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Mobilité : il faut aller plus loin, plus vite

Conseil métropolitain du 30 janvier 2020 – Intervention de Morvan Le Gentil au nom du groupe écologiste et citoyen

Le plan de déplacements urbains a été adopté. Ce document formalise les grands engagements de la métropole en matière de mobilité. Réseau express vélo, covoiturage rémunéré, bus en site propre, cadencement du train quotidien… les choses commencent enfin à bouger. Mais il faut aller beaucoup plus loin et surtout accélérer!

« C’est un petit peu difficile de ne pas se répéter puisque cela fait quelques années que nous travaillons sur le sujet. Néanmoins on s’aperçoit qu’à chaque fois que l’on remet le sujet sur le tapis, d’une certaine manière nous avons une amélioration continue du document. Nous sommes, presque à regret, au niveau de la validation puisque peut-être qu’en continuant on pourrait encore continuer à l’améliorer et c’est sans doute ce qu’il faudra faire.

Nous saluons néanmoins les dernières évolutions qui suivent finalement certaines de nos préconisations. C’est l’accélération de la réalisation du réseau express vélo, c’est l’émergence de cette évolution en termes de cadencement « deux trains même voies ».

Nous nous sommes longtemps demandé en interne si c’était un nouveau nom donné au RER métropolitain. Ce n’est pas vraiment ça, mais il y a manifestement une piste qui correspond à des objectifs que nous partageons. Et puis c’est l’expérimentation autour du covoiturage rémunéré.

Nous avons là des pistes qui bougent. L’impossible devient petit à petit possible notamment lorsque les citoyen.ne.s, les élu.e.s et les technicien.ne.s de la métropole se mobilisent.

Avec un petit regret, c’est que le petit à petit est un peu trop « petit à petit » puisque les difficultés augmentent manifestement plus vite que nos solutions. Nous devons aller beaucoup plus loin, il faut changer de braquet, accélérer.

De la cohérence Un premier axe que nous devons développer, c’est la question de la cohérence. Cohérence d’ensemble du PDU. Lorsqu’on investit à fond sur la transformation du parc de bus vers une solution électrique, cela veut dire comment au niveau de la métropole est-ce qu’on engage la production d’énergie qui corresponde.

Il y aurait nécessité d’avoir un vrai plan d’énergies renouvelables qui accompagne ce développement-là et qui puisse gérer les questions d’appel de puissance que cela va générer.

C’est de la cohérence aussi dans les choix d’urbanisation. Quand on développe aujourd’hui un projet comme celui de la Barre Thomas, avec des commerces, des entreprises qui vont encore accroître la congestion de la route de Lorient c’est une vraie question que nous nous posons.

Cohérence aussi dans la continuité totale des sites propres. Aujourd’hui les sites propres de bus avancent petit à petit, ils sont discontinus ou vont mettre dix ans pour émerger de manière plus structurée. Nos collègues de deuxième couronne ont pointé la priorité de cette mise en cohérence des sites propres de bus à l’échelle de la métropole jusqu’en deuxième couronne, sans doute insuffisamment mise en œuvre aujourd’hui et même demain dans le cadre de ce PDU.

Cohérence toujours autour des effets de bords entre les autorités organisatrices de mobilité. Cette incompréhension complète et cette impossibilité que nous avons à expliquer au citoyen.ne qui vit la métropole, même s’il n’habite pas une commune de la métropole, que lorsqu’on est à Melesse on ne puisse pas avoir les facilités que peuvent avoir les Bettonnais. Nous devons avancer sur cette question de la cohérence et nous sommes encore très en retard sur le sujet.

C’est aussi la cohérence au niveau des expérimentations qui ont pu être mises en place depuis quelques années puisque l’on a testé des choses abandonnées assez rapidement notamment sur le « commune à commune ». Nous avons l’impression que nous ne nous sommes pas donné le temps de laisser dans la durée s’épanouir de nouveaux fonctionnements. Il y aurait besoin d’une vision de long terme là dessus pour laisser le temps aux usages, y compris d’habitat ou d’implantation d’entreprises, de se déployer en fonction de ces nouvelles offres.

C’est un peu symbolique, mais quand la Métropole intègre dans sa revue métropolitaine des publicités pour les nouvelles lignes d’avion c’est aussi la question de quelle priorité, quelle cohérence on veut afficher vis-à-vis des citoyens.

