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En immersion dans Rennes avec les médiateurs et médiatrices de nuit

Annick Béchet a participé à une immersion de nuit en tant qu’élue déléguée à la Médiation et à la prévention de la délinquance de la Ville de Rennes.

8 octobre 2020 – Il est 19 h ce jeudi, je rejoins notre lieu de rendez-vous avec les médiateurs et médiatrices de nuit. Comme chaque semaine, dans leur blouson gris estampillé « MEDIACTION », ils et elles s’apprêtent à aller à la rencontre des habitant·e·s des quartiers de Villejean, Le Blosne, Bréquigny et Maurepas.

Caroline, Marina, Thomas, Houda, Laurie, Romain, Vincent, Oumar et Mathieu, un grand merci à vous pour cette expérience humaine !
Leur rôle ?

Mandaté·e·s par des bailleurs sociaux et la ville de Rennes, ces professionnel·le·s des problématiques sociales et urbaines sont là pour recréer du lien social et faciliter le mieux vivre ensemble : ils et elles échangent avec les habitant·e·s, préviennent les incivilités, régulent les conflits de voisinage, écoutent, rassurent, informent, orientent… Et quand on fait ça du lundi au samedi, de 19h à 2h du matin, il faut être sacrément motivé ! Ce n’est pas un métier qu’on fait par hasard. 

19 h 15 – Tout le monde est prêt ? Bon, on forme les binômes de la soirée, on se réunit pour les dernières directives et c’est parti !

Notre binôme arrive devant le premier immeuble. Nous entrons et commençons à sonner chez les habitant·e·s. C’est ce qu’on appelle « Les visites de courtoisie » :

— Bonjour Madame. Nous sommes les médiateurs et médiatrices de nuit. Nous passons dans votre immeuble pour nous assurer que tout va bien. Pas de soucis à votre étage ? Pas de problème de voisinage ? 

Les habitant·e·s discutent, ils nous parlent de l’ambiance dans l’immeuble, dans le quartier, ils apprécient vraiment de se sentir écouter, soutenus.

–– Voici notre dépliant. Si vous avez le moindre souci, n’hésitez pas à nous appeler. Notre permanence téléphonique est à votre écoute de 19 h à 2 heures du matin. Bonne soirée !

20 h 15 – La courtoisie cède la place à l’intimité. Il est temps de laisser les locataires à leurs occupations, on enchaîne sur la visite des parties communes.

Les cages d’escalier se succèdent, des charriots de supermarché encombrent le couloir ; à l’étage du dessous, ce sont des sacs poubelle remplis qui trônent sur le palier. 

On ouvre la porte d’un escalier de secours. Là, l’univers change radicalement. Les marches sont souillées d’urine, de mégots, de canettes. Des signes faits au briquet recouvrent les murs. On observe également des interrupteurs brûlés et des ampoules cassées. C’est un lieu qui est régulièrement utilisé pour le trafic de drogue. On remonte jusqu’à l’accès des pompiers placé à un étage idéal pour avoir une vue imprenable sur tout le quartier. Cet accès est régulièrement occupé. C’est la place du guetteur, celui qui veille à ce que les trafics puissent se poursuivre sans interruption.

22 h – Nous déambulons dans le quartier en saluant les personnes que nous croisons.

–– Bonjour ! 
–– Bonjour ! Comment ça va ? 

Jeunes, couples, personnes âgées ou seules qui promènent leur chien, familles… Tout le monde nous répond. On sent que les habitant·e·s apprécient cette présence bienveillante. Les médiateurs et médiatrices les rassurent, ils créent un lien entre les gens, ils incitent les voisin·e·s à se parler, à se connaître, et quand on se connaît, ça change tout. On ne voit plus les autres de la même façon, on ne voit plus son quartier de la même manière. On prend confiance, on se met à partager, on se sent plus fort. On vit mieux.

Dans un square, quatre jeunes jouent aux dominos autour d’une petite table. Ils nous retournent un petit signe amical de la main.

Nous passons devant une tour noircie par un incendie. 

Le long d’une palissade, des personnes du quartier ont accroché une banderole faite de textes, d’images, de mots… autant de ressentis, de témoignages, de messages sur ce que leur évoque leur lieu de vie. On peut y lire la colère, le dégoût, la crainte, la lassitude, mais aussi la joie et l’espoir. 

Devant un immeuble, des encombrants ont été déposés ainsi que dans le local à vélos. Encore des incivilités qu’il faudra gérer.

23 h — Dans le hall d’entrée d’un immeuble, une superbe frise colorée couvre une partie d’un mur. Les médiateurs et médiatrices m’expliquent : cette mosaïque a été réalisée par les habitant·e·s. C’est le bailleur qui a proposé l’idée. Adultes, ados, enfants, chacun·e a participé à la décoration du bâtiment. Le hall d’entrée est devenu unique, chaque habitant·e y a mis sa patte. Et tout à coup, cet immeuble n’est plus un simple immeuble, c’est leur immeuble, et là aussi, ça change tout ! Parce que quand on se sent chez soi, on se sent bien et ça donne envie de continuer à bien entretenir son chez-soi. 

23 h 30 – Le tour se termine, je rentre au local des médiateurs et médiatrices. 

Eux continueront à veiller jusqu’à 2 heures du matin. Ils continueront d’écouter, discuter, apaiser en toute confidentialité parce qu’une véritable médiation ne peut exister sans confiance et la confiance, ce sont des liens que l’on tisse au fil du temps. 

Annick Béchet – Conseillère municipale déléguée à la prévention de la délinquance et à la médiation