| Conseil métropolitain du 18/12/2025Intervention portée par Morvan Le Gentil et Valérie Faucheux au nom des élu·e·s écologistes et citoyen·ne·s sur la délibération N° 2 – M. Nadesan Y. : Alimentation et agriculture durables – Territoire zéro pesticide de synthèse – Dispositif de Paiements pour Services Environnementaux – Plaidoyer Agriculture Biologique |
Madame la Présidente, mes chers collègues,
“Les écolos veulent nous crever, nous devons leur faire la peau.” Ces propos du Président de la coordination rurale le 19 novembre dernier sont extrêmement graves.
Aussi, en mars de cette année, lors d’une AG des Jeunes agriculteurs dans la Manche, une vidéo soit disant “humoristique” est diffusée : elle met en scène le meurtre d’un agent de l’Office français de la biodiversité (OFB).
Il y a tout juste une semaine, les locaux de l’association “Nature Environnement 17”, membre du mouvement France Nature Environnement, ont été dégradés par la Coordination Rurale, notamment avec des tags d’insultes et de menaces.
Ces trois actes, qui tombent sous le coup de la loi, en disent long sur l’état d’esprit actuel de certains syndicats agricoles vis-à-vis des enjeux de transition écologique.
Pourtant, les écologistes soutiennent les agriculteurs dans de nombreux combats communs :
– la défense d’un revenu digne face aux acteurs agro-industriels et de la grande distribution ;
– la préservation des terres agricoles dans le cadre du Zéro artificialisation nette ;
-la lutte contre les traités de libre-échange, et notamment le dernier en date le MERCOSUR ;
-une meilleure prévention et gestion sanitaire des épizooties favorisées par les dérèglements climatiques et le modèle agricole basé sur l’export et le productivisme. Au regard de la grave crise que nous connaissons aujourd’hui avec la Dermatose Nodulaire Contagieuse, nous tenons à apporter notre soutien aux éleveurs et éleveuses touché·es et demandons à l’État d’infléchir ses politiques sanitaires et d’élevage.
C’est dans ce contexte, qu’au nom des élu.es écologistes et citoyens de Rennes Métropole, je voudrais exprimer notre indignation face à ce qui s’est passé jeudi dernier entre Châteaubourg et Rennes : 3 années de concertation démocratique sur la gestion de l’eau dans le bassin versant de la Vilaine, écrasées par les tracteurs menés par la FNSEA, la Coordination rurale et les Jeunes agriculteurs.
Nous condamnons le blocage par la force de la réunion de la CLE, le Parlement local de l’eau, qui s’apprêtait à valider le SAGE Vilaine, fruit d’un long travail de compromis entre les agriculteurs, les associations environnementales, les institutions publiques et les usagers.
Nous condamnons les démonstrations de force de ces syndicats devant la Préfecture et la Métropole, diffusant des mensonges et entraînant des dégradations des bâtiments publics.
Ces méthodes plus que discutables font suite à des mois de pressions et de désinformations auprès des membres de la CLE et des élus locaux. Nous tenons d’ailleurs à apporter tout notre soutien à nos collègues en première ligne, Michel Demolder, Pascal Hervé et Ludovic Brossard.
La FNSEA rejette un SAGE qui aurait soit-disant été fait sans les agriculteurs, alors que leurs représentants siègent à la CLE et qu’ils ont été partie prenante de l’écriture du texte. Ce sont les représentants de la FNSEA à la Chambre d’agriculture qui ont eux-même proposé l’interdiction des herbicides maïs sur les zones les plus fragiles des aires de captage d’eau potable, pour contrer d’autres propositions plus ambitieuses défendues par les associations et soutenues par une partie des élu.es. Il s’agit donc déjà d’une mesure de compromis qui concerne seulement 1,5% du territoire du SAGE.
Dans un contexte d’échecs répétés des différents plans Ecophyto et d’une nouvelle hausse de la consommation des pesticides, le laissez-faire et les mesures basées sur le volontariat sont totalement inefficaces.
