Intervention de Benoît CAREIL au nom du groupe écologiste et citoyen
Chers collègues, dans le cadre de sa gestion du Centre des Congrès, Destination Rennes doit accueillir des évènements culturels, et c’est de l’un d’eux dont je veux vous parler au nom du groupe écologiste.
Nous avons voté le 20 juin dans le cadre d’une DM, une provision de 100 000 € fléchée vers le festival Politikos pour aider les organisateurs parisiens à payer la facture de location des espaces du Centre des Congrès du 1er au 4 novembre prochains.
La subvention de la Métropole de 100 000 € à Politikos, est vécue par les acteurs comme une fragilisation d’une tradition rennaise et bretonne, la co-construction des politiques culturelles.
Beaucoup d’autres territoires regardent en effet avec envie la capacité de nos collectivités à co-construire leurs politiques culturelles avec les acteurs issus du territoire. Les heures de dialogue collectif pour établir des diagnostic et des préconisations partagées à chaque échelon territoriale, permettent de mettre en place en confiance et avec une véritable intelligence collective, des plans d’actions performants et durables où chacun est reconnu, à la place qu’il occupe, comme contributeur d’enjeu public
Cette action publique co-construite est aussi une garantie pour l’ensemble des acteurs d’une égalité de traitement et un encouragement à l’innovation et à l’excellence.
Les écologistes sont fiers de cette capacité des acteurs culturels locaux à faire cause commune avec leurs partenaires publics.
Nous sommes aussi fiers de leur capacité à dialoguer ensemble et, à l’occasion, à interpeller d’une même voix leurs collectivités partenaires quand le besoin s’en fait sentir.
Avec leur accord et parce que nous partageons leur constat et inquiétudes, nous souhaitons donc chers collègues vous faire part d’un communiqué qu’ils ont diffusé le 21 septembre dernier à l’attention des collectivités, et qui a malheureusement été peu repris dans les médias.
Il est signé de 3 fédérations : Films en Bretagne, qui regroupe 73 auteurs, réalisateurs et réalisatrices, 18 sociétés de production, 26 structures de diffusion et de médiation culturelle, 87 techniciens et techniciennes et artistes interprètes, du Collectif des festivals, qui fédère 31 festivals bretons dont une dizaine de notre Métropole, et de l’ARBRE qui fédère 41 auteurs, réalisateurs et réalisatrices de Bretagne.
Voici leur parole :
« Nous avons récemment découvert par voie de presse l’implantation rennaise de Politikos, Festival international du film politique.
Dans le même temps, nous apprenions que Politikos – événement d’une durée de 4 jours – allait bénéficier d’un important soutien financier de la part de trois collectivités : 190 000 € de la Région Bretagne, 100 000 € de Rennes Métropole et 30 000 € du Département Ille-et-Vilaine. Un soutien de 30 000 € la DRAC de Bretagne viendrait par ailleurs s’y ajouter.
Soit un total de 350 000 € de financements publics.
Si Politikos (dont l’idée a germé il y a moins d’un an) est présenté comme une opportunité à saisir dans un contexte fortement concurrentiel entre régions ; et si par ailleurs ces financements n’altèrent pas les fonds alloués à la culture, puisque issus d’enveloppes « communication » et/ou « attractivité du territoire », les méthodes de soutien comme les montants attribués viennent dangereusement fragiliser le travail de co-construction mené sur le long terme avec les structures culturelles et associatives en Bretagne.
Nos structures ne mènent pas une « fronde » contre le Festival Politikos.
Elles s’interrogent ici précisément sur les modalités d’attribution des financements publics dont Politikos a bénéficié de la part des collectivités. Nous ne les estimons ni cohérentes à l’aune d’un contexte de forte restriction budgétaire, ni équitables à l’aune des règles qui guident la décision politique dans laquelle elles s’inscrivent. Rappelons que les festivals n’étaient jusqu’ici jamais soutenus sur une première édition, devant faire preuve de l’intérêt de leur projet et des liens créés avec les publics.
Alors que toutes les structures culturelles et associatives qui maillent le territoire breton rencontrent de plus en plus de difficultés à développer leurs actions et pérenniser les emplois créés au motif d’une nécessaire diminution de la dépense publique, leurs bénévoles et salarié·e·s – qui œuvrent à l’année et auprès de tous les publics de la région – ainsi que les professionnel·le·s des secteurs culturels s’indignent face à cette flagrante iniquité de l’accès à l’argent public, autant qu’ils s’en inquiètent.
L’inquiétude est partagée bien au-delà de la Bretagne, notamment par de nombreux organisateurs de festivals de cinéma en France, constatant l’éclosion de ce nouveau type de manifestations « clefs en main » qui s’implante dans différentes villes – au risque d’une marchandisation de la culture – et pour lesquelles des soutiens financiers importants sont d’emblée mobilisés à tous les échelons territoriaux, alors même que l’Etat, à travers le CNC, a demandé aux festivals de présenter des budgets 2018 à moins 5% voire moins 10%.
Nous appelons les élu·e·s à la plus grande vigilance et soulignons qu’il restera difficile de réconcilier les citoyens avec la politique – credo de Politikos – tant que l’exercice du pouvoir apparaîtra aussi incohérent et inégalitaire que dans le cas présent. »
L’objet de cette intervention n’est pas de critiquer le festival Politikos, pas plus que ne le font les signataires de ce communiqué, la critique porte uniquement sur le choix de la Métropole d’accorder une subvention inédite de 100 000 € pour une première édition d’une manifestation au Couvent des Jacobins.
Plusieurs acteurs rennais ont de grands projets tout aussi attractifs qu’ils aimeraient organiser dans ce lieu pour leur donner dimension nationale ou internationale, à condition que notre collectivité les aide à payer la facture de location.
C’est sur ce sujet que nous vous interrogeons Monsieur le Président, êtes-vous prêts à regarder avec la même attention ces projets issus du territoire et à leur accorder un soutien financier du même niveau pour qu’ils se tiennent au Couvent des Jacobins ? |