Changer de braquet pour le vélo

Au-delà de ce balayage rapide, deux sujets sur lesquels il faut qu’on revienne parce qu’ils sont abordés de manière insuffisante. Le premier c’est évidemment le vélo. 61 % des réponses à l’enquête publique l’évoquent. Le baromètre des villes cyclables est un outil formidable pour analyser réellement ce qu’il se passe. Dans notre métropole, les retours d’usagers sont très importants et nous avons ainsi une base de connaissances assez fine aujourd’hui. Et manifestement, certes la question de la sécurisation est traitée et est d’ailleurs bien le minimum qu’on puisse assurer à nos concitoyen.ne.s.

Le réseau express vélo, évidemment est aussi un minimum, nous avons là un rattrapage de ce que nous aurions dû mettre en place depuis déjà dix ans. Au-delà de ça, il faut vraiment engager une réflexion à 360 degrés sur cette question du vélo, sur des questions de transfert de voirie de la voiture vers le vélo de manière majeure, sur des questions d’intermodalité puisque aujourd’hui elle est très perfectible avec le train et elle impossible avec d’autres modes, notamment avec le car par exemple. On comprend aujourd’hui difficilement qu’on puisse dire « le réseau express vélo sous réserve de disponibilité foncière ». Cela traduit un manque d’anticipation.

Il y a un vrai enjeu à intégrer une logique de stratégie foncière dans notre politique vélo.

C’est une logique autour des services de proximité. Quand on développe le vélo c’est aussi des questions de réparation, de consignes, de douches, etc. qu’il faut développer au niveau des quartiers dans une logique de service public. C’est toute la question des signalétiques, des marquages, des cartographies. Aujourd’hui, nous n’avons pas une cartographie unifiée des transports vélo à l’échelle de l’agglomération. On n’a même pas une politique de marquage. Lorsque nous avons travaillé la liaison entre Betton et Saint-Grégoire en proposant du marquage rouge très visible au niveau des intersections, la réponse que l’on a reçue c’est on ne peut pas, on ne sait pas, on n’a pas les autorisations en rural, on ne peut pas expérimenter de la même manière qu’ailleurs. Il faut qu’on arrête avec ces questions là. On doit être en capacité d’avancer de manière beaucoup plus forte sur ces questions de signalétique et de marquage.

Et puis l’apprentissage du vélo doit être repensé, y compris pour les adultes.

Nous voulons soulever la question autour de la sanction des comportements des automobilistes indélicats. Aujourd’hui, personne ne tolérerait qu’une voiture s’arrête au milieu de la voie le temps d’aller chercher son pain, par contre on en croise tous les matins sur les pistes cyclables qui s’arrêtent cinq minutes moteur tournant.

C’est globalement la manière de prendre en compte l’expertise d’usage de tous les cyclistes et l’intégrer dans la réflexion de la réponse vélo. Il y aurait vraiment un enjeu à ce qu’on avance dans une logique de déclinaison à l’échelle de la métropole, de toutes les communes, pourquoi pas dans une logique de contractualisation métropole-communes en se posant la question du développement de plans vélo à l’échelle des communes et de la métropole de manière à ce que le schéma ne soit pas uniquement un schéma métropolitain un peu hors sol mais intègre les actions que chaque commune peut développer dans des logiques de rabattement vers le réseau express vélo dans une logique intercommunale.

Il faut qu’on ait vraiment, comme on sait le faire pour le PLH ou le PLUi une logique de plans vélo qui implique les communes dans des réflexion à 360 degrés.

Et au-delà de ça, c’est très bien que l’on pose l’échéance de 2024 mais est-ce qu’on a réellement envisagé la question de la politique RH que cela sous-tend au niveau de la métropole ? la question des équipes qui vont réellement pouvoir porter l’ensemble de ces sujets ? Il ne s’agit pas d’afficher un changement d’objectif mais réellement de s’adapter au niveau des équipes qui vont pouvoir porter ce projet. C’est une vraie question puisqu’il nous semble qu’il faudrait aussi charpenter l’accompagnement et la ressource humaine pour mener les ambitions qu’on affiche ici.

Le train du quotidien doit être une solution non négociable

Dernier point, mais c’est toujours notre point d’achoppement récurrent. La question du train. Aujourd’hui la Région affirme par la voie de son Vice Président un vrai attachement au train en disant que globalement la fréquentation du TER a doublé et que l’ambition publique et le développement du service peuvent générer une baisse tendancielle de son coût, donc que la Région s’engage à soutenir cet outil. Quand on regarde plus en détail on s’aperçoit que c’est le périurbain de Rennes qui augmente plus vite encore que le trafic à l’échelle régionale, puisque on a doublé sur une dizaine d’années la fréquentation. Et même la Cour régionale des comptes qui a remis un rapport plutôt au vitriol sur la politique ferroviaire reconnaît que dans une région bretonne qui refuse d’abandonner son ferroviaire, les usager.e.s rennais.es sont plutôt les locomotives du développement et de l’usage.