Comme en témoignent les 2 millions de signatures contre la loi Duplomb, la qualité de l’eau est devenue une exigence massivement partagée par la population.
Les preuves scientifiques s’accumulent sur le lien de causalité entre les pesticides et les cancers, les maladies neurologiques, les troubles de la reproduction, dont les agriculteurs sont les premières victimes ! On ne peut pas d’un côté déplorer, la mine contrite, l’explosion des cancers du sein, en arborant son petit ruban lors du mois d’Octobre rose et de l’autre, continuer à défendre l’usage des pesticides, comme si de rien n’était.
Seulement 8% des masses d’eau sont en bon état écologique sur le bassin versant de la Vilaine. Les derniers résultats de l’Agence Loire Bretagne sur la qualité de l’eau sont sans appel : en raison des pesticides et des nitrates, la qualité des cours d’eau et des eaux souterraines a encore baissé par rapport à 2019. C’est dramatique.
Faut-il rappeler que de nombreux agriculteurs et d’autres syndicats agricoles, comme la Confédération Paysanne, défendent l’adoption du SAGE et montrent par leurs pratiques qu’une autre agriculture est possible, plus respectueuse des humains et des écosystèmes ?
En 2024, l’étude du Shift project indiquait que plus de 80% des agriculteurs souhaitaient adopter des pratiques agronomiques plus durables. Seulement 7% déclaraient ne pas souhaiter s’engager ou accélérer la transition de leur exploitation. Cette étude atteste bien d’un fossé entre les aspirations de la majorité des agriculteurs et la dérive idéologique et conservatrice de certains de leurs syndicats.
Des moyens d’accompagnement existent et d’autres seront déployés. Par cette délibération, la Métropole, en collaboration avec la CEBR et Eaux et Vilaine, lance une étude pour la mise en place du dispositif de Paiement pour Services Environnementaux qui permettra de rémunérer les agriculteurs impactés pour services rendus sur la qualité de l’eau. L’activité agricole doit être soutenue dans un souci d’intérêt général afin de garantir un revenu paysan digne, incluant les services rendus aux écosystèmes et à la société. Pour les mettre en œuvre, il faudra se concerter, et dans ce cas avoir des interlocuteurs qui acceptent de collaborer en ce sens avec nos collectivités.
Terres de Sources est un bon exemple d’intelligence collective qui non seulement a créé des débouchés et des filières de transformation locale pour les paysans qui s’engagent à protéger l’eau et l’air, mais en plus a témoigné très concrètement de sa solidarité en déployant un mécanisme d’appui exceptionnel à la filière végétale sans phyto sarrasin en 2024, compte tenu des faibles rendements liés à la forte pluviométrie. Une dynamique locale, des partenaires qui se connaissent et contribuent mutuellement aux objectifs des uns et des autres… Voilà un modèle qui semble robuste et résilient.
Ne nous laissons pas ruiner la santé et confisquer les ressources essentielles à notre survie, comme l’eau mais aussi l’air, les sols et la biodiversité, par des acteurs agro-industriels et des lobbys de la chimie qui depuis 50 ans, mènent la profession agricole droit dans le mur. Ce soir, nous disons : ça suffit !
Nous appelons les 1,5 millions d’habitantes et habitants du bassin versant de la Vilaine à signer la pétition à l’initiative de la Confédération paysanne, Eau et Rivières de Bretagne et Agrobio35, pour défendre ce projet de SAGE.
Nous appelons également à rejoindre massivement la manifestation organisée à Rennes le 10 Janvier prochain pour l’adoption du SAGE et pour une eau potable sans pesticide.
Nous appelons enfin l’Etat à travers le Préfet, à respecter le processus démocratique de la CLE et à défendre à travers ce projet de SAGE, la santé de toutes et tous, face aux intérêts mercantiles de quelques-uns.
Au nom de l’autonomie alimentaire et donc du maintien de l’activité agricole, au nom de de la préservation du vivant et des ressources naturelles, au nom de la santé publique, il est temps enfin de co-construire ensemble cette transition agricole.
Je vous remercie.
– Seul le prononcé fait foi –
