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Une approche globale en coopération pour lutter contre le narcotrafic à Rennes

Conseil municipal du 14 octobre 2024 · Intervention de politique générale portée par Laurent Hamon au nom des élu·e·s écologistes et citoyen·ne·s

Madame la Maire, mes chers collègues,

Face à une montée inquiétante de la violence liée au trafic de drogue à Rennes, nous prenons une nouvelle fois la parole sur ce sujet important. Le trafic de drogue a pris, à Rennes depuis un moment, une tournure très préoccupante… avec un niveau de violence sans précédent, rendant le quotidien des habitantes et des habitants de plus en plus difficile et pesant. Je veux ici leur dire ce soir que non seulement nous les comprenons, mais aussi, que nous sommes fortement mobilisés à leurs côtés.

Force est de constater, que toutes les villes sont aujourd’hui concernées, y compris les villes moyennes, qu’elles soient gouvernées par la gauche ou par la droite. Les statistiques ne sont guère plus favorables dans les villes comme Nice, où, malgré les 550 policiers municipaux et les 4 300 caméras de rue, les chiffres sur l’insécurité ne sont pas meilleurs.

Partout en France, le développement du trafic de drogue est exponentiel et s’accompagne d’une recrudescence de la violence et de l’insécurité. Le trafic de drogue en France génère plus de 3 milliards d’euros annuellement, avec 3 000 points de deal employant environ 21 000 personnes. À Rennes, ce serait plus de 30 points de deal selon la police.

Cette économie capitaliste du crime organisé touche de plein fouet les vies des plus précaires. Elle menace nos institutions publiques et prospère partout en s’appuyant sur les vulnérabilités existantes : la pauvreté, les inégalités, les discriminations…. des maux structurels qu’il nous faut continuer à combattre à la racine, et sans relâche.

Cette situation alarmante met en lumière l’échec des politiques essentiellement répressives des dernières décennies, héritées du quinquennat Sarkozy : 13 000 policiers et gendarmes supprimés et notamment la fin de la police de proximité, qui ont encore aujourd’hui des conséquences désastreuses.

En voulant faire porter le chapeau aux maires de gauche, la droite et les macronistes au gouvernement, occultent les conséquences de leurs propres choix politiques, alors que dans le même temps ils demandent 5 milliards d’économies aux élus locaux ! Veulent-ils que nous supprimions, par exemple, des postes de police municipale ? Tout cela manque de cohérence.

La recentralisation des décisions par l’État, couplée à un transfert de responsabilités aux collectivités, pose problème. Une coopération décentralisée en matière de sécurité est nécessaire pour répondre aux besoins locaux. La Ville de Rennes s’engage activement dans cette approche partenariale.

La commission d’enquête sénatoriale, transpartisane, sur le narcotrafic, appelle à un plan d’urgence pour renforcer les services d’enquête et les juridictions, avec une stratégie nationale dotée de moyens adéquats contre la corruption et le blanchiment. 

Elle propose notamment la création d’une « DEA à la française » et d’un parquet anti-stupéfiants. Le rapport recommande de renforcer les moyens dans l’outre-mer. Nous pourrions aussi tisser des liens avec les élus locaux ultramarins pour aborder notamment la question des personnes utilisées comme des mules et de l’exploitation sociale.

Les opérations de type place nette peuvent, certes, apporter un soulagement temporaire aux habitantes et habitants vivant à proximité des points de deal, mais ne suffisent pas et ne suffiront pas à endiguer le problème sur le long terme. Pour lutter efficacement contre le trafic de drogues, il est crucial de s’attaquer aux gros trafiquants, notamment ceux qui orchestrent leurs activités depuis l’étranger.

Il faut arrêter de regarder le problème par le petit bout de la lorgnette. Nous voyons bien aujourd’hui les limites de cette vision sécuritaire qui ne parvient pas à voir le problème dans son ensemble. 

Il est indispensable d’appréhender le trafic de drogue dans toute sa complexité. Et disons-le, le sujet est vraiment complexe. Nous devons redonner toute leur place à la prévention, au travail social et aux politiques de santé. « Ce qu’on ne fait pas aujourd’hui en matière de prévention, nous le payerons demain en matière de répression et sans aucune garantie de résultats : la preuve. »

En ce sens, la Ville de Rennes a investi des moyens sans précédent depuis le début du mandat pour assurer la sécurité des Rennaises et des Rennais. Je me permets d’en citer quelques-uns.