On est certain aujourd’hui que la demande est là et que le problème vient d’une offre saturée.

Certes, nous saluons l’initiative « deux trains même voie » mais en fait on a déjà la certitude que la réponse sera insuffisante avec ces trente trains supplémentaires. L’argument qui consiste à dire « pour voir plus, plus haut, plus fort ce serait après 2030 donc on ne va pas l’aborder ici » ne nous paraît pas recevable. Est-ce que le PDU a vocation à n’intégrer que des projets qui mettraient moins de dix ans à se réaliser ? Le fait que certaines réponses ferroviaires mettraient plus que dix ans à se réaliser, il faudrait dès aujourd’hui les intégrer très fortement dans le PDU de manière à ce que toutes les étapes soient bien fléchées et bien intégrées dans notre projection.

De même on n’accepte pas trop le raisonnement récurrent autour des analyses de chiffres un peu trompeuses sur le nombre de voyageurs qui servent aujourd’hui à écarter les investissements lourds ferroviaires. Nous avons régulièrement des échanges sur la comparaison entre les capacités de fréquentation du métro ou du train, mais à quoi nous sert cette comparaison puisque seul le train permet de résoudre les questions de report modal en extra rocade ? Puisque nous savons que nous ne ferons pas un métro dans la deuxième couronne, nous pouvons toujours comparer le coût au passager mais en réalité le coût d’un passager qui fait République Sainte-Anne ou le coût d’un passager qui fait Chevaigné Gare de Rennes, ça n’a rien à voir. Il faut qu’on sorte de cette référence-là.

Le train coûte plus cher dans un certain nombre de cas, mais c’est néanmoins la seule solution qui nous permette du report modal sur des distances de plus de dix kilomètres en extra rocade. Et de même quand on est sur ces comparaisons en termes de volumes de voyageurs, sachant qu’aujourd’hui on a quasiment une pénurie d’offre assumée, on est dans un cercle vicieux. Oui les chiffres disent qu’on a moins de passagers train aujourd’hui, mais on ne leur donne pas les trains suffisants pour que les chiffres augmentent. Il faudrait qu’on commence par augmenter l’offre pour réellement savoir quel est le potentiel du train. Aujourd’hui ce potentiel n’est clairement pas exploité à fond. Nous sommes dans une indécision qui a organisé cette saturation du train.

Il nous faut clairement aujourd’hui accepter l’idée que l’investissement massif, peut-être progressif, est nécessaire et que l’objectif du cadencement à 15 minutes n’est pas négociable.

Il faut qu’on inverse les choses. Puisque l’engorgement automobile est patent, puisque nous savons que dans les réponses, le covoiturage en sera une mais qu’elle ne sera pas suffisante, que le cadencement à quinze minutes sera une solution, alignons les planètes. Si on implique les partenaires on arrivera à trouver les solutions qui permettent d’atteindre cet objectif du cadencement au quart d’heure. Il faut que nous l’assumions, il faut que nous le travaillions avec les partenaires, mais c’est une conséquence non négociable de notre ambition métropolitaine. Nous aimerions pouvoir dégager un consensus sur ce sujet. Nous avons du mal à comprendre qu’on en soit encore à ce débat-là dans la situation d’engorgement qui est la nôtre.

Ce PDU n’est pas qu’un plan, c’est aussi un signal que nous envoyons et on comprend bien quand on voit les interventions préliminaires, quand on voit l’engagement des associations comme Alternatiba pour se mobiliser de manière gratuite et bénévole, parce qu’il y a une vision à défendre, une vision de l’intérêt général, quand on voit des citoyen.ne.s qui se mobilisent, quand on voit la prise de conscience collective de nos concitoyen.ne.s, quand on voit aussi la qualité du travail de programmation, de prospective que nos services métropolitains peuvent produire aujourd’hui, nous nous devons à tou.te.s de viser encore plus haut. Ce signal que nous envoyons à travers le PDU reste encore timide. Nous validerons ce PDU aujourd’hui mais nous considérons que c’est surtout un engagement qu’il faudra continuer à faire vivre et à développer. C’est une étape mais ce n’est sûrement pas une fin. »