RSE déjà mises en place (diversité du recrutement, mobilités durables pour les collaborateurs, tri des déchets, fournisseur d’énergie, numérique responsable, etc) et celles qui peuvent être améliorées ou amplifiées. C’est une nouveauté à saluer et c’est le fruit, nous le savons, d’un long travail des services pour refonder la politique d’aides économiques. Mais cette grille est tout à fait insuffisante et souffre à notre sens de deux défauts : 

  • d’une part, elle n’a pas à notre connaissance de vocation éliminatoire, et il n’y a pas de facteur d’exclusion par rapport au secteur d’activité de l’entreprise, ce qui se fait pourtant dans les analyses de critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) en finance par exemple ;
  • d’autre part, et c’est le plus important, l’analyse RSE ne porte que sur les process de l’entreprise, et non sur son activité en tant que tel, à savoir ses produits et services. Autrement dit, avec une telle grille, nous pourrions sans problème soutenir Total Energies, Bayer Monsanto ou encore Philipp Morris, pour prendre des exemples caricaturaux – et certes irréalistes d’un point de vue financier – qui ont des process RSE très poussés. Pour autant, les produits qu’ils proposent sont néfastes pour la planète, pour l’environnement et pour la santé humaine.

Nous devons donc y intégrer une analyse de la finalité de l’activité de l’entreprise ou du projet, ainsi que des produits et services générés. Nous ne pouvons plus nous contenter d’une doctrine RSE héritée des années 1990 et fondée sur la seule analyse des process. Cette grille doit nous permettre d’écarter de notre soutien des projets qui n’iraient pas dans le sens de la lutte contre les dérèglements climatiques, de la préservation de la biodiversité et des ressources naturelles comme l’eau, le sol ou l’air, ou encore de la justice sociale et de la solidarité. 

Priorisation et cohérence doivent être nos boussoles. Favorisons les projets réellement durables de TPE et PME disposant de peu de moyens. A l’inverse, faisons confiance aux écosystèmes déjà dotés d’une forte capacité de levée de fonds, et cessons de les prioriser dans nos mécanismes d’aides publiques. C’est encore trop le cas pour le numérique et la digitalisation par exemple, des secteurs qui posent également un certain nombre de questions en matière d’impact environnemental.

Pour ce qui concerne plus particulièrement les PTCE, nous doter de telles grilles permettrait de trier ce qui relève d’une réelle innovation à impact et ce qui relève davantage du gadget ou du marketing ou pire de projets nous éloignant de la sobriété et des transitions, en particulier des secteurs agricoles et agro-alimentaires. Par exemple, chez Vegepolys, dans la liste des projets soutenus et réalisés, se côtoient des projets axés sur la santé, l’adaptation des cultures au dérèglement climatique ou la recherche de produits naturels pour remplacer les pesticides de synthèse, mais aussi des projets dont on saisit moins l’utilité immédiate, comme celui visant à travailler sur la texture optimale de plans de maïs pour en faire des cornflakes (projet à 3.5 millions d’euros). Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur tel ou tel projet, mais bien de dire qu’à l’orée des transitions indispensables que nous devons engager, et au vu de nos contraintes budgétaires, certains projets doivent être soutenus en priorité, et d’autres non. Cette logique a été suivie au sein du pôle de compétitivité ID4Car, devenu notamment avec le soutien de la métropole ID4Mobility et désormais davantage tourné vers les mobilités décarbonées. Ce qui démontre bien que la métropole a des leviers, par le dialogue et par les financements, pour influer sur les dynamiques de transition des acteurs privés.

A nos demandes écrites puis orales lors du conseil de mai dernier, il nous avait été répondu par M. le vice-président que la commission développement économique serait dans les prochains mois saisie “de la co-élaboration et de l’évaluation de ces critères, pour si besoin les affiner ou les corriger”.  Nous réitérons donc notre souhait de voir rapidement démarrer ce travail de critérisation, avec une ambition et une exigence conformes à nos engagements politiques, et une généralisation à l’ensemble de nos dispositifs d’aide économique. 

Dans l’attente de ces améliorations, nous nous abstiendrons sur cette délibération.

Seul le prononcé fait foi