Intervention de Gaëlle ROUGIER au nom du groupe écologiste et citoyen
Nous voulons aujourd’hui parler de la restructuration du site du CHU car ce dossier va être structurant pour la ville et n’est pas sans rapport avec la situation actuelle extrêmement préoccupante des hôpitaux publics dans notre pays.
Évidemment sur le papier cette restructuration répond à des besoins de lisibilité et de rationalisation de l’offre de soins sur le territoire. Comment ne pas adhérer à un pôle chirurgical ultramoderne, à un centre de cancérologie public, à un centre de biologie ou à un pôle mère-enfant rénové ?
On connaît l’état de vétusté de certaines sections de l’hôpital sud, tout comme au CHU avec l’IGH qui va être détruit. Mais cette vétusté est relative, surtout au niveau du confort hôtelier attendu maintenant dans une maternité avec des chambres individuelles et des sanitaires privés, sur le modèle des cliniques privées. Il y a 10 ans, lorsque 55 millions ont été investis dans l’hôpital Sud, une deuxième vague d’investissement devait suivre. Cette phase deux n’est jamais advenue et l’Hôpital Sud n’a jamais eu son laboratoire d’analyse et n’a pu améliorer le confort hôtelier.
On peut se demander si cet abandon volontaire en rase campagne de l’hôpital Sud n’était pas là pour justifier la future fusion. Entre temps ce sont quelques millions d’euros qui auront été perdus en route.
La fusion est avancée donc comme inéluctable. Cependant, avec la Chambre régionale des comptes, on peut regretter tout de même, je cite que :
« Le scénario d’une reconstruction/réhabilitation à Pontchaillou et d’une reconstruction/réhabilitation à l’hôpital Sud, en conservant les deux sites, n’est pas évoqué. Certes, le regroupement et les mutualisations peuvent être considérés comme des arguments de principe suffisants. Néanmoins, en termes de décision publique, évaluer une solution certes imparfaite, mais présentant une possibilité de choix plus souple dans le temps et en fonction des possibilités financières, n’aurait pas dû être écarté d’emblée. » fin de citation.
En soi, le regroupement des activités sur un même site n’est pas une aberration pour des raisons de coordination des services, de simplification de certaines procédures notamment de transports ou de brancardage. Au nom de la solidarité territoriale, nous pourrions admettre qu’on ne peut pas se payer le luxe de deux hôpitaux en ville lorsqu’il faut maintenir des hôpitaux de proximité en milieu rural.
Nous pourrions entendre cet argument de la solidarité territoriale mais qui n’est pas avancée du tout par ailleurs.
Car il ne faudrait pas être trop béats d’admiration devant ce projet qui cache aussi des objectifs moins glorieux de rationalisation des coûts, pour ne pas dire d’économies structurelles.
La situation du CHU de Rennes n’est pas singulière et les procédures de fusion sont un phénomène d’ampleur sur l’ensemble du territoire français dans un contexte de réduction des coûts de la médecine publique, de fermetures de lits ou de services, et de suppressions de postes. Les arguments avancés pour la restructuration du site du CHU paraissent cousu-main : un site morcelé et un éparpillement du parcours de soin, un site de l’hôpital sud et un pôle mère-enfant vétuste, un manque d’attractivité et la concurrence du privé. Cependant partout, à Nantes, à Caen, les arguments sont les mêmes. Avec derrière les mêmes objectifs.
Et nous serions complices, au-delà de la pertinence du projet de fusion, si nous ne dénoncions pas également la diminution du nombre de lits prévues d’ici la fin des travaux (plusieurs centaines selon les chiffres de la CRC) et le modèle économique nécessaire à la rentabilité du futur site. 95 % de taux d’ouverture de lits et 95 % de taux d’occupation des lits. Autant dire qu’il va falloir du turn-over. Avec une augmentation des lits en ambulatoire, passés de 190 à 239, la médecine de demain sera hors les murs de l’hôpital. Dans de bonnes conditions, faut-il espérer.
Le nombre de lits diminuera donc, au mieux sera peut-être stabilisé pour une croissance démographique qui, elle, ne cesse d’augmenter. La Chambre régionale des comptes évoque d’ailleurs l’engorgement des urgences qui alimente les services au détriment des soins programmés et d’une augmentation de la prise en charge de pathologies comme l’alcoolisme ou la toxicomanie due à une « situation de difficulté sociale ou d’une moindre couverture sanitaire du territoire et des besoins par la médecine de ville ». Elle évoque aussi le vieillissement de la patientèle avec une prise en charge croissante des pathologies liées à l’âge qui nécessitent des hospitalisations plus longues.
Que va devenir l’hôpital public à Rennes ?
Les soignants sont déjà en grève, déjà en lutte pour l’amélioration de leur conditions de travail et des patients dénoncent cette logique à Rennes, comme ailleurs. La lecture du rapport de la CRC est d’ailleurs pénible tant le soin et l’humain s’effacent devant la logique comptable de la gestion hospitalière. On y explique d’ailleurs que le taux d’occupation de la maternité est mauvais parce qu’on accompagne trop longtemps les patientes. On y apprend qu’heureusement, le service est plus rentable depuis quelques années car le nombre de sage-femmes y a diminué. Réjouissons-nous donc alors au nom de la rentabilité !
On déplore la concurrence du privé sur la chirurgie et on évoque une possible concurrence accrue sur l’obstétrique dans le futur. Et pour contrer cette concurrence, on tente de réduire les coûts, le nombre de lits et le nombre de soignants au risque de dégrader le service.
Cette logique libérale, est déjà à l’œuvre et l’hôpital est en train d’en crever et nous, écologistes, ne voulons pas nous rendre les complices silencieux de cette réalité.
Car qui doit après trouver des solutions concrètes pour que la situation ne se détériore pas ? Les villes pardi !
Heureusement la Ville peut porter et développer des projets de lieux intermédiaires, de maisons hospitalières, intermédiaires entre l’hospitalisation et le retour à domicile. Heureusement nous faisons preuve d’innovation avec le projet de centre de soins du Blosne où des médecins s’installent en SCIC et mutualisent les moyens. Oui, bien-sûr il nous faut soutenir des projets de maisons médicales pluridisciplinaires dans les quartiers et développer la médecine de ville, favoriser l’implantation des professionnels de santé.
Mais une ville ne peut absorber tout un hôpital en déshérence.
Regardez la situation à Guillaume Régnier. Qu’apporte ce projet de fusion concernant la psychiatrie ? Rien, comme l’a déjà dénoncé l’UNAFAM (Union Nationale des Associations de Familles et amis de malades psychiques).
J’avais fait une intervention en… 2017 sur la situation de la psychiatrie en France et à Rennes. Il y a deux ans les soignants étaient déjà en lutte et criaient déjà leur désespoir et aujourd’hui rien n’a changé. Au CHGR en ce moment le manque de personnel et l’inadaptation des locaux met en danger les soignants. Ces derniers dénoncent des conditions de travail odieuses et des soins dégradés, avec selon les témoignages de certain.e.s, un recours à la camisole chimique comme seule solution.
En tant qu’élu.e.s, nous voulions redire toute notre solidarité avec les soignants en lutte. Nous pensons que les villes, premier échelon de la mise en œuvre des politique de soin et actrices à part entière des politiques de santé mais pourtant si peu prises en compte par l’État, ne peuvent pas être là juste pour faire le service après-vente du Gouvernement mais se mobiliser pour un service public hospitalier de qualité.
|