  • le recrutement de 40 policiers municipaux supplémentaires en 2 ans 
  • l’installation de caméras au cas par cas, lorsque cela s’avère nécessaire
  • la création d’une nouvelle brigade anti-incivilité
  • la multiplication par trois des patrouilles sur le terrain

Qu’on se le dise, AUCUN autre service de la Ville de Rennes, que celui de la police municipale, n’a vu augmenter ses effectifs dans de telles proportions. Mais nous disons AUSSI que d’autres services ont besoin de renforts humains, qui viennent aussi lutter contre le trafic ou les incivilités. Nous devons donc faire des choix équilibrés mais surtout des choix efficaces.

En ce sens, le budget annuel du service de médiation et de prévention de la délinquance a plus que doublé depuis 2020. Rennes Métropole finance aussi la présence d’éducateurs de rue qui créent des relations de confiance avec les jeunes.

Nous sommes présents dans chaque quartier et nous ne lâchons rien et nous cherchons à défendre chaque mètre carré de notre ville. Avec la présence de policiers municipaux et de travailleurs sociaux, mais aussi de nos équipes de propreté, ou en aménageant les espaces publics pour dissuader les trafiquants et offrir un cadre de vie plus serein aux habitants.

Et parce que faire reculer les trafics, c’est aussi réinvestir l’espace public et le rendre vivant, nous soutenons les initiatives des associations et des habitants qui y contribuent. Les habitants des quartiers populaires en ont assez d’entendre parler de leur quartier en mal.

Ce travail de terrain si essentiel, en tant qu’écologistes, nous prenons notre part. C’est notamment le cas de nos collègues élus de quartier à Maurepas, Bréquigny et Cleunay qui sont particulièrement touchés par le trafic de drogue. C’est aussi le cas de nos collègues chargées de l’éducation ou de la médiation et de la prévention de la délinquance. 

Alors, nous lisons dans la presse ou lors d’intervention de nos collègues de la minorité qu’il suffirait de recruter des policiers municipaux, de les armer, et d’installer des caméras et que le problème serait quasi réglé.

Sur le premier point, c’est à dire les effectifs de notre police municipale et son rôle : Nous nous opposons (tout comme un syndicat d’ailleurs) au fait de pallier au manque de moyens de la police nationale. La police municipale collabore avec la police nationale, mais n’est pas responsable de la lutte contre le crime organisé. Son rôle consiste à effectuer des patrouilles régulières pour connaître le quartier, établir des liens avec les habitants, prévenir et verbaliser les incidents.

Sur le second point : Armer nos policiers municipaux d’armes à feu ou même étendre leurs horaires de nuit. Je rappelle que nos policiers municipaux sont équipés d’armes défensives adaptées à leurs missions. Avec des armes à feu, cela les exposerait à des missions qui ne sont pas les leurs et à des risques supplémentaires. D’ailleurs, lors de certaines fusillades, comme en mars dernier au Blosne, même la police nationale n’était pas en mesure de pouvoir intervenir.

Sur le troisième point : Nous continuons d’installer des caméras pour sécuriser certaines interventions policières, mais plusieurs études, notamment une de notre Ville sur le mandat précédent, concluent au faible intérêt des caméras contre la délinquance et pour l’élucidation d’enquêtes. Mais une actualisation de ces études sur leur efficacité serait peut-être pertinente ? Bien que les caméras rassurent les habitants, nous le savions bien, elles ne font que déplacer le problème. Par exemple, à Maurepas, de la rue de la Marbaudais à l’allée de Brno.

Je le dis clairement, l’ajustement des effectifs de policiers municipaux et l’ajout ciblé de caméras sont envisageables sans dogmatisme, mais croire que ce serait l’alpha et l’oméga d’une politique de sécurité réussie, les chiffres ne le démontrent pas ! Il est aussi important de renforcer les moyens humains pour la prévention et la médiation.

Ne nous y trompons pas : pour lutter contre le crime organisé et le narcotrafic, ce sont, entre autres, des renforts en police nationale et judiciaire dont nous avons besoin. Mais quelle a été l’évolution réelle du nombre de policiers nationaux présents sur le terrain dans la zone police de Rennes depuis la signature du CSI ? Où en est par exemple la brigade des transports qui avait été promise ? Des syndicats de police demandent plus de 100 renforts de policiers et d’officiers judiciaires dans notre ville.

Madame Gandon, Monsieur Compagnon, faites donc entendre ces réalités de terrain au ministre de l’Intérieur que VOUS avez porté au gouvernement. L’État doit reconnaître la complexité du trafic de drogue et la nécessité d’une approche globale. Seule une coopération renforcée entre tous les acteurs concernés permettra de restaurer la sécurité et la sérénité dans nos quartiers, tout en offrant à nos jeunes des perspectives d’avenir loin de l’emprise destructrice du narcotrafic.

Je vous remercie,

– Seul le prononcé fait foi –