Montserrat Casacuberta-Palmada

Conseillère déléguée aux Politiques linguistiques et langues de Bretagne à la Ville de Rennes et conseillère métropolitaine de Rennes Métropole.

Née à la fin de la période de dictature du général Franco en Catalogne Sud, j’ai très vite senti que ce qui était arrivé aux Catalans des générations précédentes n’était guère réjouissant. 

Enseigner le catalan pour reconstruire la Catalogne

Dans les années 90, un statut politique régional est enfin restitué à la Catalogne et une politique linguistique reconnaissant le catalan comme langue co-officielle voit le jour. C’est à ce moment que j’ai commencé à enseigner le catalan à un public adulte dans la vieille ville de Barcelone. J’ai intégré le tout jeune corps des agents régionaux à la politique linguistique. Nous étions alors dans un quartier bouillonnant, lieu de croisement de cultures et de brassage d’une population venue de tous les horizons. 

À une époque où la Catalogne était en pleine reconstruction politique, la langue catalane méritait à nouveau d’être protégée, enseignée, dynamisée.

Non seulement auprès d’une population qui ne l’avait jamais abandonnée comme langue familiale, mais aussi auprès des habitant·e·s qui tout en faisant le choix de l’apprendre devenaient des constructeurs actifs d’une société dont la diversité linguistique allait être un symbole fort à l’avenir. 

L’une des bonnes actions sociopolitiques a été le choix de l’enseignement public par immersion linguistique. En effet, à l’initiative des parents d’élèves des quartiers plus populaires, ce type d’enseignement a permis aux enfants et aux jeunes de Catalogne de maîtriser l’espagnol et le catalan à la fin de leurs études obligatoires. 

L’enseignement par immersion a été un instrument au service de la cohésion sociale, il a été salué par l’Europe.

Il est aujourd’hui en pleine transformation pour s’adapter au plurilinguisme des enfants et des jeunes de la région maîtrisant souvent trois ou quatre langues.

Un parcours universitaire ouvert sur l’Europe

J’ai consacré les premières années de ma carrière professionnelle à la promotion et l’enseignement du catalan en tant qu’agent public de politique linguistique. Plus tard, j’ai travaillé sur la diversité des langues et leur rôle fédérateur dans notre monde. J’ai été très portée par les questions de diversité, plurilinguisme, égalité de chances, cohésion sociale et aide à l’inclusion.

Je suis arrivée à Rennes en 1997 pour enseigner pendant quatre ans à l’Université Rennes 2. Je me suis intéressée à la langue bretonne et ses locuteurs et locutrices. Cet intérêt ne m’a plus abandonnée. Revenue en 2009, je l’ai ensuite enrichi par la découverte des citoyen·ne·s locuteurs de gallo. 

Docteur en Sciences du langage, j’ai participé en tant que représentante de la France à des projets européens financés par l’UE tels que « COST Newspeakers in a multilingual Europe : opportunities and challenges »

Mon engagement pour Rennes et la Bretagne

Toute politique linguistique publique a un sens premier : aider les locuteurs et locutrices d’une langue quelconque de l’utiliser normalement dans un maximum de domaines.

Les langues sont la preuve qu’elles sont capables de survivre malgré toutes les politiques à leur encontre, mais elles ne sont pas en mesure de véritablement avancer s’il n’y a pas une volonté des administrations de les aider.

Le XXIe siècle sera celui des identités croisées, des villes où la diversité pourra être encore plus célébrée. C’est le combat pour la dignité de nos diversités celui qui anime mon engagement politique.

L’UDB (Union démocratique bretonne) a été très solidaire des mouvements sociaux et politiques qui ont animé la Catalogne entre 2010 et 2017. Ils ont notamment soutenu le référendum d’autodétermination de la Catalogne et ont participé aux manifestations pour demander un réel dialogue politique entre l’État et cette communauté autonome au sein de l’Espagne. C’est ainsi que j’ai fait connaissance avec des militant·e·s de l’UDB.

Je suis une femme de gauche. Au moment des municipales de 2020, l’UDB m’a proposé d’intégrer le parti et de rejoindre la liste « Choisir l’écologie pour Rennes » à leurs côtés. Il m’a semblé naturel d’être solidaire de leurs combats après qu’ils eurent soutenu la Catalogne quelques années auparavant. 

Nous partageons finalement le même combat contre la discrimination des peuples et la lutte pour un pouvoir géré au plus proche de ces peuples et leurs besoins.

Les priorités du mandat

Notre politique linguistique doit s’inscrire dans une action globale qui tienne compte de la diversité linguistique, quelles que soient les langues. Le plurilinguisme des Rennais·es sera au cœur de nos préoccupations. L’objectif sera de mener des actions qui renforcent la cohésion sociale dans nos quartiers.

Les langues de Bretagne constituent une richesse de notre territoire et une occasion pour élargir nos pratiques linguistiques et nos cultures. Elles permettent de créer du lien social et renforcent notre dynamique associative.

En ce qui concerne la langue bretonne, nous continuerons d’appuyer son apprentissage et son enseignement de la petite enfance à l’Université. Ainsi, nous renforcerons la coordination avec les instances métropolitaines, départementales, régionales et académiques pour l’enseignement en breton et nous ouvrirons une nouvelle filière bilingue publique bisannuelle. Aussi, nous étudierons la réalisation d’une seconde crèche immersive. 

En outre, notre ville accueille les associations les plus représentatives qui s’occupent de la formation professionnelle pour un public adulte. Nous voulons renforcer le départ en formation linguistique longue des agents publics avec des missions auprès de nos enfants. Nous validerons la charte Ya d’ar Brezhoneg niveau 2 à la ville.

Quant au gallo, nous soutiendrons les actions des associations pour leur permettre d’avancer de façon significative et d’augmenter le nombre de locuteurs et locutrices. Nous tisserons des liens de coordination au niveau métropolitain et régional. 

Nous entamerons un dialogue avec la Métropole pour promouvoir nos langues sur tout le territoire métropolitain. 

N’ayons pas peur d’une politique publique de la diversité. Il est temps de laisser vivre ces langues en pleine normalité. Continuons à faire de Rennes le cœur battant des langues de Bretagne et de la célébration du plurilinguisme des Rennais et des Rennaises !