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Culture : défendre les valeurs d’ouverture, de diversité et de liberté artistique face aux menaces réactionnaires et coupes budgétaires

Discours d’ouverture des Transmusicales 2024 par Benoît Careil, adjoint écologiste à la Culture de la Ville de Rennes

Bonsoir à tous et à toutes,

Mme la présidente de l’ATM, très chère Samia

Mrs les directeurs et Mme la secrétaire générale des Trans, chers Erwan, Jean-Louis et Gwénola

Mme la vice-présidente de la Région en charge de la culture, des droits culturels et de l’éducation artistique et culturelle, chère Béa

Mme la vice-présidente de Rennes Métropole délégué à la culture, la jeunesse et la vie étudiante, chère Rozenn

Isabelle Chardonnier directrice de la DRAC Bretagne et Denez Marchand du Département s’excusent, ils nous rejoindront peut-être plus tard

Mesdames et messieurs, chers ami.es

Les 5 partenaires publics de la vie culturelle rennaise, l’Etat, la Région, le Département, la Métropole et la Ville de Rennes, ont pris l’habitude depuis 4 ans de désigner l’un ou l’une d’entre nous pour exprimer une parole collective, ça nous évite de nous répéter les uns après les autres, et ça vous évite de vous impatienter inutilement en attendant de se retrouver plus joyeusement autour d’un verre. Donc, ce soir, c’est mon tour, et ça tombe bien, j’avais des choses à vous dire.

Le rendez-vous des Transmusicales, en décembre, est chaque année un moment suspendu et très attendu. C’est la fin de l’année, quelques semaines avant les vacances et une période de fêtes en famille. 

Depuis septembre, la saison culturelle bat déjà son plein à Rennes. Beaucoup de rennaises et de rennais sont au zénith de leur vie sociale et culturelle. 

Le premier trimestre de l’année scolaire est chaque année, une période où l’on sort beaucoup, où l’on va avec envie vers les autres, se frotter à l’altérité et la diversité, découvrir de nouveaux lieux et vivre de nouvelles émotions, vivre l’excitation des soirées festives et des festivals qui s’enchainent sans interruption à Rennes jusqu’à la fin de l’année.

Les artistes, techniciens du spectacle et autres créateurs d’ambiance sont omniprésents durant ces fêtes collectives, leur nombre, leur liberté et la qualité des conditions dans lesquelles ils travaillent, sont essentielles pour que tous ces moments de partage, d’expressions culturelles et de fêtes soient réussis.

Cette fin d’année est cependant totalement inédite et très préoccupante, et notre chère vie culturelle rennaise, ce moteur de notre vivre ensemble, est en danger.

Je suis certain que cette nouvelle édition des Transmusicales, la qualité et la diversité des artistes présents, et les aménagements incroyables des lieux, vont nous faire le plus grand bien, mais le festival sera traversé inévitablement par la gravité de la situation.

À ce propos, permettez-moi d’user de ma liberté de parole et de revenir sur quelques faits d’actualité et de société de l’année 2024, qui ont précédé cette situation particulièrement préoccupante et assurément annoncé.

Tout d’abord un record en 2024, celui de l’année la plus chaude jamais observée, avec un réchauffement climatique qui a, dès septembre, dépassé les 1,5°, des phénomènes météorologiques extrêmes avec des pertes humaines et économiques en Europe qui nous ont tous sidérés, et le fiasco dramatique et désespérant de la COP29 qui présage du pire pour la suite. L’écoanxiété a de beaux jours devant elle, beaucoup de jeunes ne se projettent plus dans le futur et les artistes témoignent de plus en plus dans leurs créations d’une vision désespérée.

Autres records de l’année 2024, les scores historiques de l’extrême droite aux élections européennes et législatives en France, et celui du camp ultra réactionnaire, vainqueur des présidentielles aux Etats Unis. Le RN est aujourd’hui le 1er parti politique français, aux portes du pouvoir et faiseur de majorité à l’Assemblée. Ce n’est plus de la fiction, c’est notre réalité.

Les idées ultra réactionnaires ne se cachent plus, elles s’expriment ouvertement, en confiance, sans vociférer ni attendre de contradiction. Sûres d’elles, elles s’infiltrent dans les sphères du pouvoir, celles qui décident des politiques culturelles. On jette les valeurs républicaines et humanistes pour imposer, insidieusement ou carrément au grand jour, une nouvelle doctrine : repli identitaire, invention d’un roman national figé dans le passé et excluant la part des étrangers et étrangères qui l’ont constitué, droit autoproclamé de censurer, quand ils le décident, la parole des artistes, la création ou la diffusion d’une œuvre, rejet des politiques culturelles progressistes, celles qui contribuaient à la cohésion sociale, l’émancipation des individus, à une vie culturelle plus inclusive, égalitaire, joyeuse et rassembleuse.

On parle de bataille, de croisade ou de guerre culturelle, le Puy du Fou contre la cérémonie d’ouverture des JO, une culture refermée sur elle-même, contre une culture qui accueille toutes des minorités, qui protège et valorise la diversité culturelle.

Le choix du gouvernement de couper brutalement dans le financement des collectivités territoriales a été suivi de réactions sidérantes de sabordage de politiques culturelles territoriales. Les professionnels de la culture des Pays de Loire subissent les foudres de leur présidente de Région, une véritable condamnation d’un secteur culturel qui monopoliserait, d’après elle, l’argent public pour diffuser une culture progressiste à l’opposé de la sienne et de ses administrés.

Nous refuserons, chers amis, d’entrer dans cette croisade culturelle nauséabonde, mais nous lutterons avec détermination pour défendre nos valeurs et le sens d’un service public de la culture, dans le respect de la Déclaration universelle des droits humains, dans le respect de tous les droits dont les droits culturels et la liberté d’expression, d’opinion, de création et de programmation, nous lutterons pour l’égalité en droit et en dignité de tous et toutes, ceux et celles qui partagent nos valeurs comme ceux et celles qui les critiquent, ceux et celles qui se disent majoritaires comme ceux et celles qui s’identifient à des minorités culturelles.

Je sais que mon propos est militant, ce n’est pas la tradition d’un discours inaugural, mais, pour en échanger régulièrement entre nous, partenaires publics, avec les artistes et les acteurs et actrices de la culture à Rennes, notamment avec l’équipe des Trans, je suis convaincu que cette lutte qui s’engage est celle du sens même de notre engagement pour l’art, pour les artistes, pour la diversité culturelle et les droits culturels de chacun et chacune.

Les Transmusicales incarnent chaque année cet esprit d’ouverture, de tolérance, ce goût pour l’innovation et le métissage, ce souci que la festival soit l’écho de la diversité des expressions culturelles et citoyennes du monde contemporain, et cette volonté d’échanger et de débattre aussi souvent que nécessaire, des enjeux sociétaux et environnementaux qui interrogent nos manières de faire et les objectifs mêmes de nos actions.

Nous entrons assurément dans une nouvelle phase des politiques culturelles, éminemment politique. Cette mutation forcée se fera dans un contexte budgétaire très contraignant, douloureux pour nous, et pour tous ceux et toutes celles qui ont besoin de notre soutien. Merci de rester très éveillés et engagés. Nous prendrons soin de vous comme vous prenez soin de votre public et de tous ceux et toutes celles qui font avec vous ce formidable évènement populaire et artistique que sont les Transmusicales. Merci !

Benoît Careil, adjoint écologiste à la Culture de la Ville de Rennes